samedi 4 novembre 2017

Les vidangeurs et le changement d’huile


Déjà il y a une quinzaine d’années, un collègue qui voyageait beaucoup me faisait remarquer régulièrement que le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) avait à l’étranger la réputation d’être un dictionnaire de calques. J’ai eu l’occasion à maintes reprises dans ce blog d’apporter des preuves à l’appui de cette affirmation.


L’autre jour, j’entends une publicité à la télévision parlant de « changement d’huile ». Je suis tout de suite allé vérifier ce qu’en disait le GDT avec la certitude qu’il approuvait ce calque. Et mon intuition s’est avérée, puisque c'est le terme qui est mis en vedette sur la fiche :

Le terme changement d'huile, très répandu au Québec, est parfois critiqué parce qu'on y voit le calque de l'anglais oil change. Toutefois, le terme est parfaitement conforme au système du français tant sur les plans sémantique que morphosyntaxique.


Encore une fois, il me faut signaler l’absurdité de la remarque « le terme est parfaitement conforme au système du français ». C’est le propre des calques d’être conforme au système linguistique de la langue emprunteuse. Y a-t-il quelqu’un à l’OQLF capable de comprendre cette vérité élémentaire ?


Les ouvrages de référence, comme le Multidictionnaire de la langue française, considèrent le terme changement d’huile comme un calque de l’anglais. Il en va de même de Termium, la banque de données terminologiques du gouvernement fédéral, qui précise dans une note : « changement d'huile n'est pas impropre, mais c'est un calque», formulation sans doute destinée à ne pas trop froisser l’OQLF. Mais la cerise sur le gâteau, c’est d’apprendre que vidange d’huile est le « terme uniformisé par le Comité du projet de lexiques (Nouveau-Brunswick). »



Comment expliquer les réticences de l’OQLF à préférer le terme vidange (d’huile) ? Sans doute parce qu’il s’obstine à vouloir justifier le mot vidanges, au pluriel, pour désigner les ordures ménagères :

Le terme vidanges est utilisé comme synonyme de déchets ou d'ordures ménagères dans la langue courante au Canada français depuis plus d'un siècle. Même s'il est encore critiqué dans certains ouvrages correctifs, il est conforme au système du français. Dans son édition de 1762, le Dictionnaire de l'Académie française atteste l'emploi du mot au pluriel pour désigner « les immondices, les ordures qu'on ôte d'un lieu qu'on vide, ou qu'on nettoie ». 


Il est vrai que l’Office a légèrement battu en retraite à la suite de critiques :

La langue administrative s'est normalisée au Québec et au Canada : ce sont aujourd'hui les termes ordures ménagères et déchets ménagers qui sont utilisés par les administrations municipales (fiche de 2006).


Comme l’écrivait Marie-Éva de Villers en 2003 :

Dans le domaine de la protection de l’environnement et de la gestion des déchets, aussi bien en matière de lois et réglementation que dans la pratique, les termes vidanges et vidangeur sont désuets et ne sont plus employés. Leur emploi se limite à l’oral dans un registre nettement familier. Toutes les villes et municipalités ont opté pour l’expression enlèvement des ordures ainsi que pour le nom éboueur depuis de nombreuses années.


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