lundi 27 avril 2015

Faire et défaire, c’est toujours travailler

  
Ce n’est pas aujourd’hui la première fois que je dénonce le révisionnisme linguistique qui a cours à l’Office québécois de la langue française et qui a comme résultat de défaire le travail des premières générations de terminologues. Le 7 avril dernier, je donnais l’exemple du mot « cabaret » dont une fiche de 1984 disait qu’il était « à éviter » au sens de plateau (de service) :



Cliquer sur l'image pour l'agrandir

Mais en 2009 revirement, le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) accepte « cabaret » comme synonyme de « plateau » :



Autre exemple : après avoir accepté « saut-de-mouton » (lire « Panurge terminologue ») pour désigner les fameux viaducs qui surplombent nos autoroutes, le GDT n’en parle même plus dans sa fiche « pont d’étagement » (où l’impropriété « viaduc » – impropriété du point de vue terminologique – continue d’être présentée comme synonyme dans la « langue courante »). L’Asulf (Association pour l’usage et le soutien de la langue française) qui s’est battue pendant des années pour répandre l’usage du terme « saut-de-mouton » proposé par l’Office n’en revient toujours pas.


En 2001, l’équivalent français de ginger ale qui était présenté en vedette dans le GDT était « soda au gingembre », « terme recommandé par l’Office québécois de la langue française ». C’est-à-dire que ce terme avait fait l’objet d’un dossier qui avait été préparé par un terminologue et approuvé par le Comité d’officialisation puis le conseil d'administration de l'Office et ensuite publié comme avis de recommandation dans la Gazette officielle du Québec :



La fiche a été refaite en 2014 pour mettre en vedette l’équivalent « boisson gazeuse au gingembre ». Il n’est plus fait mention de l’avis de recommandation publié à la Gazette officielle. On peut donc supposer : soit qu’un terminologue a préparé un dossier de désofficialisation et que l’Office a fait publier à la Gazette officielle un avis indiquant que le terme n’est plus recommandé – longue procédure administrative ; soit qu’un terminologue a décidé de sa propre autorité de ne plus faire mention d’une décision du conseil d’administration de l’Office – comportement curieux dans une administration.




Une fiche de 2001 indiquait encore que le terme « racinette » était recommandé par l’Office pour désigner en français la root beer :




La fiche de 2014 ne mentionne plus que le terme a été recommandé officiellement. Une fois encore on se pose la question : l’Office a-t-il retiré son ancien avis de recommandation ?




Toutes les fiches relatives aux boissons gazeuses privilégiaient auparavant l’appellation « soda », conformément à l’avis de recommandation publié à la Gazette officielle. En 2014, on a systématiquement mis en vedette l’appellation « boisson gazeuse ». On a donc jugé opportun qu’un terminologue consacre des heures et des heures de travail à ce changement qui apparaîtra comme cosmétique à la plupart des mortels.


À l’heure où l’Office ne parvient pas à faire du français la langue de travail sur le chantier du mégahôpital francophone de Montréal, on peut se demander s’il ne serait pas plus judicieux de réaffecter des ressources humaines à la francisation des entreprises plutôt que d’encourager des terminologues à continuer de jouer les Pénélope qui défont aujourd’hui ce qui a été fait hier.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire