Depuis quelques semaines, on parle beaucoup dans les médias français du pass sanitaire. On hésite sur l’orthographe : pass ou passe ? L’Académie française, plus prompte à réagir qu’autrefois, s’est penchée sur la question dans un billet mis en ligne le 1er juillet :
Le nom pass est un anglicisme à proscrire. Il pourrait en français être remplacé par le mot féminin passe, qui peut désigner un permis de passage, un laissez-passer. On lit ainsi dans les Mémoires d’un touriste, de Stendhal (1838) : « Le sous-préfet […] m’a donné une passe pour l’extrême frontière » et dans Le Martyr calviniste, de Balzac (1841) : « Nul ne quitte la ville sans une passe de monsieur de Cypierre, fût-il, comme moi, membre des États. » Ce même nom désigne aussi un titre de circulation gratuit. Dans Passe-temps (1929), Paul Léautaud enviait les « grands auteurs, et riches, qui voyagent en première classe, et sans payer, grâce à des passes de chemin de fer qui leur sont données ». Au Québec, une passe désigne un titre de transport ou une carte d’abonnement*.
Au sens de laissez-passer, la passe, d’emploi un peu désuet, pourrait avantageusement être remplacée par un masculin : le passe, abréviation de « passe-partout ». L’une comme l’autre de ces formes rendraient facilement le sens contenu aujourd’hui dans l’anglicisme pass, et ce, d’autant plus que le verbe to pass est emprunté du français passer ; à peu de frais, le pass sanitaire et le pass culture deviendraient ainsi la ou le passe sanitaire et la ou le passe culture.
On ne trouvera pas pass ou pass sanitaire facilement dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Ils figurent pourtant dans la fiche « passeport vaccinal ». C’est que le GDT n’a pas pris la peine d’indexer ces formes dans sa nomenclature.
L’Office affirme tout de go : « Le terme passe sanitaire ne s'intègre pas au système linguistique du français d'un point de vue sémantique, le substantif passe n'ayant pas le sens de « laissez-passer » en français. » Ce que contredit carrément le document de l’Académie cité plus haut. Le GDT va même jusqu’à se contredire lui-même puisqu’on lit dans la fiche « carte d’abonnement » : « On peut […] penser à réactiver le terme passe « permis de passer (vieilli), permis de circulation gratuite en chemin de fer » (Grand Robert) (il est vrai que cette fiche n’a pas été produite par l’Office lui-même mais par l’Université du Québec à Rimouski en 1972).
Notons qu’au passage l’Académie se trouve à avaliser un usage québécois : « Au Québec, une passe désigne un titre de transport ou une carte d’abonnement ». Usito est pas mal plus timide : « L'emploi de passe (peut-être de l'anglais pass; considéré par certains comme archaïque) est critiqué comme synonyme non standard de carte, carte d'abonnement, laissez-passer. »
Nos endogénistes sont prompts à critiquer la France et le purisme de l’Académie. Ne leur arrive-t-il pas d’être plus puristes que l’Académie elle-même ?
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* Tout cela provient du Trésor de la langue française informatisé, s.v. passe. On s’étonne que les terminologues de l’OQLF n’aient pas consulté cet ouvrage.