Orienter l’usage ou être orienté par
l’usage ? Ou encore accepter d’être en retard sur l’usage ? En juin
dernier, l’Académie française publiait le rappel suivant sous le titre « La
maire » :
Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler, quelque temps après
les élections municipales, que maire est un nom masculin, que la
personne qui exerce cette fonction soit un homme ou une femme, et qu’il
convient de distinguer le sexe d’une personne qui exerce une fonction du nom
qui désigne cette fonction. Il en va de même pour les autres fonctions comme ministre et préfet ou,
pour d’autres termes plus généraux, comme témoin ou professeur. À
l’inverse, et sans qu’aucun lien n’unisse ces différents mots, crapule et
vedette
sont des noms féminins, que les personnes que l’on qualifie ainsi
soient des hommes ou des femmes. On dira donc : Madame X
est le maire de la commune, Monsieur Y est une grande vedette, mais son frère
est une crapule.
Dans son argumentaire, l’Académie ne se
rend pas compte que les mots crapule
et vedette ne sont pas des noms de
fonction…
Au Québec, le féminin la maire semble plutôt marginal puisqu’on lui préfère mairesse. Je me rappelle toutefois qu’aux
Jeux olympiques de Montréal, lord Killanin, président du CIO, avait parlé de
Jean Drapeau comme de « la maire de Montréal ». Ce ne fut pas le seul
lapsus de ces Jeux qui ont connu une remise de médailles en… hétérophilie.
Plusieurs croient à tort que le suffixe –esse est toujours péjoratif. De nombreux
exemples montrent pourtant que ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de noms de
fonction : comtesse, vicomtesse,
duchesse, princesse, prêtresse, abbesse. Les écrivains anticléricaux n’ont
pas de scrupule à parler de la légendaire papesse Jeanne. Tous ces exemples
sont des titres s’appliquant à une femme qui exerce les mêmes fonctions qu’un
homme.
En ce qui concerne les noms de métier ou de
profession, le Trésor de la langue français informatisé cite doctoresse et contremaîtresse et il ajoute qu’« en dehors de ces deux mots,
les fém. en -esse sont considérés comme des formations marginales ou
marquées péjorativement ». Mais le Trésor de la langue française a été
publié de 1971 à 1994. L’utilisation des formes féminines ou épicènes (formes
valables pour les deux genres) a beaucoup progressé depuis ce temps. On peut
prévoir qu’il restera des exceptions, mannequin
au masculin même en parlant de femmes, vedette
au féminin même en parlant d’hommes, mais que maire au masculin en parlant d'une femme n’en fera pas partie : pour s’en persuader il suffit de
lire et d’écouter les médias francophones aussi bien du Québec que d’Europe.