Ce n’est pas aujourd’hui la première fois
que je dénonce le révisionnisme linguistique qui a cours à l’Office québécois
de la langue française et qui a comme résultat de défaire le travail des
premières générations de terminologues. Le 7 avril dernier, je donnais l’exemple
du mot « cabaret » dont une fiche de 1984 disait qu’il était « à
éviter » au sens de plateau (de service) :
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Mais en 2009 revirement, le Grand
Dictionnaire terminologique (GDT) accepte « cabaret » comme synonyme de « plateau » :
Autre exemple : après avoir accepté « saut-de-mouton »
(lire « Panurge terminologue ») pour désigner les fameux viaducs qui
surplombent nos autoroutes, le GDT n’en parle même plus dans sa fiche « pont
d’étagement » (où l’impropriété « viaduc » – impropriété du
point de vue terminologique – continue d’être présentée comme synonyme
dans la « langue courante »). L’Asulf (Association pour l’usage et le
soutien de la langue française) qui s’est battue pendant des années pour répandre
l’usage du terme « saut-de-mouton » proposé par l’Office n’en revient
toujours pas.
En 2001, l’équivalent français de ginger ale qui était présenté en vedette
dans le GDT était « soda au gingembre », « terme recommandé par
l’Office québécois de la langue française ». C’est-à-dire que ce terme
avait fait l’objet d’un dossier qui avait été préparé par un terminologue et approuvé par le
Comité d’officialisation puis le conseil d'administration de l'Office et ensuite publié comme avis de recommandation dans la Gazette officielle du Québec :
La fiche a été refaite en 2014 pour mettre
en vedette l’équivalent « boisson gazeuse au gingembre ». Il n’est
plus fait mention de l’avis de recommandation publié à la Gazette officielle.
On peut donc supposer : soit qu’un terminologue a préparé un dossier de
désofficialisation et que l’Office a fait publier à la Gazette officielle un
avis indiquant que le terme n’est plus recommandé – longue procédure
administrative ; soit qu’un terminologue a décidé de sa propre autorité de
ne plus faire mention d’une décision du conseil d’administration de l’Office –
comportement curieux dans une administration.
Une fiche de 2001 indiquait encore que le
terme « racinette » était recommandé par l’Office pour désigner en
français la root beer :
La fiche de 2014 ne mentionne plus que le
terme a été recommandé officiellement. Une fois encore on se pose la question :
l’Office a-t-il retiré son ancien avis de recommandation ?
Toutes les fiches relatives aux boissons
gazeuses privilégiaient auparavant l’appellation « soda », conformément
à l’avis de recommandation publié à la Gazette officielle. En 2014, on a
systématiquement mis en vedette l’appellation « boisson gazeuse ». On
a donc jugé opportun qu’un terminologue consacre des heures et des heures de
travail à ce changement qui apparaîtra comme cosmétique à la plupart des
mortels.
À l’heure où l’Office ne parvient pas à
faire du français la langue de travail sur le chantier du mégahôpital francophone de Montréal, on peut se demander s’il ne serait pas plus judicieux de
réaffecter des ressources humaines à la francisation des entreprises plutôt que
d’encourager des terminologues à continuer de jouer les Pénélope qui défont aujourd’hui
ce qui a été fait hier.