Dans un billet mis en ligne le 12 février (« Mélanges »), je critiquais la fiche ice cream mix du Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française. Je faisais valoir que l’équivalent proposé, mélange pour crème glacée, est tout simplement un calque de l’anglais.
Ayant reçu un courriel mettant en doute mon analyse, j’ai approfondi ma recherche. J’ai ainsi découvert que la banque de données Termium du gouvernement du Canada contredisait le GDT et donnait préparation pour crème glacée comme équivalent de ice cream mix. Avec comme référence : « Comité intergouvernemental de terminologie de l'industrie laitière = Intergovernmental Committee on Dairy Industry Terminology ». Et quel est au juste ce comité ? Un comité dont l’Office était membre !
Le résultat des travaux du Comité a été publié par l’Office dans le Lexique de l’industrie laitière. Où on peut lire la note suivante :
Il existe une différence entre mélange de, préparation pour et préparation de. Le mélange de résulte d'une réunion de produits finis. La préparation pour est constituée d'un mélange d'ingrédients le plus souvent déshydratés mais parfois liquides, auquel le fabricant ou le consommateur ajoute d'autres ingrédients (du lait, de l'eau, par exemple) ou effectue lui-même ou à l'aide d'un appareil une transformation de ce mélange, en vue d'obtenir un produit alimentaire fini. Il est inexact de dire mélange à crème glacée au lieu de préparation (liquide) pour crème glacée. La préparation de est constituée d'une réunion d'ingrédients qui ont subi une transformation culinaire souvent industrielle.
Donc, pendant des années, l’Office, de concert avec ses partenaires, a proposé préparation pour au lieu de mélange à. Avant de tourner casaque.
Rappelons que le Comité intergouvernemental de terminologie de l'industrie laitière avait été créé pour uniformiser l’étiquetage français et anglais des produits laitiers partout au Canada et pour fournir aux inspecteurs des aliments, tant fédéraux que provinciaux, une terminologie commune. Faisaient partie du Comité, outre des terminologues de l’Office, des représentants du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du gouvernement du Québec, de la Direction générale de la production et de l'inspection des aliments du Ministère de l'Agriculture du gouvernement du Canada, de l'Institut de technologie agricole et alimentaire de Saint-Hyacinthe, de la Division des langues officielles du ministère de l'Agriculture du gouvernement du Canada ainsi que du Bureau des traductions (Secrétariat d'État du gouvernement du Canada).
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Les langues évoluent. Il est donc normal que l’Office québécois de la langue française procède, au fil des années, à des ajustements dans la terminologie qu’il propose. La question est de savoir s’il peut procéder à des changements unilatéraux dans des lexiques qui sont le résultat de travaux effectués en collaboration avec l’industrie ou avec des ministères du gouvernement québécois et du gouvernement fédéral.
Je ne suis pas le premier à poser cette question. Lors d’un congrès de l'ACFAS, Marie-Éva de Villers, la célèbre auteure du Multidictionnaire de la langue française, avait attiré l’attention sur le fait que le GDT venait d’accepter le terme déductible (franchise) dans le domaine des assurances (voir mon billet « Franchise c. déductible »). Il s’agissait d’une modification unilatérale apportée par l’Office à un vocabulaire qui avait été établi en collaboration avec les compagnies d’assurances au prix d’efforts acharnés. Encore actuellement le GDT, bien qu'il le considère comme « terme à usage restreint », continue de légitimer l’usage du terme déductible… tout en décourageant son emploi « dans les textes officiels à caractère administratif » !
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Dans la fiche ice cream mix, telle qu’elle apparaît actuellement, on peut lire :
Le terme mix, utilisé surtout en français d'Europe, est un emprunt intégral à l'anglais (de ice-cream mix). Cet emprunt est à déconseiller pour favoriser l'implantation des termes français qui sont déjà généralisés dans l'usage.
Comme je l’ai écrit le 12 février, l’Office propose de remplacer un anglicisme lexical par une traduction littérale. Les emprunts (autant lexicaux que sémantiques) et les calques sont des façons d’enrichir la langue au même titre que la création interne.
Il n’y pas de langue sans mélange. La pureté linguistique n’existe pas.
L’Office préfère souvent recourir aux calques : c’est ce que j’appelle parler anglais avec des mots français. Quand on n’est pas aveuglé par l’idéologie, on peut bien admettre que le calque n’est pas en soi supérieur à l’emprunt intégral ou à la création interne sauf peut-être dans les cas où il causerait de la confusion (dans les communications de nature commerciale, juridique, scientifique, etc.).
Mais une question demeure cependant : pourquoi l’Office, qui a pour mission de franciser le Québec, préfère-t-il souvent proposer des calques en lieu et place de termes qui existent déjà en français standard ?