L’Union soviétique avait lancé en 1928 son
premier plan quinquennal. Les plans quinquennaux visaient une productivité
économique maximale et annonçaient des lendemains qui chanteraient. Il suffisait de voir les queues devant les
magasins pour se convaincre des résultats triomphaux obtenus dans la construction du
socialisme. Comme on disait à l’époque, С каждым днем все радостнее жить,
chaque jour chacun est un peu plus heureux.
Bien avant la chute du mur de Berlin, nos
gestionnaires ont repris l’idée du plan quinquennal sous l’appellation de plan
stratégique. Le simple fait que j’ai commencé mon billet en évoquant l’URSS
montre assez bien ce que je pense de ces documents creux. Mais rien ne vaut des
exemples.
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Dans le Plan stratégique en matière de politique linguistique 2009-2014, on
pouvait lire :
Le rapport qui devait être publié dans
l’année financière 2013-2014 (donc avant le 1er avril 2014), ne
l’a pas été : sur ce sujet, voir mon texte « Bilan de la situation linguistique : l’OQLF a-t-il respecté la loi ? »
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Dans le Plan
stratégique 2013-2016 de l’OQLF, on ne trouve plus que ces indications
sommaires sur le bilan de la situation linguistique que la loi l’oblige à
produire à tous les cinq ans (article 160 de la Charte de la langue française) :
L’Office n’indique pas le «nombre et la
nature des activités réalisées » ni le « nombre et la nature des
indicateurs produits ». Dire que pendant la dernière campagne électorale
ceux qui sont aux affaires aujourd’hui nous promettaient la transparence…
En 2010, l’Office avait mis en ligne son plan de travail pour évaluer l’évolution de la situation linguistique sur la
période 2008-2013. Répétons-le : nous n’avons aucune information sur la
programmation 2013-2018.
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Innovation intéressante dans le Plan stratégique 2013-2016 : plutôt
que de proposer de traiter un plus grand nombre de plaintes dans un délai plus
court, l’Office nous annonce qu’il a pour objectif de diminuer les plaintes, au
motif que beaucoup ne sont pas fondées. Quelle logique est-ce donc ? Si
une plainte n’est pas fondée, on clôt l’affaire et on passe à autre chose. Et
ça fait un dossier de réglé de plus dans les statistiques.
Déjà que des associations comme l’Asulf et
Impératif français font pour une bonne part le travail de l’Office en présentant
annuellement des centaines de plaintes. Veut-on les démobiliser ? Pourtant,
p. 15, le document affirme : « L’Office doit […] miser sur des
relais pour prolonger et décupler son action, souvent dans des couches de la
société qu’il ne saurait atteindre ».
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Je ne peux m’empêcher de relever cette
curieuse formulation du Plan stratégique
2013-2016 de l’Office québécois de la langue française :
L’Office doit
sensibiliser directement les citoyens et citoyennes tout comme les entreprises
pour les associer au processus de francisation. Il peut aussi les atteindre par
l’intermédiaire des groupes et des associations dans lesquels ils s’insèrent ou qui les encadrent, de
manière à multiplier la force de son action. (p. 14)
Des citoyens et des entreprises qui s’insèrent dans des
associations…
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Le Plan
stratégique 2013-2016 a été déposé en septembre 2014, a-t-on pu lire sur le
site de l’Office. On peut penser que les élections d’avril expliquent le retard
à présenter le plan à l’Assemblée nationale. Mais il ne peut justifier qu’on ne
l’ait pas mis à jour. Par exemple, p. 19, on indique au sujet de la
fréquentation du site Web de la Commission de terminologie, « La cible de
cet indicateur sera fixée d’ici au 31 mars 2014 ». Ou encore p. 21,
au sujet du capital humain : « La cible de
cet indicateur sera fixée d’ici au 31 mars 2014 ». Il me semble qu’on
aurait pu communiquer aux élus en septembre la teneur des cibles définies six
mois plus tôt.