« Au
Québec, les anglicismes font leur entrée avec les paysans, peu instruits, qui
gagnent les villes et sont mis en contact avec l’anglais dans les usines, les
manufactures et sur les chantiers de construction. Les anglicismes sont dès le
départ associés ‘ à l’ignorance et à la pauvreté du prolétariat
urbain ’. »
La citation mise en exergue
provient d’une chronique publiée dans Le Devoir le 3 août 2024 et
que j’ai brièvement critiquée le 5 août (cliquer ici).
Je trouve abusif qu’on
impute aux classes populaires l’anglicisation du Québec. Historiquement, le
peuple francisait (ou québécisait) les mots anglais : bécosse < back
house, ouaguine < wagon, mitaine < meeting hall.
C’était la façon de faire traditionnelle en français : paquebot
< packet boat, boulingrin < bowling green, redingote
< riding coat, etc. Et une célèbre chanteuse américaine voulait qu’on
l’appelât Joséphine Baquère (ce dont n’a pas tenu compte Emmanuel Macron quand
il l’a panthéonisée).
Et si la part la plus
importante de l’anglicisation n’était pas venue plutôt de l’élite ? Et,
pour reprendre un mot de la chroniqueuse, de l’« ignorance » de
l’élite ?
Pour appuyer ce point de
vue, voici quelques exemples tirés de l’étude de Wallace Schwab Les
anglicismes dans le droit positif québécois (Conseil de la langue
française, 1984). Certains de ces anglicismes sont disparus, d’autres sont encore
courants : agir comme, allouance, application, assemblée spéciale, en
autant que, aviseur légal, bureau chef, canceller, cédule, changement de venue,
erreur cléricale, compléter une formule, corporation, à date, déductible
(nom), département légal, en devoir, à l’effet que, à l’emploi de, item, occupation
(emploi, profession), opérer (un commerce, etc.), opinion légale, payeur de
taxes, rencontrer ses obligations, sur le comité, etc. Sans compter les
latinismes passés par l’anglais comme sub poena ou affidavit.
On pourrait ajouter d’autres
exemples à la liste de Schwab et qui ne proviennent clairement pas des milieux
populaires : originer, dépendamment, payer une visite, etc. Ni les
anglicismes qu’on trouve dans les conventions collectives et que le juge Robert
Auclair n’a cessé de corriger : certification (accréditation
syndicale), assignation (affectation), augmentation statutaire
(avancement d’échelon), etc.
Tous ces anglicismes ont
percolé dans les classes populaires, ils n’en montent pas.
Il faut en terminer avec
« les paysans peu instruits » et « l’ignorance et la pauvreté du
prolétariat urbain » comme source historique de l’anglicisation du Québec.
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