mercredi 14 mai 2025

Ne pas savoir calculer

   

« C’était un travail en soi, de choisir les pièces à exposer », souligne Mme Limoges. Piger dans un passé aussi riche et aussi bien conservé relevait de l’exploit : les Ursulines, au fil de leur présence en terre d’Amérique, ont amassé quelque 50 000 objets et œuvres d’art, en plus de constituer une bibliothèque comptant 60 000 ouvrages. À ces quantités déjà prodigieuses s’ajoutent aussi 235 mètres linéaires d’archives qui, mises bout à bout, s’étaleraient sur un demi-kilomètre.

—« Les Ursulines, premières ‘allumeuses d’étoiles’ de l’Amérique francophone », Le Devoir, 14 mai 2025

 

235 mètres linéaires équivalent à un demi-kilomètre.

Ces mètres linéaires, on ne les a pas vraiment calculés comme on dit aujourd’hui en français populaire. Comme le fait remarquer l’Académie française (3 mars 2022), « [l]’emploi familier du verbe calculer en français, au sens de ‘remarquer quelqu’un, lui prêter attention’, vient vraisemblablement d’une traduction littérale de certaines phrases arabes. »

lundi 12 mai 2025

Mise en boîte


Lionel Meney a mis en ligne il y a deux semaines un billet de blogue sur l’expression « boîte de vote », traduction littérale de ballet box (cliquer ici).

J’ai voulu voir ce qu’en disaient les dictionnaires payés à même nos impôts.

Le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) n’a pas enregistré boîte de vote. Il a une fiche « urne » (de 2022) où le synonyme boîte de scrutin fait partie de la liste des « termes privilégiés ». Avec la note : « Parfois considéré à tort comme un calque de l'anglais ballot box, le terme boîte de scrutin est attesté en français depuis le XVIIIe siècle. » Qui a dit que boîte de scrutin était un anglicisme ? On aimerait le savoir. Le GDT confond-il boîte de vote et boîte de scrutin ? On peut par ailleurs se demander quelle était la fréquence des élections avant la révolution de 1789. Je veux bien concéder qu’il y avait des élections dans les ordres religieux. Mais l’affirmation du GDT me paraît curieuse, d’autant plus qu’on ne sait pas sur quelle source elle s’appuie.

La note du GDT continue : « C'est vers 1845 que le terme urne, en référence à un des sens latins de urna, fait son apparition […] ». On notera la maladresse de l’expression. Il aurait fallu écrire : un des sens du latin urna.

Le deuxième dictionnaire payé à même nos impôts, le Trésor de la langue française au Québec (TLFQ), n’a enregistré ni boîte de vote ni boîte de scrutin. Il ne peut non plus servir à avaliser la datation du GDT. En consultant son fichier de données, on découvre que la plus vieille attestation de boîte de scrutin date de 1884 dans la Gazette de Joliette : « M. Ernest Myrand, un jeune littérateur de Québec est à Ottawa où il soumet au département des patentes, une nouvelle boîte de scrutin dont il est l'inventeur ». On en trouve une seconde en 1897 mais c’est dans une correspondance privée. Et c’est tout pour le xixe siècle.

Pour Usito, le troisième dictionnaire payé à même nos impôts, « [l]'emploi de boîte de scrutin est parfois critiqué comme synonyme non standard de urne ».

On peut se demander si la condamnation de boîte de scrutin est légitime. On lit en effet dans Littré, s.v. scrutin : « Manière de recueillir, dans une urne, dans une boîte, les suffrages par des billets pliés […] ».