[…] un jugement de la Cour supérieure de
2014, confirmé par la Cour d’appel ce printemps, […] avait conclu que l’Office
québécois de la langue française (OQLF) n’avait pas le pouvoir, en vertu de la
Charte, d’imposer l’affichage de descriptifs en français à des détaillants dont
la marque de commerce est seulement en anglais.
[…]
« Nous croyons
qu’il est possible d’assurer la visibilité du français sans altérer la marque
d’origine », a
fait valoir Hélène David dans un point de presse. La ministre a rappelé que les
marques de commerce sont de compétence fédérale et bénéficient d’une protection
en vertu du droit international et des traités de libre-échange.
[…]
Comme c’était le cas auparavant, il ne s’agit
pas de traduire la marque de commerce, a rappelé Hélène David. « Il s’agit plutôt de l’ajout
d’inscriptions ou de mentions en français qui peut prendre la forme d’une
description de produits ou de services, d’un slogan ou, si préféré [sic],
de l’ajout d’un générique ou autre sans altérer la marque de commerce
d’origine. »
– Robert Dutrisac, « Marques de commerces – Québec officialise les modifications », Le Devoir, 18 juin2015
Un jugement de la Cour supérieure de 2014 […]
avait conclu que l’Office québécois de la langue française (OQLF) n’avait pas
le pouvoir, en vertu de la Charte, d’imposer l’affichage de descriptifs en
français : dans son Avis sur l’affichage du nom d’entreprise
publié en 2000, le Conseil de la langue française avait déjà dit que l’Office
ne pouvait imposer des descriptifs en français. L’Office s’est pourtant lancé
dans une bataille judiciaire que les observateurs sérieux savaient perdue d’avance.
Aujourd’hui,
la ministre Hélène David donne l’impression qu’elle veut « forcer les
entreprises à ajouter à leur marque de commerce en anglais un vocable en
français », comme l’écrit Robert Dutrisac. Ne soyons pas dupes de cette manœuvre
politicienne et relisons l’avis du Conseil qui décrit les limites juridiques d’une
intervention sur les marques de commerce. Car, quinze ans plus tard, le
gouvernement semble en voie de se rendre à l’évidence :
Le Conseil s'est penché sur l'introduction de
diverses mesures pour que la prolifération de l'affichage des marques de
commerce ne porte pas atteinte à la visibilité du français au Québec.
Il a étudié sérieusement la possibilité d'imposer
l'ajout d'un terme générique en français, lorsque la marque de commerce est
rédigée dans une autre langue. En effet, la réglementation actuelle sur
l'affichage ne prévoit pas d'obligation en ce sens. Lorsqu'il n'existe pas de
version française, une entreprise a le droit d'afficher une marque de commerce
rédigée uniquement dans une autre langue. Selon l'hypothèse étudiée par le Conseil,
un établissement serait tenu d'ajouter un terme comme « magasin »,
« entreprise », « boulangerie »,
« quincaillerie », etc., devant une marque de commerce libellée en
langue étrangère, lorsque cette marque de commerce sert à identifier un
établissement commercial.
Cette hypothèse soulève bon nombre de difficultés.
Une marque de commerce forme un tout, protégé par des lois et des accords
internationaux; son utilisation s'inscrit souvent dans une stratégie de mise en
marché d'un produit ou d'un service, stratégie internationale, voire mondiale.
Tout ajout dans son affichage pourrait porter atteinte à son intégrité et aux
objectifs de visibilité commerciale de l'entreprise qui en possède les droits
exclusifs. De plus, pour de nombreuses marques de commerce, le choix d'un
générique ne s'impose pas d'emblée et pourrait rendre la situation encore plus
confuse aux yeux des consommateurs. Enfin, il a paru évident qu'il n'était pas
possible de trouver une solution unique pour couvrir une multitude de cas
particuliers.
Pour ces raisons, le Conseil n'a pas retenu
l'hypothèse mentionnée précédemment. […]
Dans cette perspective, le Conseil estime
souhaitable d'envisager certaines mesures incitatives visant à ajouter du français
lorsque l'affichage d'une marque de commerce sert à identifier un
établissement :
§ ce pourrait être, bien sûr, l'ajout d'un terme
générique;
§ ce pourrait être un libellé descriptif de
l'activité de l'établissement;
§ ce pourrait être un message publicitaire;
§ ce pourrait être la traduction ou, mieux encore,
une version adaptée en français de la marque de commerce.
Dans les faits, comme on l'a vu, bon nombre
d'établissements retiennent déjà l'une ou l'autre de ces mesures dans leur
affichage. Il suffirait alors d'encourager l'élargissement de ces pratiques en
laissant au propriétaire de l'établissement la liberté de retenir celle qu'il
juge la plus appropriée à ses activités, à sa clientèle, à la marque de
commerce et, le cas échéant, aux exigences contractuelles du
« franchiseur ». L'analyse du Conseil l'amène à proposer que l'Office
de la langue française élargisse son rôle de service et de soutien pour inciter
les commerçants à accorder plus de place au français dans les noms qu'ils
affichent, et pour leur apporter son aide et son soutien technique.
En outre, pour que les commerçants puissent
bénéficier, en cas de besoin, d'un soutien à un affichage en français de bonne
qualité, l'Office de la langue française pourrait promouvoir davantage son
service spécialisé d'aide linguistique.
Le Conseil juge également qu'une intervention plus
approfondie devrait être faite auprès des représentants des entreprises
étrangères qui songent à s'établir au Québec, afin de les convaincre de
traduire ou d'adapter leur marque en français ou, encore, de la faire
accompagner d'un slogan ou d'un descriptif en français, et ce, en leur faisant
valoir l'avantage, sur le plan économique, de tenir compte du fait que la
majorité de leur clientèle québécoise est francophone. D'ailleurs, certains
franchiseurs étrangers ont retenu comme valable une telle pratique, en adoptant
une version française ou adaptée de leur nom pour leurs franchisés québécois;
par exemple, « Poulet frit Kentucky », « Chalet Suisse »,
« Centre japonais de la photo », « Bureau en gros »,
« L'équipeur », « Un dollar ou deux », etc. Les démarches
de l'Office de la langue française, en collaboration avec les associations de
franchisés québécois, pourraient favoriser la multiplication de cette pratique.
En
bout de course, on finira par proposer, une fois de plus, des mesures
incitatives, ce qui n’exclut évidemment pas le recours à des… incitatifs
financiers. Fallait-il attendre quinze ans pour aboutir à ce résultat ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire