mardi 30 juillet 2013

Tout va très bien, Madame la Marquise…



Selon la Programmation relative au suivi de la situation linguistique 2008-2013 (en ligne sur le site de l’Office québécois de la langue française), il est prévu de mettre à jour les indicateurs sur « les taux de réussite aux épreuves de français de différentes clientèles ». L’Office avait consacré un chapitre de son bilan de 2008 à la maîtrise du français : on y trouvait des tableaux et des graphiques présentant les taux de réussite à l’épreuve unique de français de 5e secondaire et ceux de l’épreuve unique de langue et de littérature du collégial.


Comme nous sommes déjà en juillet 2013 et que rien n’est encore paru sur le sujet, j’ai décidé de mettre à jour moi-même ces indicateurs. Je n’ai pas trouvé sur le site du ministère de l’Éducation de données ventilant les résultats à l’épreuve unique de français de 5e secondaire selon les catégories utilisées dans le bilan de 2008 de l’OQLF (évaluation du fond et de la forme, résultats en syntaxe et ponctuation, en orthographe et en vocabulaire). Je ne peux donc faire de mise à jour pour le secondaire. En revanche, on trouve sur le site des rapports détaillés présentant les résultats à l’épreuve unique de langue et de littérature du collégial pour les années 2007-2008 à 2011-2012.


Le tableau qui se dégage de ces données est globalement encourageant même s’il y a une ombre.


De 2007-2008 à 2011-2012, le taux global de réussite à l’épreuve unique de langue et de littérature du collégial affiche une tendance à la hausse, comme l’illustre le graphique suivant :



Le bilan de 2008 de l’OQLF explique en détail la grille de correction du Ministère et je me contente de renvoyer à ces explications (spéc. p. 165). Rappelons simplement que la grille comprend trois critères. Je ne présenterai ici que les résultats au critère « maîtrise de la langue » et au sous-critère « orthographe d’usage et orthographe grammaticale ».


Le taux de réussite au critère « maîtrise de la langue » est lui aussi en progression :





Toutefois, le tableau s’assombrit lorsque l’on regarde les résultats en orthographe d’usage et en orthographe grammaticale. Ici, la tendance est à la baisse :


Fait encourageant, le taux des élèves qui ont la cote A (entre 0 et 3 fautes) en orthographe d'usage et en orthographe grammaticale est en légère progression :





… pourtant, il faut que l’on vous dise…


Les rapports détaillés présentant les résultats à l’épreuve unique de langue et de littérature du collégial antérieurs à 2007 ne sont plus disponibles sur le site du ministère de l’Éducation. Heureusement, ces données apparaissent dans le bilan de la situation inguistique que l’Office québécois de la langue française a produit en 2008. On peut ainsi suivre l’évolution des taux de réussite depuis 1997. Voici le graphique publié dans le bilan de l’Office :




Si nous combinons ces données à celles de 2007-2011, nous avons une image passablement différente de celle que nous venons de voir.



… on déplore un tout petit rien


De 1997 à 2011, le taux de réussite à l’épreuve unique de langue et de littérature du collégial est clairement à la baisse malgré une remontée récente :


Le taux de réussite au critère « maîtrise de la langue » affiche lui aussi une tendance à la baisse malgré une remontée récente :



Le pourcentage de réussite en orthographe d’usage et en orthographe grammaticale est lui aussi à la baisse malgré une hausse ces deux dernières années :





Un élément de consolation : le pourcentage des très bons élèves (ceux qui ne font aucune faute d'orthographe ou font trois fautes ou moins) est stable depuis 1997; la situation s'améliore même légèrement bien que cela ne suffise pas pour inverser la courbe de tendance dans le graphique qui suit :






vendredi 19 juillet 2013

Traduction littérale, ici et ailleurs



Dans leur lettre ouverte publiée en 2011, dix-neuf anciens terminologues de l’Office québécois de la langue française faisaient remarquer qu’il est « important que les terminologues acquièrent de très bons réflexes de traducteurs, qu’ils connaissent les techniques de passage de l'anglais au français et qu’ils soient attentifs aux pièges de traduction. » Ils demandaient de porter une attention spéciale aux traductions littérales de l’anglais (thème que j’ai eu largement l’occasion de développer dans ce blog : voir, par exemple, mes billets sur comptoir de cuisine et comptoir de salle de bain).


Ce qui est plus étonnant, c’est d’apprendre que l’anglais, dans les institutions de l’Union européenne, fait face au même problème : la traduction littérale qui rend bien des mots et expressions opaques pour l’anglophone lambda . Sur le sujet, voir le texte « Je parlais l’english fluettement, yes, yes ! »



La direction générale de la traduction de la Cour des comptes de l’Union européenne vient de publier un rapport intitulé Brief List of Misused English Terms in EU Publications.


En prime, je vous propose la lecture de ce billet publié sur Mediapart et parlant de l’anglomanie dans les noms de voitures : « Carlos Ghosn et la Fluence ».

mardi 2 juillet 2013

La langue comme instrument de discrimination



« Pour arriver à décrire de façon adéquate et complète le français du Québec et à mettre à la disposition des Québécois l'explicitation de cette norme de référence de la langue standard québécoise, je vois, comme un moyen de première importance, la rédaction d'un dictionnaire. C'est le seul ouvrage de base où les usages linguistiques du Québec peuvent être hiérarchisés et le français québécois standard, explicité. L'existence de ce français québécois standard justifie et appelle la rédaction d'un dictionnaire complet.


[…]


Une fois établie clairement la hiérarchisation des usages et la norme du français québécois, il faut s'assurer du respect de cette norme, c'est-à-dire de la pratique quotidienne d'un français de qualité. »

Extraits du mémoire Le français au Québec : une présence à renforcer et un outil de communication à maîtriser, présenté à la Commission Larose en octobre 2000 (États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec)


Sur le même thème, voir mon billet « Пролетарии всех стран, соединяйтесь! », sous-titré : Dictionnaire et lutte des classes.


lundi 1 juillet 2013

Le français québécois standard existe-t-il ? Quelqu’un l’a-t-il rencontré ?


Un clin d’œil à André Frossard


« L'existence de ce français québécois standard justifie et appelle la rédaction d'un dictionnaire complet », a-t-on pu lire dans un mémoire présenté à la Commission Larose en octobre 2000 (États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec).


Mais le même auteur et sa collaboratrice affirment au contraire dans un autre texte : « cette langue n'existera que le jour où elle sera décrite et consignée dans l'ouvrage collectif par excellence : le dictionnaire ».
 

Alors, cette langue, elle existe ou elle n’existe pas ? Comment a-t-on pu lancer un « projet dictionnairique » pour décrire quelque chose dont on doutait de l’existence ? Si cette langue « n'existera que le jour où elle sera décrite et consignée » dans un dictionnaire, est-ce à dire que ce sera une création ex nihilo ?


Comme souvent avec les thèses endogénistes, il y a d’importants vices de logique.