Je suis en train de lire l’ouvrage
de l’historien Richard Lagrange Le pays rêvé du curé Labelle, emparons-nous
du sol, de la vallée de l’Ottawa jusqu’au Manitoba (Québec, Presses de l’Université
Laval, coll. « Perspectives de l’Ouest », 2021). Les PUL ont fait un
travail d’édition qui me semble plutôt sommaire mais qui a laissé fort peu de
coquilles. Les problèmes se situent ailleurs. Cela commence dès le tout début
du livre où on peut lire « couverture arrière » (back cover,
quatrième de couverture). Le style est maladroit : plusieurs passages
auraient mérité d’être récrits du point de vue du temps des verbes, ce qui
aurait rendu la lecture plus fluide (à quelques endroits, on se demande si l’événement
est antérieur ou postérieur à tel autre et il faut relire tout un paragraphe
pour s’y retrouver). Quelques exemples de maladresses : dans la légende d’une
photo (p. 82), on trouve « au-devant » plutôt qu’« au
premier plan » ou « à l’avant-plan »; « Le curé Labelle a toujours
prodigué une agriculture de montagnes orientée vers l’élevage » (p. 97),
« des 116 familles installées dans Marchand, une centaine d’entre elles… »
(p. 98), « dans chaque canton, on y trouvait » (p. 105).
Évidemment, on comprend que dans le cas d’ouvrages « nichés » il est
économiquement préférable de limiter les frais d’édition.
Si je prends ce livre comme
objet de mon billet d’aujourd’hui, c’est que j’y ai trouvé cette phrase écrite
en 1891 par le curé Boisseau et dont le sens ne doit pas être évident pour une
majorité de nos contemporains, surtout les plus jeunes : « Chaque jour
on vient pleurer chez moi et [on] me demande un peu de fleur »
(p. 86). Demander un peu de fleur ?
Ce n’est pas en se tournant
vers le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la
langue française (OQLF) qu’on trouvera facilement la réponse. En tapant « fleur »,
on obtient 283 résultats. La réponse à ma question s’y trouve peut-être, je n’ai
pas pris la peine de chercher. Ce seul exemple montre à quel point ce
dictionnaire terminologique n’est pas fait pour le citoyen lambda même dans les
cas où il n’y a qu’une dizaine de résultats. On se demande pourquoi le GDT
continue d’enregistrer des usages non terminologiques qui ne font qu’ajouter à
la confusion.
Évidemment, je savais qu’on
pouvait acheter de la fleur, cinq livres de fleur, même cent livres de fleur. Je
n’ai trouvé de cette expression que de rares attestations dans le fichier lexical
du Trésor de la langue française au Québec : « 25 livres de fleur »
(dans un document datant de 1949 des Archives de folklore de l’Université
Laval). On trouve le mot chez André Mathieu, Geneviève Guèvremont, Michel Tremblay. Il s’agit tout simplement de farine. Ce sens n’est pas attesté dans le Dictionnaire
québécois d’aujourd’hui (le Robert québécois), dans le Dictionnaire
historique du français québécois ou dans Usito (qui a toutefois fleur de
farine).
Pour trouver le sens de ce
québécisme il faut consulter un dictionnaire franco-français, le Trésor de la
langue française de Nancy : « Région. (Canada). Synon. de farine.
Le lundi matin on ouvrait une poche de fleur et on se faisait des crêpes plein
un siau (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 75). »
Le mot fleur est passé en
anglais sous la forme flour. Voici ce qu’en dit le Webster :
Middle English flour, flur "blossom of a
plant, prime of life, best of a class, ground wheat free of bran,"
borrowed from Anglo-French flour, flur "blossom of a plant,
paragon, best part, ground grain free of bran".
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