La Délégation générale à la langue française et aux
langues de France (DGLFLF) a publié le 9 juin une lettre d’information (et
non une newsletter comme si souvent
en France) signalant que 17 nouveaux termes ont paru au Journal officiel le 23 mai 2020. Dans ce billet, je ne m’occuperai
que des termes cités en exemple dans la lettre. On trouve tous ces termes
officialisés dans la banque France Terme.
On propose
de traduire « to spoil »
par « divulgâcher ». Aucune indication sur la provenance du terme, on pourrait
croire qu’il s’agit d’une création néologique de la DGLFLF. Cela dit, je suis
malvenu de critiquer l’absence d’étymologie dans un répertoire terminologique
car j’ai déjà écrit, à propos du Grand Dictionnaire
terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), que
ce n’était pas son rôle de faire de l’étymologie (cf. mes commentaires sur le mot « vidanges » que le GDT tente de légitimer en invoquant un
dictionnaire de l’Académie française publié au xviiie siècle).
Je profite de l’occasion pour vous suggérer la lecture d’un billet de mon ami Robert Chaudenson sur un cas analogue, celui du mot courriel, dans lequel il s’attaque
à « la sotte prétention des Français à tout
régenter, seuls et de façon exclusive, dans la langue française. »
Lisons la définition que donne de divulgâcher le GDT (fiche de 2016) :
Divulguer prématurément un élément clé de l'intrigue d'une œuvre
de fiction, gâchant l'effet de surprise ou le plaisir de la découverte.
Et comparons-la avec celle de France Terme :
Gâcher l’effet de surprise chez le lecteur ou le spectateur en
dévoilant tout ou partie de l’intrigue d’une œuvre de fiction.
On voit tout de suite la supériorité de
cette dernière : l’élément sémantique essentiel du terme est le fait de
gâcher, pas celui de divulguer. Souhaitons que l’Office réécrive sa définition.
France Terme a refait sa fiche « podcast ».
Maintenant on propose comme traduction « audio » (« contenu
audio mis à la disposition du public dans l’internet ») qui remplace l’ancienne
traduction « diffusion pour baladeur » (2006). Dans un cas comme dans
l’autre, on ne retient pas la proposition québécoise « baladodiffusion »,
on ne la mentionne même pas.
France Terme propose « démineur
éditorial » pour traduire « sensitivity reader » (« personne
chargée dans une maison d’édition d’identifier avant publication les termes et
les contenus susceptibles d’être considérés comme choquants ou offensants par
certains lecteurs »). Ce terme anglais n’a pas encore été traité par l’équipe
du GDT.
J’ai gardé le meilleur pour la fin :
la fiche « chick lit » (lit
pour literature). Ce terme anglais
désigne une « catégorie de roman qui met en scène avec humour et dérision
une jeune citadine d’aujourd’hui ». Le mot anglais familier chick, parfois offensant, désigne une
jeune fille ou une femme. France Terme traduit « chick lit » par « romance urbaine »,
ce qui ne me semble pas la trouvaille du siècle. Mais le GDT se surpasse en
proposant « littérature aigre-douce »! Faut le faire, n’est-ce pas ?
Pourtant, les pistes de solution ne manquent pas en français : littérature
ou romans de gare (ce qui aurait pu donner romance de gare), romans pour
midinettes, littérature de nanas (plus proche du sens familier anglais), romans
de/ pour filles, etc.
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Réaction de l'animatrice de télévision et de radio Marie-France Bazzo: