lundi 26 février 2024

Bienvenue chez les Kebs

 

Dans le cadre de son cours, toujours à Regina Assumpta, une autre prof devait aborder le thème de l’identité. Elle raconte : « Alors que nous étions en pleine discussion sur nos valeurs en tant que citoyens, un des deux élèves de souche de mon groupe a levé la main pour s’exprimer. C’est alors que tout le groupe s’est mis à rire et à huer en disant que les Kebs n’avaient pas de valeurs et que nos filles et nos femmes sont en fait des traînées (j’emploie un vocabulaire acceptable ici […]). Je suis rapidement intervenue et fus coupée par un grand gaillard d’origine maghrébine qui m’a lancé : “Madame, vous ne pouvez pas comprendre parce que les Kebs, vous n’avez pas de culture. Vous faites des trucs de Blancs comme aller au chalet et faire du ski et vous n’éduquez pas vos enfants.” » 

Jean-François Lisée, « Identité anti-québécoise », Le Devoir, 24 février 2024

 

J’ai découvert le mot Keb pour désigner un Québécois dans cette chronique de Jean-François Lisée. Le mot est inconnu du Wiktionnaire et d’Usito (rien d’étonnant, sa base de données semble ancienne) et on le trouve très peu dans Internet : il s’emploie pour désigner un club de basketball (les Kebs de Laval ou Kebekwa de Laval : « C'est la fin pour les Kebs à Québec », Le Soleil, 3 mai 2012) ou en parlant du rap (« Le meilleur du ‘rap keb’ de la dernière décennie », Journal de Québec, 16 mai 2020).

 

À en croire les témoignages réunis par Jean-François Lisée, le mot serait courant dans la langue parlée des élèves de Montréal et serait utilisé dans un contexte de dénigrement. Il cite deux témoignages d’enseignants :

« Dans toutes les écoles de la région de Montréal où j’ai travaillé ces 15 dernières années, je n’en reviens pas de constater l’attitude de mépris ou de honte à l’égard de la langue et de la culture québécoise. »

« Les élèves détestent les francophones. On fait la vie très dure à ceux qui veulent parler français et défendre le fait français : ils sont humiliés et dénigrés en personne et sur les réseaux sociaux »

 

mercredi 21 février 2024

Relever les usages avant de les hiérarchiser

 

Voici un exemple de la difficulté non pas de hiérarchiser (cf. billet du 19 février 2024), non pas de décrire mais tout simplement de relever les usages québécois. Depuis quelque temps il est régulièrement question du BAPE dans les médias. Le dictionnaire Usito, « premier dictionnaire électronique à décrire le français standard en usage au Québec », a bien relevé l’acronyme et il en donne la signification : Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Mais il n’a pas enregistré son usage pour désigner « un examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement », usage tout à fait standard en français québécois depuis bien des années. En voici quelques exemples pigés au hasard :

Benoît Charette doit mettre ses culottes de ministre de l'Environnement et tenir un BAPE sur le projet de Northvolt (Journal de Québec, 1er février 2024

Québec demande un BAPE à Northvolt […] (Journal de Montréal, 10 novembre 2023)

Le ministre Charette est donc forcé de déclencher un BAPE pour cet aspect du projet (Journal de Montréal, 10 novembre 2023

L'usine de recyclage de batteries soumise à un BAPE (titre de L’œil régional, Belœil, 5 novembre 2023)

Que la rencontre se fasse juste avant le déclenchement du BAPE correspond à renier la valeur de nos processus de consultation (Le Quotidien, 17 janvier 2020)

Le président du Partenariat du Quartier des spectacles ne mâche pas ses mots et évoque l'idée d'un BAPE pour le milieu culturel (HuffPost, 16 janvier 2019)

BAPE « tronqué » sur Énergie Est (titre dans L’Aut’journal, 3 mars 2016)

Un nouveau BAPE est déclenché (La Presse, 15 décembre 2014)

Je me demande si la description du français québécois que prétend faire Usito ne s’est pas arrêtée il y a bien des années. Je faisais déjà cette remarque dans un billet le 8 janvier 2013.

lundi 19 février 2024

La norme du français au Québec : la hiérarchisation des usages… ou des personnes?


Depuis longtemps les endogénistes affirment leur volonté de procéder à une hiérarchisation des usages linguistiques au Québec. En témoignent ces propos tenus par deux des principaux promoteurs de cette tendance à la Commission permanente de la culture de l’Assemblée nationale lors de la séance du 5 septembre 1996 :


[…] définir une véritable politique d'aménagement de la langue commune au Québec, c'est-à-dire une politique qui viserait à hiérarchiser les divers usages du français québécois 

Il importe donc de fournir aux Québécois et Québécoises des renseignements précis sur ces emplois corrects et critiqués de ces formes; cela fait partie, on l'a dit, de l'établissement d'une norme québécoise et d'une hiérarchisation de nos usages.

[…] les Québécois et Québécoises n'ont pas accès à la description de ce français québécois soutenu ou standard et à la hiérarchisation des usages autour de ce français québécois standard. L'aménagement de la langue passe d'abord par la prise en compte et la hiérarchisation des usages autour d'un français québécois standard, c'est-à-dire du bon usage du français au Québec. Pour arriver à décrire de façon adéquate ce français québécois et surtout ce bon usage, ce bon modèle de la langue au Québec, nous voyons comme premier moyen la rédaction d'un dictionnaire. C'est le seul ouvrage de base où les usages linguistiques du Québec peuvent être hiérarchisés et le français québécois standard explicité. Une fois établie clairement la hiérarchisation des usages et la norme du français québécois, il faut s'assurer ensuite du respect de cette norme, c'est-à-dire de la pratique quotidienne d'un français de qualité.

Il leur faut des ouvrages de référence de qualité et fiables dans lesquels la hiérarchisation des usages sera clairement établie et le français québécois standard écrit parfaitement décrit.

Il n’y a qu’une seule langue française, avec des variétés internes, et il s’agit de les hiérarchiser.

 

On l’a bien lu : il s’agit de hiérarchiser les usages et non de les décrire, ce qui serait l’objectif de tout linguiste ou lexicographe normal.

« Une fois établie clairement la hiérarchisation des usages et la norme du français québécois, il faut s'assurer ensuite du respect de cette norme » : par quelle police ?

Je ne suis pas le premier à attirer l’attention sur le danger que représente cette conception des usages québécois qu’il faudrait hiérarchiser. Le porte-parole de l’Opposition officielle à la même Commission parlementaire, Pierre-Étienne Laporte, ancien président de la Commission de protection de la langue française, puis de l’Office de la langue française, puis du Conseil de la langue française, avait émis des réserves sévères sur cette façon de faire :


[…] il faut faire preuve, en particulier dans le domaine pédagogique, pour qu'une fois qu'une variété linguistique est reconnue comme la variété légitime on évite de créer de l'exclusion sociale.

[…] entre nous et vous, il y a, disons, un désaccord qui tient au besoin que nous ressentons d'être d'autant plus prudents qu'ayant réussi à nous libérer de certaines exclusions que d'autres avaient voulues pour nous, nous ne nous retrouvions pas à nous exclure nous-mêmes ou à exclure par nous-mêmes certains de nos concitoyens qui ne se placent pas seulement à différents niveaux d'une échelle de niveaux de langue, mais qui parlent un français québécois populaire, comme certains de nos amis français ont bien mis en évidence qu'en France il se parle – s'écrit, c'est autre chose – un français populaire.

 

Exclure par nous-mêmes certains de nos concitoyens ? N’est-ce pas là le principe de la lutte des classes ?

Une collaboratrice des deux aménagistes cités plus haut est allée dans le sens de Pierre-Étienne Laporte : « Il faut avoir l’esprit bien peu scientifique pour oser défendre une hiérarchisation des usages du français » (Le Devoir, 11 juillet 1997). Et cela un an après que ses collègues eurent tenu en commission parlementaire les propos que je viens de rapporter.

Une étudiante de la même université a écrit[1] : « On peut donc reprocher à [Diane] Lamonde de poser sur le français québécois un regard qui manque d’objectivité, étant de toute évidence atteint par le préjugé populaire qui classe hiérarchiquement les variétés du français ». Était-ce une façon indirecte de faire un reproche à ses professeurs ? Quant à Diane Lamonde, il y a bien longtemps que j’ai lu son livre mais je ne me rappelle pas qu’elle ait soutenu l’idée saugrenue de procéder à la hiérarchisation des usages. Elle a bien au contraire critiqué vertement le courant aménagiste.

 



[1] Compte rendu de Diane Lamonde, Le maquignon et son joual, Dialangue 10, 1999, Université du Québec à Chicoutimi, p. 122.

vendredi 16 février 2024

La norme du français au Québec : la stratification sociale

 

Comme mes lecteurs ont pu s’en rendre compte à quelques reprises, je suis exaspéré par la pratique, devenue courante dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT), d’affirmer sans preuve que tel ou tel mot fait partie de la « norme sociolinguistique du français au Québec ». Dans sa Politique de l’emprunt linguistique (2017), l’Office québécois de la langue française (OQLF) va même jusqu’à affirmer que « chaque emprunt est évalué en fonction : […] de son adéquation à la norme sociolinguistique du français au Québec (c’est-à-dire de sa légitimité dans l’usage) » (p. 9). Sur la base de quelle enquête ? Aucune ! C’est tout simplement de la pifométrie.

Pourtant il y a eu quelques enquêtes qui donnent une idée du sentiment sociolinguistique des Québécois. Mais leurs résultats ne correspondent pas aux attentes des idéologues endogénistes. Voici un neuvième billet rendant compte des résultats de quelques-unes de ces enquêtes.

 

On trouve dans plusieurs fiches du GDT la mention : « termes utilisés dans certains contextes ». Le recours au mot contexte montre bien que, pour les auteurs des fiches du GDT, la langue est d’abord conçue, ou perçue, comme quelque chose que l’on trouve dans les dictionnaires ou au moins dans des textes et non comme un phénomène avant tout sonore. La preuve en est que l’on ne trouve à peu près aucune indication de la façon dont on peut ou doit prononcer un mot  même pas dans la fiche « sauce Worcestershire », nom que peu de gens réussissent à prononcer de façon intelligible sinon correcte du premier coup. Voici un autre exemple qui vaut son pesant d’or : « Au Québec, chambre de bains et chambre de bain sont surtout relevés dans des contextes de langue courante, tandis que salle de bains et salle de bain sont employés dans toutes les situations de communication. » A priori, puisqu’il est question de langue courante, on pourrait croire qu’on inclut la langue parlée mais, en parlant, fait-on la distinction entre chambre de bains et chambre de bain ? Chambre de bainze, salle de bainze ? On voit bien qu’on ne prend en compte que l’écrit.

Quand on ne tient aucun compte des circonstances des prises de parole il faut se lever de bonne heure pour affirmer que tel ou tel terme fait partie de la « norme sociolinguistique du français au Québec ». La norme de quelle catégorie sociale ? S’exprimant dans quelles circonstances ? « Dans certains contextes », disons plutôt dans certaines circonstances, on entend « clutch », « wiper », « tyre », « dash » tout comme dans d’autres circonstances on entend « salle de bain ». Pourquoi ne pas même mentionner que ces termes n’appartiennent pas (ou ne devraient pas appartenir ?) à la « norme sociolinguistique du français au Québec » ?

Je rappelle quelques conclusions de mon enquête sur l’utilisation et la connaissance du vocabulaire français dans un secteur du monde du travail et du monde de l’enseignement technique, celui de la mécanique automobile.

L’échantillon était composé de travailleurs et d’élèves du secteur de l’automobile habitant dans la RMR de Montréal et nés au Québec. Plus spécifiquement, les personnes interrogées se divisaient en cinq catégories : vendeurs d’automobiles, commis aux pièces, commis à la clientèle, mécaniciens et élèves de l’enseignement technique.

Dans une autre enquête, une partie de ce questionnaire a aussi été présentée à un échantillon représentatif des régions métropolitaines de recensement de Montréal et de Québec (701 personnes).

Les vendeurs et les commis à la clientèle étaient plus nombreux à déclarer utiliser les termes standard pour nommer des pièces ou des composantes de l’automobile que les commis aux pièces, les mécaniciens ou les élèves.

Les travailleurs du secteur de l’automobile qui étaient directement en contact avec la clientèle portaient donc une attention particulière aux termes qu’ils employaient. En d’autres termes, les répondants se répartissaient en deux groupes bien typés : les commerciaux ou cols blancs, plus en contact avec le public et déclarant utiliser dans une forte proportion les termes standard, et les ouvriers ou cols bleus, qui conservaient dans une plus forte proportion l’utilisation d’un vocabulaire non standard comprenant plusieurs termes anglais.

Il y a donc une stratification sociale dans les réponses.

Les résultats des élèves de l’enseignement professionnel étaient presque toujours plus faibles que ceux des quatre catégories de personnel travaillant chez les concessionnaires d’automobiles et même que ceux du grand public.

Les élèves déclaraient un comportement linguistique analogue à celui des commis aux pièces et des mécaniciens, mais à un niveau plus ou moins sensiblement inférieur.

À partir du moment que le GDT fait un travail plus lexicographique que terminologique, il n’est pas normal qu’il ne tienne pas compte du parler des classes populaires. C’est de la discrimination sociale.

Pourquoi le GDT ne reviendrait-il pas à une démarche purement terminologique ?

________

Pour plus de renseignements sur cette enquête, voir mon billet « Du char à l’auto ».

 

jeudi 15 février 2024

La norme du français au Québec : les modèles linguistiques des non-francophones /2

 

Comme mes lecteurs ont pu s’en rendre compte à quelques reprises, je suis exaspéré par la pratique, devenue courante dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT), d’affirmer sans preuve que tel ou tel mot fait partie de la « norme sociolinguistique du français au Québec ». Dans sa Politique de l’emprunt linguistique (2017), l’Office québécois de la langue française (OQLF) va même jusqu’à affirmer que « chaque emprunt est évalué en fonction : […] de son adéquation à la norme sociolinguistique du français au Québec (c’est-à-dire de sa légitimité dans l’usage) » (p. 9). Sur la base de quelle enquête ? Aucune ! C’est tout simplement de la pifométrie.

Pourtant il y a eu quelques enquêtes qui donnent une idée du sentiment sociolinguistique des Québécois. Mais leurs résultats ne correspondent pas aux attentes des idéologues endogénistes. Voici un hutième billet rendant compte des résultats de quelques-unes de ces enquêtes.

 

La sociolinguiste belge Marie-Louise Moreau a utilisé une procédure astucieuse[1]. Elle demande quelle pilule les enquêtés choisiraient si son ingestion permettait de parler telle langue ou telle variété de langue. Je me suis inspiré d’elle pour formuler la question suivante de mon enquête de 2004 : « Si on disait qu’il existe des pilules vous permettant de parler parfaitement le français d’Europe ou parfaitement le français québécois mais que vous ne pourriez prendre qu’une seule de ces pilules, choisiriez-vous… la pilule vous permettant de parler le français d’Europe, la pilule vous permettant de parler le français québécois ? »

Les anglophones sont également partagés entre le modèle du français européen et le modèle québécois. Chez les allophones, près des deux tiers disent qu’ils choisiraient la pilule leur permettant de parler le français européen. La différence entre les anglophones et les allophones est statistiquement significative.



La scolarité et l’âge n’influencent que les résultats des anglophones : 61,8 % des anglophones ayant 12 années ou moins de scolarité préfèrent le modèle québécois contre 54,1% chez ceux qui ont plus de 13 années de scolarité.



Chez les anglophones âgés de plus de 55 ans, près de quatre sur cinq disent qu’ils choisiraient la pilule leur permettant de parler le français québécois. Plus de la moitié des anglophones âgés de 54 ans et moins préféreraient la pilule leur permettant de parler le français européen.

 




[1] Marie-Louise Moreau, « Des pilules et des langues. Le volet subjectif d’une situation de multilinguisme », dans E. Gouaini et N. Thiam, Des langues et des villes, Paris, Didier, 1992, p. 407-420.

mercredi 14 février 2024

La norme du français au Québec : les modèles linguistiques des non-francophones


Comme mes lecteurs ont pu s’en rendre compte à quelques reprises, je suis exaspéré par la pratique, devenue courante dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT), d’affirmer sans preuve que tel ou tel mot fait partie de la « norme sociolinguistique du français au Québec ». Dans sa Politique de l’emprunt linguistique (2017), l’Office québécois de la langue française (OQLF) va même jusqu’à affirmer que « chaque emprunt est évalué en fonction : […] de son adéquation à la norme sociolinguistique du français au Québec (c’est-à-dire de sa légitimité dans l’usage) » (p. 9). Sur la base de quelle enquête ? Aucune ! C’est tout simplement de la pifométrie.

Pourtant il y a eu quelques enquêtes qui donnent une idée du sentiment sociolinguistique des Québécois. Mais leurs résultats ne correspondent pas aux attentes des idéologues endogénistes. Voici un sizième billet rendant compte des résultats de quelques-unes de ces enquêtes.

 

Je reprends ici les analyses que le sociologue Pierre Bouchard et moi avions faites d’un sondage effectué en 1998. Le questionnaire avait été soumis à un échantillon représentatif d’adultes francophones, anglophones et allophones.

Le texte qui suit étudie les réponses de ces deux dernières catégories et a été publié dans le Devoir du 9 septembre 1999 ; j’y ai apporté quelques modifications cosmétiques.

Le titreur avait ainsi coiffé notre article : « Les anglophones adoptent la langue du Québec, les allophones, celle de la France. »

Nous avons cherché à déterminé le modèle normatif des anglophones et des allophones quand ils parlent français, ainsi que leur évaluation de la manière de parler des francophones.

L'évaluation que l’on fait de sa manière de parler traduit une adhésion plus ou moins consciente à l’un des modèles normatifs prévalant dans le milieu. Dans cette perspective, on constatera avec intérêt que les allophones ont plus l’impression de parler français (60 %) que les anglophones (44 %) qui, eux, ont plus l’impression de parler québécois. Ils se distinguent des anglophones en privilégiant le modèle français et il s’agit d’une distinction statistiquement significative.

Les résultats qui suivent corroborent ce que nous venons de constater. Plus de la moitié des allophones (55 %) affirment parler à la manière française (20 % tout à fait à la manière française et 35 % plutôt à la manière française) alors que seulement le tiers des anglophones (33 %) se disent dans cette situation, si on additionne ceux qui parlent tout à fait à la manière française et ceux qui parlent plutôt à la manière française. Malgré certaines difficultés, ces derniers sont sûrement plus intégrés au contexte québécois.

 

Un modèle de référence

Après avoir vu à quel modèle normatif général les non-francophones adhèrent ou ont tendance à adhérer, il devient intéressant de déterminer l’évaluation qu'ils font du parler de la population francophone née au Québec. Cette dernière parle-t-elle très bien, bien, mal ou très mal le français ? En répondant à une telle question, les anglophones et les allophones ne décrivent pas vraiment ce qu’est leur conception du modèle québécois en matière de langue mais nous renvoient à un modèle qu’ils imaginent plus ou moins consciemment et auquel ils adhèrent ou auraient tendance à adhérer.

L’évaluation du parler des francophones est généralement positive : plus de deux anglophones ou allophones sur trois (68 %) considèrent que les francophones nés au Québec parlent bien ou très bien. Les anglophones sont en général plus positifs que les allophones ; ils divergent d’opinion notamment à la catégorie « très bien ». En effet, 16 % des anglophones affirment que les francophones nés au Québec parlent très bien, alors que seulement 9 % des allophones font cette affirmation.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger le fait qu’au moins le quart des anglophones et des allophones considère que la population francophone née au Québec parle mal. Soulignons que les allophones se montrent les plus sévères sur ce point (32 % des allophones comparativement à 25 % des anglophones).

Comment interpréter cette évaluation ? Pourquoi en est-on venu à la conclusion que certains Québécois parlent très bien, d’autres bien et d'autres mal ? Sans doute parce que l’on a une idée plus ou moins précise d’un parler idéal auquel on compare le parler de la population francophone née au Québec, d'un modèle auquel on se réfère.

On dira que telle personne parle à la manière française et d’une autre qu’elle parle à la manière québécoise. Si on se fie aux opinions reçues sur la norme, on aura sûrement tendance à dire que les personnes qui parlent français ou à la manière française parlent mieux que les autres. Qu’en est-il des populations consultées ?

On constate d’abord que, pour la très grande majorité des anglophones, les francophones nés au Québec parlent à la manière québécoise (92 %) ou parlent tout simplement québécois (86 %) ; pour les allophones, les résultats sont de 91 % et 84 %. Ce constat est lourd de signification : il nous renvoie à l’évaluation plus ou moins positive que l’on fait de la manière de parler des francophones. Si on estime que les francophones parlent français, on affirmera que ces derniers parlent bien (>95 %), alors qu’à l'inverse, si on estime que les francophones parlent québécois, on dira qu'ils parlent plus ou moins mal, la proportion des non-francophones affirmant qu’ils parlent bien descend à 62 % et 69 %.

 

Ce que les parents souhaitent

Une autre façon d’aborder la question de la norme est de chercher à déterminer le modèle de langue que les parents souhaitent que leurs enfants parlent. Souhaiteraient-ils qu ’ils apprennent à «parler comme des Français de France, comme des personnes qui lisent les nouvelles de Radio-Canada, comme la plupart des politiciens du Québec ou comme le monde ordinaire qu’on voit dans les jeux télévisés ?». Malgré les limites évidentes de cette typologie (inspirée des travaux de la Commission Gendron), il nous apparaît tout de même intéressant de constater que les allophones ont plus tendance à privilégier un modèle du français parlé apparenté d'une façon ou d'une autre au modèle français et véhiculé par les Français de France ou, dans une certaine mesure, par les lecteurs de nouvelles de Radio-Canada (71 %). Les anglophones, pour leur part, sont moins portés que les allophones à aller dans ce sens (58 %) et, de ce fait, ils adhèrent plus facilement au parler des gens ordinaires (34 %) que ces derniers (26 %).

L’attrait suscité par le modèle français devient encore plus évident quand on demande aux non-francophones s’ils souhaitent que, dans les cours de français, leurs enfants « apprennent à parler tout à fait à la manière française, plutôt à la manière française, plutôt à la manière québécoise ou tout à fait à la manière québécoise ». Les allophones favorisent nettement le parler à la manière française (« tout à fait » + « plutôt » = 72 %) alors que les anglophones se montrent très partagés entre le parler à la manière française (51 %) et celui à la manière québécoise (49 %).

Enfin, il est possible d’observer les mêmes tendances pour ce qui est de l’apprentissage du français écrit. Les allophones privilégient toujours le modèle français: 62 % « aimeraient que leurs enfants apprennent à écrire le fiançais comme des journalistes français ». Les anglophones, quant à eux, sont encore aussi partagés entre le modèle français et le modèle québécois: 52 % « aimeraient que leurs enfants apprennent à écrire le français comme des journalistes québécois ».

Les allophones privilégient le modèle du français parlé par les Français de France, l’apprentissage du parler à la manière française et l’apprentissage du français écrit tel que le pratiquent les journalistes français. A l’inverse, les anglophones privilégient le modèle québécois: l’apprentissage du français parlé par les gens ordinaires, l’apprentissage du parler à la manière québécoise et l'apprentissage du français écrit des journalistes québécois.

Par ailleurs, les allophones et les anglophones semblent s’entendre sur une sorte de moyen terme entre les modèles français et québécois décrits précédemment et qui se traduit par les souhaits suivants pour leurs enfants: l’apprentissage du français parlé par les lecteurs de nouvelles de Radio-Canada, l’apprentissage du parler à la manière française et l’apprentissage du français écrit tel que le pratiquent les journalistes québécois.

Bref, cette catégorisation nous permet de spécifier les orientations générales des allophones et des anglophones et de mesurer l’attrait général des modèles. Ainsi, plus de la moitié des allophones (54 %) adhèrent au modèle français, un peu plus du quart (27 %) sont intéressés par le modèle intermédiaire (la variante québéco-française) et le reste (19 %) privilégie le modèle québécois. Dans le cas des anglophones, la situation semble moins polarisée, ils se répartissent à peu près également entre les trois modèles: 36 % adhèrent au modèle québécois; 33 % à un modèle intermédiaire (la variante québéco-française) et 31 % au modèle français.

 

Une enquête de 2004 a repris le même questionnaire (chapitre 11 du fichier pdf téléchargeable en cliquant ici). Les mêmes tendances ont été observées (il n’y a pas de différences significatives entre les résultats de 1998 et ceux de 2004). À ma connaissance, il n’y a pas eu de nouvelle enquête sur le sujet.

 

mardi 13 février 2024

La norme du français au Québec : locuteurs des villes et locuteurs des champs


Comme mes lecteurs ont pu s’en rendre compte à quelques reprises, je suis exaspéré par la pratique, devenue courante dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT), d’affirmer sans preuve que tel ou tel mot fait partie de la « norme sociolinguistique du français au Québec ». Dans sa Politique de l’emprunt linguistique (2017), l’Office québécois de la langue française (OQLF) va même jusqu’à affirmer que « chaque emprunt est évalué en fonction : […] de son adéquation à la norme sociolinguistique du français au Québec (c’est-à-dire de sa légitimité dans l’usage) » (p. 9). Sur la base de quelle enquête ? Aucune ! C’est tout simplement de la pifométrie.

Pourtant il y a eu quelques enquêtes qui donnent une idée du sentiment sociolinguistique des Québécois. Mais leurs résultats ne correspondent pas aux attentes des idéologues endogénistes. Voici un cinquième billet rendant compte des résultats d’une de ces enquêtes.

 

Ce billet est basé sur une enquête de 1998 auprès de 1591 francophones âgés de 18 ans et plus, représentant l’ensemble de la population francophone du Québec. Les données ont été recueillies par entrevue téléphonique. Pour plus de détails sur l’enquête et le questionnaire, cliquer ici (fichier pdf téléchargeable; cf. spécialement les pages 9 et 10).

 

L’analyse a été effectuée avec l’aide indispensable du sociologue Pierre Bouchard.

 

L’application de la procédure statistique dite des « nuées dynamiques » nous a permis de dégager quatre grands modèles normatifs.

 

Modèle 1 : Ceux qui ont l’impression de parler québécois et souhaitent parler comme les gens ordinaires des jeux télévisés, sont d’accord avec le besoin d’ouverture aux autres (« Beaucoup de mots utilisés au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones des autres pays ») et avec la nécessité de connaître les mots typiques des autres régions de la francophonie, mais en désaccord avec une certaine harmonisation de la terminologie et avec l’élimination des mots anglais du français du Québec. Pour simplifier, nous l’appellerons le modèle « québécois – jeux télévisés ».

Modèle 2 : Ceux qui ont l’impression de parler québécois et souhaitent parler comme les lecteurs de nouvelles de Radio-Canada, sont en désaccord avec le besoin d’ouverture aux autres (« Beaucoup de mots utilisés au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones des autres pays ») et avec la nécessité de connaître les mots typiques des autres régions de la francophonie, mais d’accord avec une certaine harmonisation de la terminologie et avec l’élimination des mots anglais du français du Québec. Pour simplifier, nous l’appellerons le modèle « québécois – Radio-Canada ».

Modèle 3 : Ceux qui ont l’impression de parler français et souhaitent parler comme les lecteurs de nouvelles de Radio-Canada, sont en désaccord avec une certaine harmonisation de la terminologie, mais en accord avec le besoin d’ouverture aux autres (« Beaucoup de mots utilisés au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones des autres pays »), avec la nécessité de connaître les mots typiques des autres régions de la francophonie et l’élimination des mots anglais du français du Québec. Pour simplifier, nous l’appellerons le modèle « français – Radio-Canada ».

Modèle 4 : Ceux qui ont l’impression de parler français et souhaitent parler comme les gens ordinaires des jeux télévisés, sont d’accord avec la nécessité de connaître les mots typiques des autres régions de la francophonie et une certaine harmonisation de la terminologie, mais en désaccord avec ce besoin d’ouverture aux autres (« Beaucoup de mots utilisés au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones des autres pays ») et l’élimination des mots anglais du français du Québec. Pour simplifier, nous l’appellerons le modèle « français – jeux télévisés ».

 

L’importance de chacun de ces modèles, c’est-à-dire l’adhésion de la population à l’un ou l’autre de ces modèles, varie en fonction du degré d’urbanisation. Pour les fins de notre analyse, nous avons classé le Québec en trois catégories, selon l’intensité de l’urbanisation : milieu urbain (localités de 50 000 habitants et plus), milieu semi-urbain (localités de 25 000 à 50 000 habitants) et milieu rural (zones de moins de 25 000 habitants).

 

Milieu urbain

Milieu semi-urbain

Milieu rural

Modèle 1 (42 %)

Modèle 3 (44 %)

Modèle 3 (39 %)

Modèle 3 (30 %)

Modèle 4 (30 %)

Modèle 1 (34 %)

Modèle 2 (28 %)

Modèle 2 (26 %)

Modèle 4 (27 %)

 

Le modèle 1 (« québécois – jeux télévisés ») figure au premier rang en milieu urbain, est absent en milieu semi-urbain et occupe le deuxième rang en milieu rural. Le modèle 3 (« français – Radio-Canada »), qui apparaît au deuxième rang en milieu urbain, prédomine en milieu semi-urbain et en milieu rural. Le modèle 2 (« québécois – Radio-Canada ») n’apparaît que dans les milieux urbains et semi-urbains, où il occupe la dernière place. Le modèle 4 (« français – jeux télévisés ») est absent du milieu urbain; il apparaît au deuxième rang en milieu semi-urbain et en dernière position en milieu rural.

Par la suite, nous avons forcé la procédure statistique et réduit de quatre à trois les modèles linguistiques valables pour l’ensemble du Québec. Ce qui a produit le tableau suivant :

 

Modèles normatifs constatés et pourcentage de francophones

Ensemble du Québec

 

 

Variété géogra-phique

Modèle de référence

Mots qui empê-chent de commu-niquer

Connais-sance des mots typiques

Utilisation des mêmes mots partout

Élimina-tion des mots anglais

Pourcen-tage de franco-phones

Modèle 2

Québé-cois

Lecteurs de nouvelles de Radio-Canada

Accord

Accord

Accord

En désaccord

39 %

Modèle 3

Français

Lecteurs de nouvelles de Radio-Canada

Accord

Accord

En désaccord

En désaccord

33 %

Modèle 1

Québé-cois

Gens ordinaires des jeux télévisés

En désaccord

En désaccord

En désaccord

Accord

29 %

 

Le tableau montre que la référence demeure la langue des lecteurs de nouvelles de Radio-Canada puisque cet élément fait partie de la définition des deux principaux modèles. Ces deux modèles se caractérisent aussi par leur tolérance envers les anglicismes. On notera aussi que le modèle 1, qui prédomine en milieu urbain, occupe le dernier rang dans l’ensemble du Québec. On remarquera, enfin, une sorte de contradiction interne du modèle 3 : les personnes qui adhèrent à ce modèle croient que les mots qui sont utilisés au Québec empêchent la communication avec les francophones des autres pays mais elles ne croient pas que les francophones devraient utiliser partout les mêmes mots.

 

lundi 12 février 2024

Le GDT entre la démarche terminologique et la démarche lexicographique


Si l'Office de la langue française ne s'occupe pas de la qualité de la langue, qui donc le fera ?

— Lysiane Gagnon, La Presse, 17 février 2011

 

Le 12 février 2011 paraissait dans le Devoir le manifeste de 19 anciens terminologues de l’Office (québécois) de la langue française (OQLF). Intitulé « Au-delà des mots les termes », il a reçu l’appui d’une centaine de professionnels de la langue, linguistes, terminologues, traducteurs, correcteurs ou réviseurs. On peut le lire en cliquant ici. Depuis, l’OQLF a continué sa dérive, se contentant de corriger dans ses fiches les erreurs les plus grossières que j’ai signalées dans ce blog (comme cette perle qui figurait dans la fiche « jouabilité » : « parfois, les mots finissent par prendre le sens que l’usage leur donne »; cf. mon billet du 2 mai 2018).

 

dimanche 11 février 2024

La norme du français au Québec : les deux modèles

 

Comme mes lecteurs ont pu s’en rendre compte à quelques reprises, je suis exaspéré par la pratique, devenue courante dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT), d’affirmer sans preuve que tel ou tel mot fait partie de la « norme sociolinguistique du français au Québec ». Dans sa Politique de l’emprunt linguistique (2017), l’Office québécois de la langue française (OQLF) va même jusqu’à affirmer que « chaque emprunt est évalué en fonction : […] de son adéquation à la norme sociolinguistique du français au Québec (c’est-à-dire de sa légitimité dans l’usage) » (p. 9). Sur la base de quelle enquête ? Aucune ! C’est tout simplement de la pifométrie.

Pourtant il y a eu quelques enquêtes qui donnent une idée du sentiment sociolinguistique des Québécois. Mais leurs résultats ne correspondent pas aux attentes des idéologues endogénistes. Voici un quatrième billet rendant compte des résultats d’une de ces enquêtes.

 

Les données recueillies lors d’une enquête effectuée en 1998 (dont certains résultats ont été présentés dans les billets précédents) ont permis de dégager un certain nombre de modèles normatifs qui ont cours au Québec. Ces analyses ont été effectuées avec l’aide indispensable du sociologue Pierre Bouchard. Nous avons repris les mêmes procédures que dans notre article « La norme et l’école » (Bouchard et Maurais, 1999). Dans cet article, nous constations l’existence de deux relations :

1.   La relation entre l’impression de parler français (par opposition à parler québécois) et le souhait de parler comme les présentateurs des bulletins de nouvelles de Radio-Canada.

2.   La relation entre l’impression de parler québécois et le souhait de parler comme les gens ordinaires que l’on voit dans les jeux télévisés.

Une analyse des données un peu plus poussée (à l’aide d’une analyse factorielle) nous a amené à comprendre que la norme du français soutenu ne peut tolérer la présence des mots anglais. En effet, le facteur obtenu montre une corrélation entre l’impression de parler français et le souhait de parler comme les lecteurs de nouvelles de Radio-Canada et l’opinion voulant qu’« il faudrait éliminer les mots anglais du français d’ici ». Dans le tableau qui suit, les facteurs qui jouent ici ont été groupés sous l’appellation de « modèle puriste ».

À l’inverse, le facteur relatif au français québécois sera plus tolérant à la présence de mots anglais, mais surtout il aura tendance à souhaiter s’ouvrir aux autres. Ainsi, dans ce groupe, on partagera l’opinion que « beaucoup de mots que nous utilisons au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones des autres pays », que « les francophones d’ici devraient mieux connaître les mots typiques des autres régions de la francophonie » et que « tous les francophones du monde devraient employer partout les mêmes mots ». Dans le tableau, ces facteurs sont groupés sous l’appellation de « modèle internationaliste. »

 

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

A = modèle internationaliste

B = modèle puriste

 

Bibliographie

Bouchard, Pierre et Jacques Maurais (1999), « La norme et l’école. L’opinion des Québécois », Terminogramme 91-92, p. 91-116.

 


samedi 10 février 2024

La norme du français au Québec : les désaccords

 

Comme mes lecteurs ont pu s’en rendre compte à quelques reprises, je suis exaspéré par la pratique, devenue courante dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT), d’affirmer sans preuve que tel ou tel mot fait partie de la « norme sociolinguistique du français au Québec ». Dans sa Politique de l’emprunt linguistique (2017), l’Office québécois de la langue française (OQLF) va même jusqu’à affirmer que « chaque emprunt est évalué en fonction : […] de son adéquation à la norme sociolinguistique du français au Québec (c’est-à-dire de sa légitimité dans l’usage) » (p. 9). Sur la base de quelle enquête ? Aucune ! C’est tout simplement de la pifométrie.

Pourtant il y a eu quelques enquêtes qui donnent une idée du sentiment sociolinguistique des Québécois. Mais leurs résultats ne correspondent pas aux attentes des idéologues endogénistes. Voici un troisième billet rendant compte des résultats de quelques-unes de ces enquêtes.

 

J’emprunte les données qui suivent à deux enquêtes, effectuées à 15 ans d’intervalle[1]. Pour plus de détails, veuillez vous référer au billet précédent.


Quatre énoncés proposés dans ces enquêtes recueillent un appui plus ou moins mitigé. Et l’évolution des opinions sur une période de 15 ans est particulièrement intéressante.

 

1.   « Beaucoup de mots que nous utilisons au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones des autres pays. »

En 1983, près de trois Québécois sur quatre (73,2 %) se disaient en accord avec cet énoncé. Quatre ans plus tard, ils étaient moins de un sur deux (42,1 %).

Les personnes qui ont voyagé dans les autres pays francophones sont celles qui ont le plus abandonné cette opinion. En effet, il y a une baisse de 46,1 points sur quinze ans parmi les personnes qui ont visité des pays francophones, comparativement à une baisse de 24,5 points chez celles qui ont voyagé dans des pays non francophones.

 

2.   « Les francophones d’ici devraient mieux connaître les mots typiques des autres régions de la francophonie. »

Tant en 1983 qu’en 1998, un peu plus d’un Québécois sur deux appuie cet énoncé (54,4 % en 1983, 53,8 % en 1998). Sur ce point, il n’y a pas eu d’évolution en 15 ans.

 

3.   « Tous les francophones du monde devraient employer partout les mêmes mots. »

En 1983, les répondants se partageaient également entre ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre cet énoncé (50 % exactement). Sur 15 ans, l’accord avec cette opinion a connu une chute de près de 15 points, passant de 50 % à 35,2 %. La baisse la plus marquée s’est manifestée chez les personnes les plus scolarisées : chez celles qui ont 13 ans et plus de scolarité, la baisse est de 14,2 points, alors qu’elle est de 6,9 points chez celles ayant moins de 13 ans de scolarité.


4.   « Il faudrait éliminer les mots anglais du français d’ici. »

En 1983, près de quatre Québécois sur cinq (79 %) se disaient d’accord avec cet énoncé; quinze ans plus tard, ils n’étaient plus qu’un peu plus de la moitié (57,7 %).

On constate qu’en 1998, près des deux tiers des personnes âgées de moins de 35 ans disent manifester plus de tolérance envers les anglicismes; en revanche, chez les plus de 35 ans, près des deux tiers les rejettent. Sur la question des anglicismes, le clivage selon l’âge est donc très marqué. 

 

Une enquête effectuée en 2004 confirme ces tendances. On peut le vérifier en cliquant ici (fichier pdf téléchargeable).


Tableaux

1.       « Beaucoup de mots que nous utilisons au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones des autres pays. »

O.L.F. 1998

C.L.F. 1983

D’accord            42,1 %*

D’accord             73,2 %*

En désaccord      57,9 %*

En désaccord       26,8 %*

*Différences significatives

 

1 (a) « Beaucoup de mots que nous utilisons au Québec nous empêchent de communiquer avec les francophones des autres pays. »

Pourcentage de répondants qui se disent d’accord avec cet énoncé selon qu’ils ont ou non voyagé dans d’autres pays francophones

 

C.L.F. 1983

O.L.F. 1998

Ont voyagé dans des pays francophones

79,4 %*

33,3 %*

N’ont pas voyagé dans des pays francophones

68,7 %*

44,2 %*

*Différences significatives

 

2.       « Les francophones d’ici devraient mieux connaître les mots typiques des autres régions de la francophonie. »

O.L.F. 1998

C.L.F. 1983

D’accord            53,8 %

D’accord             54,4 %

En désaccord      46,2 %

En désaccord       45,6 %

 

3.       « Tous les francophones du monde devraient employer partout les mêmes mots. »

O.L.F. 1998

C.L.F. 1983

D’accord            35,2 %*

D’accord             50 %*

En désaccord      64,8 %*

En désaccord       50 %*

*Différences significatives

 

3(a) « Tous les francophones du monde devraient employer partout les mêmes mots. »

Pourcentage de répondants qui se disent en accord avec cet énoncé, selon le nombre d’années de scolarité

Scolarité

C.L.F. 1983

O.L.F. 1998

Moins de 13 ans

55,7 %*

48,8 %*

Plus de 13 ans

39,8 %*

25,6 %*

*Différences significatives

 

4.       « Il faudrait éliminer les mots anglais du français d’ici. »

O.L.F. 1998

C.L.F. 1983

D’accord            57,7 %*

D’accord             79 %*

En désaccord      42,3 %*

En désaccord       21 %*

*Différences significatives

 

4(a) « Il faudrait éliminer les mots anglais du français d’ici. »

Pourcentage de répondants qui se disent en accord avec cet énoncé, selon l’âge

 

D’accord

En désaccord

Moins de 35 ans

37,2 %*

62,8 %*

35 à 54 ans

60,7 %

39,3 %

55 ans et plus

69,2 %

30,8 %

*Différence significative

 



[1] Ces analyses ont été faites en collaboration avec Pierre Bouchard.