samedi 29 mars 2014

Le français en Outaouais


Monique Bisson, cosignataire du manifeste des anciens terminologues de l’Office québécois de la langue française, publie aujourd’hui dans Le Devoir un texte sur le français en Outaouais. Cliquer sur ce lien pour lire le texte.


vendredi 28 mars 2014

Le paradis fiscal des grands Zarzais


Victor Hugo est allé chercher l’asile politique dans l’île anglo-normande de Guernesey, d’autres aujourd’hui lui préfèrent l’île-sœur de Jersey comme abri fiscal comme nous venons de l’apprendre dans la présente campagne électorale. Ce qui peut être l’occasion de ramener dans le discours québécois le mot vieilli zarzais.


Qu’est-ce qu’un zarzais ?


Narcisse-Eutrope Dionne nous donne la réponse dans Le parler populaire des Canadiens français (1909) :

Zarzais, n. m. — Jersiais, habitant de l’Ile de Jersey.


Il y a quelques années, la série L’Ombre de l’épervier, basée sur le roman de Noël Audet, nous a rappelé la place qu’ont occupée les Jersiais dans l’histoire de la Gaspésie. C’est que les Anglais leur avaient octroyé les territoires de pêche de la péninsule.


La Banque de données lexicographiques panfrancophone indique que le mot zarzais a aussi le sens suivant :

Fam. Personne qui est simple d'esprit, qui manque d'intelligence, qui n'est pas délurée.



mardi 25 mars 2014

Ubu linguiste

  
C'est gros comme le poing. Ces choses-là sont rudes.
Il faut pour les comprendre avoir fait ses études.

Victor Hugo, La légende des siècles : Les pauvres gens


Deux vers de Victor Hugo pour introduire deux citations remarquables. Il vaut mieux ne pas ajouter le nom des auteurs (des universitaires).


Le Québec, après la France, est l’un des seuls « pays » francophones à avoir intégralement répertorié les descriptions lexicographiques avec notamment le Robert, le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1992). Ces descriptions officielles ont permis l’édification de la norme québécoise, reconnue par tout le corps francophone. 

L’espace et le temps auront été à la source de références culturelles qui obligent l’emploi d’un vocabulaire in vivo dans différentes sociétés francophones.


Quel extraterrestre êtes-vous si vous n’utilisez pas un vocabulaire in vivo quand vous parlez ? Et si vous entravez quelque chose à cette phrase, c’est que vous êtes sûrement un extraterrestre !


En ce qui concerne la première citation, on nage en plein délire : répertorier intégralement les descriptions lexicographiques ? Et qui aurait produit ces « descriptions officielles » ? Il y a bien quelques centaines de descriptions officielles, d’avis de normalisation de l’Office québécois de la langue française, mais cela ne suffit pas à produire un dictionnaire, même le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, qui serait bien exsangue s’il s’était contenté de reproduire ces avis. Et qu’est-ce que le « corps francophone » ?


Comme souvent en lisant des écrits endogénistes, on doit prendre garde à ne pas être saisi par l’ivresse des profondeurs.

lundi 24 mars 2014

Faire de la terminologie les deux pieds sur la bavette du poêle / 4 : Commentaire


Commentaire reçu sur le billet publié hier :

Dans le Petit Robert, le terme « poêle » (au sens de « cuisinière ») porte la marque suivante : RÉGIONAL (Canada; critiqué).


Il est très difficile de croire qu'un usage ancien, critiqué, et utilisé surtout à l'oral, puisse faire partie de ce que l'Office nomme « la langue standard », c'est-à-dire la norme linguistique.


Encore une incohérence sur plusieurs plans : de l'analyse, de la compréhension et du traitement. Assez navrant !


Christiane Loubier
Linguiste


dimanche 23 mars 2014

Faire de la terminologie les deux pieds sur la bavette du poêle / 4


Suite et sans doute fin de mes commentaires sur la fiche poêle (au sens d’appareil de cuisson) du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF).


Dans mon billet du 18 octobre 2011, j’avais signalé l’existence d’un problème de formulation dans la note accompagnant la fiche. Deux ans et demi plus tard, aucune correction n’a été apportée.

  
Je rappelle la dernière phrase de la note : « Désignant le même concept que cuisinière, poêle est attesté comme québécisme de langue standard […] ». Le rédacteur vient d’expliquer que poêle a deux sens – qu’il désigne deux concepts : 1) un appareil de chauffage ; 2) un appareil de cuisson. Telle qu’elle est formulée, la phrase est absurde. Il aurait fallu écrire : lorsqu’il désigne l’appareil de cuisson… Et, au fait, que signifie l’expression « attesté comme québécisme de langue standard » ? J’imagine que l’auteur voulait dire que le mot fait partie de la langue standard au Québec. Mais, comme je l’ai montré dans les billets précédents, cela est très discutable.




vendredi 21 mars 2014

Faire de la terminologie les deux pieds sur la bavette du poêle / 3


Dans le billet précédent, j’ai cité des données de mon enquête sur le vocabulaire des Québécois, effectuée en 2006 et publiée en 2008. Permettez-moi d’y revenir.


On a demandé en 2006 à un échantillon représentatif d’habitants des régions métropolitaines de Montréal et de Québec comment ils nommaient un certain nombre d’objets dont on leur présentait l’illustration. À l’image d’une cuisinière, 52,3 % ont déclaré utiliser le terme standard. Précisons tout de suite qu’il s’agit de leur usage déclaré, pas nécessairement leur usage réel. Par ailleurs, 22,7 % ont déclaré utiliser plutôt le québécisme poêle. Il est même possible que, dans la vie réelle, le québécisme soit plus utilisé que le terme standard. Il est tout aussi possible que les enquêtés ont pensé qu’on leur demandait plutôt quel est le bon terme, ou le terme que l’on utilise en bon français, et pour cette raison ils ont été plus nombreux à répondre cuisinière. Peu importe la motivation de la réponse, il n’en demeure pas moins que la majorité des personnes interrogées ont déclaré utiliser le terme standard.


On a aussi posé la question : « existe-t-il un autre mot ? » pour désigner l’objet représenté sur l’illustration : 22,7 % des personnes ont alors donné cuisinière comme réponse.


52,3 % + 22,7 % = 75 % des enquêtés connaissent le terme cuisinière.


Ces données remettent fortement en question l’affirmation « le terme cuisinière appartient au vocabulaire spécialisé du domaine de l'équipement ménager » que l’on trouve sur la fiche poêle du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF).


Dans le document Politique éditoriale du Grand Dictionnaire terminologique, on lit : « Les données des fiches du GDT sont traitées en vertu d’une approche socioterminologique. » Il est étonnant de constater que le rédacteur de la fiche cuisinière n’a pas pris en considération les données d’enquêtes effectuées à l’Office lui‑même.





mercredi 19 mars 2014

Faire de la terminologie les deux pieds sur la bavette du poêle / 2

  
Je continue mes commentaires sur la fiche poêle (au sens de cuisinière, « appareil de cuisson ») du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), fiche datant de 2009.


On peut lire sur la fiche : « Alors que le terme cuisinière appartient au vocabulaire spécialisé du domaine de l'équipement ménager, poêle appartient plutôt à la langue courante. »


Qu’en est-il vraiment ?


Nous avons des données chiffrées sur ce terme précisément, alors voyons voir.


Dans une enquête effectuée pour le compte de l’Office québécois de la langue française en 2006 et publiée en 2008[1], on apprend que 47,2 % des adultes francophones des villes de Québec et de Montréal déclarent utiliser le plus souvent poêle contre 36 % qui déclarent utiliser le plus souvent cuisinière.


Dans ces conditions, on voit mal comment on peut affirmer « que le terme cuisinière appartient au vocabulaire spécialisé du domaine de l'équipement ménager […]. »

Comment peut-on affirmer pareille fausseté alors que les données contredisant cette affirmation étaient disponibles depuis un an à l'Office même ?




[1] Le vocabulaire des Québécois, étude comparative (1983 et 2006), OQLF, 2008, p. 20.

lundi 17 mars 2014

Faire de la terminologie les deux pieds sur la bavette du poêle / 1


Aujourd’hui, retour sur une fiche du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) dont j’ai déjà traité : poêle au sens de « cuisinière » (appareil de cuisson) (pour relire le billet du 18 octobre 2011, cliquer ici).


Avant son revampage* ou, si vous préférez, son ravalement de juin 2012, le GDT présentait poêle comme quasi-synonyme de cuisinière et ajoutait que c’est un « québécisme de langue standard ».


Aujourd’hui, ce sens de poêle est donné comme étant « à usage restreint » dans la « langue courante » du Québec tout en continuant d’être un « québécisme de langue standard ».



Le cas de la fiche poêle n’est pas isolé. Plusieurs fiches présentent des termes de la « langue courante » qui sont « à usage restreint ». J’avais déjà noté cette situation paradoxale dans mon billet du 15 juin 2012 (« Premières impressions »). Deux ans plus tard, rien n’a changé.


Vous trouvez que ce n’est pas assez ridicule ? Alors poursuivons la lecture de la fiche : « le terme cuisinière appartient au vocabulaire spécialisé du domaine de l'équipement ménager ». Cuisinière, un terme spécialisé ?


En lisant des fiches comme celle-là, il faut prendre garde à l’ivresse des profondeurs.


__________
* Je sais, le mot n’est pas admis par l’Office. Mais, contrairement à ce qu’affirme la Banque de dépannage linguistique, revamper ne signifie pas simplement « changer, réparer, rénover, améliorer ». Il signifie : améliorer un produit du point de vue esthétique et il s’agit d’une pratique commerciale.



dimanche 16 mars 2014

Grattons encore !


Commentaire reçu sur mon billet du 14 mars :


On confond effectivement plusieurs concepts dans le GDT : « langue » et « registre de langue », « langue » et « usage », « courant » et « familier », etc.


En linguistique, l’expression « langue courante » qualifie l’usage courant, qui correspond aux mots, expressions ou termes, compris et utilisés par l’ensemble des locuteurs d’une collectivité sociolinguistique. On n’a donc pas à marquer l’usage courant, puisqu’il constitue la langue usuelle de la collectivité. C’est ce qui est convenu en lexicographie. Dans les dictionnaires usuels, on ajoute parfois une note, pour indiquer, par exemple, qu’un terme scientifique ou didactique est inusité dans la langue courante.


Ce sont les mots, les expressions ou les termes associés à des registres de langue qui sont habituellement mis en évidence par des marques d’usage (exemples : didactique, savant, familier, vulgaire, scientifique, etc.) dans les dictionnaires. Ces marques servent justement à caractériser des emplois qui ne sont pas d’un usage courant, mais bien d’un usage restreint. L’usage familier ne relève donc pas de la langue courante, pas plus que l’usage savant, ou vulgaire.


Il y a donc une contradiction bien gênante dans le GDT. En effet, comment un terme d’usage courant ou dit « de langue courante » (« gratte », « charrue », « charrue à neige ») peut-il être classé sous la catégorie « termes à usage restreint » ? Et pour ces exemples, aucune note ne peut orienter l’usage.


Sans risque de se tromper, on peut conclure qu’il n’y a pas eu de réflexion sur les registres de langue à l’OQLF et que cette lacune importante a eu une conséquence très grave : l’absence, dans le GDT, d’un système de marques cohérent et, surtout, qui soit en adéquation avec une théorie sociolinguistique, ou, au moins, avec un cadre méthodologique éprouvé en terminologie.


Où sont les linguistes dans la salle ?

Christiane Loubier


vendredi 14 mars 2014

Grattons le bobo


Ayant été bloqué dans le Bas-Saint-Laurent par la dernière tempête, j’ai eu l’occasion de voir à l’œuvre plusieurs grattes. Rappelons que, avant son dernier lifting, le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) donnait ce mot comme « quasi-synonyme », dans la « langue courante », du terme déneigeuse. Il est aujourd’hui présenté comme « terme à usage restreint », avec les marques « Québec » et « langue courante ». Au fond, un changement cosmétique.


Il est intéressant de comparer sur ce point le GDT avec le dictionnaire Franqus-Usito : ce dernier présente gratte comme un mot « familier » au Québec (voir mon billet du 29 décembre 2012).


Cela amène à poser les questions suivantes : pour le GDT, la langue courante est-elle en fait un registre de langue, le registre familier ? Et que viennent alors faire dans un dictionnaire technique (ce qu’est en principe un dictionnaire terminologique) des termes familiers ? Ne méritent-ils pas au mieux une mention rapide dans une note ?


Bref, trois ans après le manifeste des anciens terminologues de l'OQLF, on doit encore poser la question : le GDT, est-ce de la lexicographie ou est-ce de la terminologie ?


*   *   *


Au moment de mettre en ligne mon dernier texte, je m’aperçois que, sûrement grâce à la dernière tempête, mon billet sur lame de neige est celui qui a été le plus lu cette semaine.



mercredi 12 mars 2014

La limonade endogéniste / 4


Suite de ma critique de la fiche « limonade = lemonade » du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF).


On lit sur la fiche :

En Amérique du Nord, le terme limonade et son équivalent anglais lemonade désignent une boisson non gazéifiée, alors que dans le reste du monde, ces termes se réfèrent plutôt à une boisson gazéifiée.


Voilà un curieux de raisonnement (on a le même sur la fiche détour au sens de « déviation »). C’est un raisonnement qui justifie l’emploi de tous les anglicismes au Québec : en Amérique du Nord, on dit hydrant, alors disons hydrant au lieu de borne d’incendie. Après tout, le mot a l’air français et on le prononce à la française. Allons plus loin : on dit bumper, windshield et wiper partout en Amérique du Nord ? Alors disons bumper, windshield et wiper ! Ce sont tous des anglicismes anciens en français du Québec.


Ce genre de raisonnement contredit la doctrine sur laquelle se basent plusieurs autres fiches du GDT. Ainsi on lit sur la fiche fin de semaine (week-end) : « […] une acceptation officielle de l'emprunt ne pourrait qu'encourager la généralisation du terme anglais et même, éventuellement, le remplacement du terme français fin de semaine […] ». Il y a quand même là une contradiction gênante.


C’est bien la peine d’avoir une politique sur l’emprunt linguistique si l’on n’uniformise pas les fiches en conséquence. La fiche « limonade = lemonade » est en contradiction tant avec la politique de l’emprunt de 1980 qu’avec celle de 2007.


Le rédacteur de la fiche a perdu de vue ce qui motivait l’action de l’Office québécois de la langue française :

L’action de l’Office a été une entreprise de décolonisation. On doit la mettre dans la même perspective que la publication de Nègres blancs d’Amérique ou du Journal d’un colonisé de Memmi. À l’époque de la création de l’Office, les Québécois se resituaient en tant que majorité maîtrisant ses propres institutions. On s’est trouvé dans l’obligation de décoloniser la langue tout comme les institutions publiques, l’économie, etc. Il a donc fallu franciser les entreprises et faire un ménage dans nos anglicismes. Par exemple, le mot bumper doit disparaître non pas parce que c’est un mot anglais, mais parce qu’il fait partie de la logique de la colonisation anglaise. Cette colonisation, nous en sommes toujours menacés. Il faut être vigilant, sinon on va un jour ou l’autre passer à l’anglais.
Jean-Claude Corbeil cité par Pierre Turgeon, « La bataille des dictionnaires », L’Actualité, avril 1989, p. 22.




mardi 11 mars 2014

Майдан Незалежності

Une traduction pléonastique



Sur l'emblématique place Maïdan où de 25 000 à 30 000 personnes étaient rassemblées vendredi sous le soleil, les manifestants ne semblaient pas prêts à lâcher du lest […].
– Le Journal de Montréal (en ligne; dépêche AFP), 10 mars 2014 


Dans un texte mis en ligne le 9 mars sur son site personnel, le linguiste français Louis-Jean Calvet remarque :

[…] dans l’expression ukrainienne Maïdan Nézalejnosti, c’est Nézalejnosti qui signifie « indépendance », tandis que maïdan veut dire « place ». Parler de la « place Maïdan » revient donc à parler de la « place Place », ce qui est légèrement redondant... 


Bernard-Henri Lévy s'adressant à la foule massée place de l'Indépendance à Kiev

lundi 10 mars 2014

Inclusion et exclusion


Il y a des langues, comme le montagnais et le cri, qui ont deux formes pour la première personne du pluriel : une forme inclusive (moi et les personnes à qui je parle) et une forme exclusive (moi et les personnes de mon groupe mais pas les personnes à qui je parle). Le nous exclusif exclut donc les personnes à qui l’on parle. On aimerait bien savoir de quel type de nous Pierre Karl Péladeau se sert lorsqu’il déclare : « Nous allons nous enrichir dans un Québec souverain » (Radio-Canada Québec, émission matinale du 10 mars 2014).

Malheureusement, le français n’est pas précis sur ce point.


dimanche 9 mars 2014

La limonade endogéniste / 3


Je continue ma critique de la fiche « limonade = lemonade » du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Elle illustre parfaitement la dérive qu’entraîne l’abandon des principes de la recherche terminologique qui ont contribué à une époque à la renommée de l’Office. Autres temps, autres mœurs.


On ne trouve presque plus de définitions anglaises dans les fiches du GDT rédigées depuis une quinzaine d’années. Si le rédacteur de la fiche « limonade = lemonade » était parti de la définition anglaise de lemonade et, condition tout aussi importante, s’il n’avait pas été aveuglé par l’idéologie endogéniste, il aurait abouti à des conclusions différentes.


Prenons les définitions de lemonade dans le Webster :

1) a drink made usually of lemon juice, sugar, and water
2) a sweet lemon-flavored drink that contains many bubbles : a lemon soda


La première correspond à celle de citronnade: « Boisson rafraîchissante à base d'eau sucrée additionnée de jus ou de sirop de citron » (Trésor de la langue française informatisé).


La seconde correspond à celle de limonade : « Boisson rafraîchissante faite d'eau saturée d'acide carbonique, légèrement sucrée, parfumée avec du sirop ou de l'essence de citron » (Trésor de la langue française informatisé). C’est, pour l’essentiel, la définition normalisée par l’Office lui-même (voir le billet précédent).


Le tome 8 de l’Encyclopédie méthodique, Médecine (Enclyclopédie Panckoucke), paru… en 1808, nous apprend que le mot limonade, au sens de « boisson faite de jus de limon ou de citron, d'eau et de sucre », était déjà vieilli à l’époque. On y lit en effet : « Les limonades étaient destinées à activer les fonctions digestives ou à servir de boisson aux malades, à la façon des tisanes » (cité dans le TLFi).


Il serait peut-être temps que, sur ce point précis, le GDT prenne acte de deux siècles d’évolution de la langue française.


Mais, on le sait, les endogénistes se comportent en chauffeurs d’autobus québécois : Avancez en arrière, nous disent-ils (voir mon billet « Le purisme pure-laine ou le Grand Bond en arrière »).

vendredi 7 mars 2014

Débiter de la réalité


Dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), on est prêt à tout pour accommoder le client, même à vendre de la réalité en sacs, comme on peut le lire sur la fiche « croustille / chips » :

Les termes qui désignent cette réalité, laquelle est vendue en sacs, en sachets ou en boîtes, sont le plus souvent utilisés au pluriel […]

 
Extrait de la fiche croustille (2001) du GDT



Dans l’ancienne langue, le mot réalités – au pluriel ! pas au singulier – a pu être synonyme de choses, données. Mais c’est l’usage d’il y a deux siècles. Les endogénistes veulent toujours nous ramener en arrière, en vrais puristes qu’ils sont.

jeudi 6 mars 2014

La limonade endogéniste / 2


La fiche « limonade = lemonade » du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) donne trois équivalents anglais : lemonade, still lemonade, lemon squash. Je ne traiterai que de ce dernier terme.


Pour le Collins English Dictionary, le lemon squash est un terme propre à l’anglais du Royaume-Uni et il désigne une boisson à base de jus de citron concentré :

Brit a drink made from a sweetened lemon concentrate and water.


En français, cela s’appelle de la citronnade et c’est le mot que donnent les dictionnaires de traduction. Contrairement à ce qu'affirme la fiche du GDT, ce n’est surtout pas de la limonade – terme que l’OQLF a par ailleurs normalisé pour désigner une « boisson gazéifiée, sucrée, limpide et incolore […] additionnée de matières aromatiques ou sapides provenant du citron […] ».


En Angleterre, le squash (lemon squash, orange squash) se vend en bouteilles sous forme de concentré que l’on dilue dans une à quatre parties d’eau.



Le lemon squash vendu en épicerie ne peut pas se consommer tel quel, ce n’est donc pas une citronnade au sens strict – du moins tant qu’on n’y a pas ajouté d’eau.
 
Source : Wikipedia

J’ai bien vu du lemon squash dans des épiceries en Angleterre et en Afrique du Sud mais je n’aurais pas la témérité du rédacteur de la fiche du GDT qui affirme que le mot s’emploie « partout sauf en Amérique du Nord ». D’autant plus qu’au cours de mes recherches sur Internet j’ai découvert qu’on en vendait dans une épicerie de Calgary.


 
Extrait de la fiche limonade = lemonade du GDT

mercredi 5 mars 2014

La limonade endogéniste : infecte !


Je traite aujourd’hui de l’une des fiches les plus mal faites de tout le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Il me faudra plus d’un billet pour venir à bout de la fiche « limonade = lemonade », qui fait double emploi et contredit la fiche « limonade » (sans équivalent anglais).


Commençons par la note suivante, qui nous suffira pour aujourd’hui tant elle illustre ce qu’est devenu le GDT : « Lorsque la limonade est préparée à partir de citrons fraîchement pressés, on l'appelle plutôt citron pressé. »

Note de la fiche limonade = lemonade
  
Quand on presse un citron, on n’obtient pas de la limonade, on obtient tout simplement… du jus de citron ! En anglais, on dit : fresh lemon juice, freshly squeezed lemon juice (cette dernière traduction étant celle du Larousse français‑anglais en ligne). En France, dans les cafés, on sert le citron pressé accompagné d’un pichet d’eau et d’un sucrier. Le client peut boire le jus tel quel ou l’additionner d’eau et de sucre.


Quand on presse un citron, on n’obtient donc pas de la limonade. En français standard, la limonade est une « boisson gazeuse à base de sucre, d’acides, d’essence de citron, de gaz carbonique et sans colorant » (Larousse en ligne). C’est à peu près la même définition que celle de la première fiche « limonade » du GDT, définition qui de plus a été normalisée par l’Office : « Boisson gazéifiée, sucrée, limpide et incolore, acidulée, additionnée de matières aromatiques ou sapides provenant du citron et éventuellement d'autres hespéridées »
.


La définition de limonade dans la seconde fiche contredit la définition donnée par la première :

Définition normalisée par l’Office : « Boisson gazéifiéesucrée, limpide et incolore,… »

Définition due à l’initiative d’un terminologue : « Boisson non gazéifiée composée de jus de citron, d'eau et de sucre ».


Comment un terminologue peut-il contredire si ouvertement un avis de normalisation de l’Office québécois de la langue française ?



Comment peut-on être aussi ignorant du français standard ? On voit bien que la personne qui a rédigé la fiche n’a aucune idée de ce que signifie l’expression citron pressé. Il est grand temps que l’Office renoue avec une habitude tombée en désuétude et fasse à nouveau bénéficier certains terminologues de missions en France. De préférence dans la Creuse, pour éviter un trop grand dépaysement.

mardi 4 mars 2014

Bis repetita : commentaire sur le billet publié le 28 février 2014


Les commentaires publiés à la suite de mes billets ont peu de visibilité. Je reprends donc ici des remarques importantes qui me sont parvenues à propos de mon article sur le niqab :


Sur cette fiche du GDT, on note les mêmes accrocs à la méthode de recherche terminologique et à la Politique de l’emprunt de l’OQLF que ceux que nous avons déjà relevés au sujet de la fiche «burqa ».


1. Diffusion d’une graphie (niqab) qui est valorisée en fonction d’un critère comptable de fréquence, diffusion d’une graphie qui n’est pas adaptée au système du français et qui entre ainsi en contradiction nette avec la Politique de l'emprunt linguistique de l'OQLF.


2. Diffusion d’une graphie qui est en contradiction avec les Rectifications de l'orthographe parues en 1990 qui recommandent pourtant de franciser la graphie des mots d’origine étrangère. « D’une manière générale, il est recommandé aux auteurs de dictionnaires et aux créateurs de mots de franciser, dans la mesure du possible, les mots empruntés en les adaptant au système graphique du français. Il leur est également recommandé, lorsque plusieurs formes existent, de donner la préférence à celle qui est la plus proche du français ». (Extrait d’un article de la Banque de dépannage linguistique de l’OQLF).


3. Diffusion d’une fiche qui favorise l’utilisation d’une forme qui n'est pas conforme à l'orthographe française, particulièrement dans les réseaux officiels de communication écrite (Administration, institutions publiques, radio, télévision, presse, réseaux d’enseignement, etc.). Il s’agit là d’une conséquence négative très importante dans un contexte de francisation et d’enrichissement du français.


Comme dans le cas de burqua, la fiche diffusée annule et remplace une fiche diffusée antérieurement dans le GDT. Il s’agit en fait d’une fiche « défaite » et « refaite ». On dirait que la devise de la nouvelle planification du GDT s’inspire fortement d’un proverbe déjà cité sur ce blogue : « Faire et défaire, c'est toujours travailler ».

Christiane Loubier
Linguiste


lundi 3 mars 2014

Skeleton : commentaire


Pour lui donner plus de visibilité, je mets en ligne sous forme de billet le commentaire que j’ai reçu à propos de skeleton :


Skeleton, slider, etc. Deux termes anglais !

Et la néologie à l'Office [québécois de la langue française] ? En veilleuse ? Ou laissée dans la nuit ?


Aucun néologisme proposé, et après quelques années de laisser-faire, on dit que l'emprunt est implanté dans l'usage et même dans ce que l'Office nomme, avec beaucoup de confusion, l'usage standard.


En France, depuis le 17 février, on demande l'avis des internautes pour trouver un équivalent français à skeleton :


Il faut croire qu'ils tiennent la veilleuse allumée.


Christiane Loubier
Linguiste

*Site WikiLF : « Ce site vous est proposé par la délégation générale à la langue française et aux langues de France (Ministère de la Culture et de la Communication) », peut-on y lire. (Note de J.M.)


Post-scriptum de J. M. :

Ces lacunes néologiques sont d’autant plus étonnantes que l’Office québécois de la langue française s’était engagé à fournir une terminologie française pour les disciplines des Jeux olympiques de Vancouver. Extrait de la Francilettre de l’OQLF publiée le 18 octobre 2005 :

[…] l'Office produira les terminologies françaises se rapportant aux différentes disciplines sportives des Jeux de 2010 et offrira une assistance terminologique et linguistique avant et durant les Jeux.



dimanche 2 mars 2014

Nom anglais au Québec, nom français en France






À Québec, nous avons le Red Bull Crashed Ice. En France, ils ont la Course Red Bull Caisses à savon – et non le Red Bull Soapbox Race comme en Angleterre. Comment se fait-il que l’Office québécois de la langue française n’ait pas réussi à obtenir que l’on donne un nom français à la compétition qui se tient à Québec ?



*   *   *

L’expression anglaise soapbax se traduit littéralement par « boîte à savon », terme que l’on trouve dans Wikipédia pour désigner « un véhicule construit par les enfants ou par les parents pour leurs loisirs ». Mais on a francisé le terme davantage en recourant au mot caisse qui désigne, dans le langage populaire, une voiture, ce qui a donné caisse à savon.