mercredi 30 novembre 2016

Mêlée terminologique


« En aucune circonstance ne devrait-il être permis de mettre quelques barrières que ce soit, physiques ou non physiques, à l’accès à l’avortement », a déclaré M. Barrette lors d’un impromptu de presse.
Le Devoir, 30 novembre 2016

Le scrum est défini dans la banque Termium du Bureau de la traduction à Ottawa comme « a situation where journalists gather around a person to ask them questions in an impromptu, informal manner. ». Le Webster et l’Oxford English Dictionary en ligne ne donnent pas ce sens mais uniquement celui d’une formation de joueurs au rugby (une mêlée) et le sens figuré d’un ensemble désordonné de personnes (une bousculade) ou de choses. Le Webster dit que ce dernier sens est propre à l’anglais britannique, sans plus de précision, et l’Oxford ajoute que c’est un terme familier. Tout comme Termium, le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) propose comme équivalent français mêlée de presse (fiche de 2002). On voit que l’on a traduit littéralement le mot scrum : encore un calque.


L’équivalent proposé mêlée de presse est fortement concurrencé par impromptu de presse : le premier est présent dans 41 400 pages Internet, le second dans 28 400. Pourtant, le GDT ne mentionne pas impromptu de presse. Nouvel exemple de la difficulté qu’éprouve le GDT à rendre compte de l’usage – qu’il prétend en plus orienter.


jeudi 10 novembre 2016

En France, le niveau descendrait-il ?


Le niveau en orthographe des écoliers français plonge
Pour une dictée équivalente, les élèves de CM2 ont fait en moyenne 17,8 erreurs en 2015, contre 14,3 en 2007 et 10,6 en 1987.

Le Monde, 9 novembre 2016


En France, le ministère de l’Éducation nationale a publié hier une étude sur l’orthographe des écoliers.


Extrait de l’article du Monde :

Soit une dictée-type d’une dizaine de lignes donnée à des écoliers de CM2 à trois reprises ces trois dernières décennies – 1987, 2007 et 2015. Comparez leurs résultats… et vous ravirez les déclinistes : arrivés au terme de leur scolarité primaire, alors qu’ils ont face à eux la marche de l’entrée au collège à franchir – un collège rénové précisément cette année –, nos enfants font en moyenne 17,8 erreurs, contre 14,3 en 2007 et 10,6 en 1987. C’est 3 erreurs de plus que leurs aînés testés dans les mêmes conditions en 2007, voire 7 de plus si l’on ose la comparaison avec 1987, pour un texte comportant 67 mots et 16 signes de ponctuation.


Pour en savoir plus, cliquer ici.


mercredi 9 novembre 2016

La néologie, toujours mal logée dans le GDT



Les exit polls, ces coups de sonde réalisés à la sortie des bureaux de vote, ont encore exposé, mardi, les lignes de fracture — économique, sociale, raciale — qui teintent le vote américain.
[…] les sondages de sortie des urnes ont été effectués auprès de 23 583 électeurs par la firme Edison, pour le compte du consortium médiatique électoral américain, composé des chaînes ABC, CBS News, CNN, Fox News, NBC News et de l’Associated Press. Certains sondages ont été effectués en personne, près des bureaux de vote, tandis que d’autres ont été faits par téléphone, auprès des électeurs ayant voté par anticipation.
« Le vote américain décortiqué », Le Devoir, 9 novembre 2016, p. A3.

Comme vous pouvez facilement l’imaginer, lecteurs qui me suivez depuis des années, la simple lecture du terme anglais exit poll m’a donné l’envie d’aller vérifier ce qu’en disait le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Pas terrible : une seule fiche, produite par Radio-Canada en 1988 : sondage des votants à chaud. En trois décennies, l’Office n’a pas senti le besoin de mettre à jour cette fiche (qui, en plus, ne présente pas le synonyme anglais exit survey). La pratique de l’exit poll me semble peu courante au Canada, mais les médias en parlent à chaque élection française ou américaine. Et personne, à l’Office, n’a senti la nécessité pendant toutes ces années de mettre à jour une fiche nettement insuffisante.


Le Larousse anglais-français se contente d’une traduction qui est plutôt une définition : « sondage réalisé auprès des votants à la sortie du bureau de vote ».


Sur Internet, on trouve fréquemment comme équivalent « sondage à la sortie des urnes » :

Les divisions raciales parmi les électeurs américains sont évidentes, selon un sondage à la sortie des urnes mené par Edison Research pour les médias américains, rapporte Associated Press. (Agence Belga, 9 novembre 2016)


Hier soir, sur nos diverses chaînes de télévision, nous avons pu entendre à quelques reprises l’expression exit poll. Les commentateurs et journalistes ne savaient apparemment pas comme la traduire. 

mardi 8 novembre 2016

Les hauts et les bas de l’anglais à Montréal


Dans mon blog anglais, j’ai mis en ligne le 6 novembre un billet qui est en fait un extrait d’un article que j’ai publié en 2013 dans une revue européenne et où je fais état d’études publiées par l’Office québécois de la langue française. En 2012, l’Office avait en effet publié une série de rapports dans le cadre du bilan quinquennal qu’il doit faire de l’évolution de la situation linguistique au Québec.


Certaines de ces études portaient sur la langue d’accueil et de service dans les commerces de Montréal (dont j’ai déjà rendu compte dans un billet le 28 mars 2016), d’autres portaient sur les langues présentes dans l’affichage commercial à Montréal. Apparemment, aucun journaliste n’a lu ces études. Tout le monde s’est contenté du résumé produit par l’Office où on affirmait que la présence de l’anglais à Montréal a été « stable » de 1997 (43 %) à 2010 (41 %). On a oublié dans le résumé de mentionner qu’en 1999 cette présence atteignait 49 %, ce qui est une hausse statistiquement significative, et que la chute de 49 % à 41 % constatée de 1999 à 2010 est elle aussi statistiquement significative. La présence de l’anglais est donc loin d’être stable.


Pourquoi avoir occulté cette variation ? Y a-t-il des motivations politiques derrière tout cela ? C’est la question que je pose. J'évoque des hypothèses dans mon billet de Linguistically Correct.


dimanche 6 novembre 2016

Cranberry



Le jus de cranberry n’aiderait pas à soigner les infections urinaires.
Selon une étude, la cranberry a peu, voire pas d’effet sur cette infection qui touche 50 % des femmes au moins une fois dans leur vie.
Site RTL, 28 octobre 2016

La fiche « canneberge » du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) ne note pas que la canneberge (ou atoca) est surtout connue en France sous son nom anglais. Nos terminologues, et plus généralement nos endogénistes, sont d’habitude prompts à critiquer les Français sur leur usage des anglicismes. Il est étonnant que celui-ci ait échappé à leur attention.


C’est pour moi l’occasion de rappeler qu’une terminologue de l’Office m’a expliqué un jour que c’est l’industrie elle-même qui, autour des années 1970, a préféré mettre le mot canneberge sur ses étiquettes plutôt que le mot atoca, l’Office n’ayant pas de préférence pour un terme plus que pour l’autre.


J’ai découvert qu’à la suite de mes critiques d’il y a cinq ans l’Office avait fini par refaire sa fiche « canneberge ». J’avais en effet mis en doute la pertinence de multiplier les synonymes dans un dictionnaire terminologique, en particulier les synonymes d’origine dialectale. Voici de quoi avait l’air l’ancienne fiche :




La nouvelle fiche ne conserve plus que le mot atoca comme synonyme :

Cliquer sur l'image pour agrandir la fiche


*   *   *

Le même jour, sur le site de cette même radio, j’ai trouvé ces trois mots anglais :



samedi 5 novembre 2016

Deux mots sur le gaspillage


Début de la vague de déchétarisme (dumpster diving) au commencement des années 2000, aux États-Unis. Il y a eu un pic de notoriété, des reportages-chocs, puis le couvercle est retombé sur les poubelles. Le mouvement revient avec la lutte contre le gaspillage alimentaire qui a actuellement le vent dans les voiles.
Le Devoir, 5 novembre 2016, p. D6


En lisant les mots déchétarisme et dumspter diving, l’idée m’est venue de vérifier ce qu’en disait le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Surprise : il n’y a pas de fiche « déchétarisme » :








En revanche, il y a bien une fiche « dumpster diving » avec l’équivalent français glanage urbain.


Mais plus intéressante est la fiche « glaneur alternatif » (en anglais : freegan). On y lit : « le terme glaneuse alternative (sic) a été proposé par l’Office québécois de la langue française en 2010 pour désigner ce concept. » Et plus loin : « le terme déchétarien, que l’on trouve principalement en France, n’est pas retenu en raison de sa connotation péjorative et de son sens restreint ». Cette affirmation est fausse : déchétarien apparaît dans 168 pages Internet écrites en français au Canada contre seulement 2 pages pour glaneur alternatif. Ce n’est donc pas principalement en France que l’on trouve ce mot mais aussi au Canada. Dans l’usage international, c’est déchétarien qui s’impose clairement (1 860 contre 4). Tout comme c’est déchétarisme (absent du GDT) qui s’impose contre glanage urbain, promu par le GDT.


On le voit, le GDT, loin d’orienter l’usage, peine à le suivre.


Mots
Toutes les pages en français d’Internet
Pages Internet de France en français
Pages internet du Canada en français

Déchétarisme

8 320
530
564

Glanage urbain

2 160
1 440
75

Glaneur alternatif

4
0
2

Déchétarien

1 860
1 030
168



En terminant, notons que le Larousse parle de glanage (tout court), non de glanage urbain, et de glaneurs (tout court), non de glaneurs alternatifs :

Glanage : « action des glaneurs (à la fin d’un marché, par exemple). [Cette pratique est liée à une nécessité économique ou un mode de vie alternatif.] »


mercredi 2 novembre 2016

Volver



Après quatre mois de relâche, je reprends la publication de la version espagnole de mon introduction à La norme linguistique.