Suite de ma critique de la fiche
« limonade = lemonade »
du Grand Dictionnaire
terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF).
On lit sur
la fiche :
En Amérique du
Nord, le terme limonade et son équivalent anglais lemonade
désignent une boisson non gazéifiée, alors que dans le reste du monde, ces
termes se réfèrent plutôt à une boisson gazéifiée.
Voilà un
curieux de raisonnement (on a le même sur la fiche détour au sens de « déviation »). C’est un raisonnement
qui justifie l’emploi de tous les anglicismes au Québec : en Amérique du
Nord, on dit hydrant, alors disons hydrant au lieu de borne d’incendie. Après tout, le mot a l’air français et on le
prononce à la française. Allons plus loin : on dit bumper, windshield et wiper partout
en Amérique du Nord ? Alors
disons bumper, windshield et wiper ! Ce sont tous des
anglicismes anciens en français du Québec.
Ce genre
de raisonnement contredit la doctrine sur laquelle se basent plusieurs autres
fiches du GDT. Ainsi on lit sur la fiche fin
de semaine (week-end) : « […]
une acceptation
officielle de l'emprunt ne pourrait qu'encourager la généralisation du terme
anglais et même, éventuellement, le remplacement du terme français fin de
semaine […] ». Il y a
quand même là une contradiction gênante.
C’est bien
la peine d’avoir une politique sur l’emprunt linguistique si l’on n’uniformise
pas les fiches en conséquence. La fiche « limonade = lemonade » est en contradiction tant avec la politique de l’emprunt
de 1980 qu’avec celle de 2007.
Le
rédacteur de la fiche a perdu de vue ce qui motivait l’action de l’Office québécois de la langue
française :
L’action de l’Office a été une entreprise de
décolonisation. On doit la mettre dans la même perspective que la publication
de Nègres blancs d’Amérique ou du Journal d’un colonisé de Memmi.
À l’époque de la création de l’Office, les Québécois se resituaient en tant que
majorité maîtrisant ses propres institutions. On s’est trouvé dans l’obligation
de décoloniser la langue tout comme les institutions publiques, l’économie,
etc. Il a donc fallu franciser les entreprises et faire un ménage dans nos
anglicismes. Par exemple, le mot bumper doit disparaître non pas parce
que c’est un mot anglais, mais parce qu’il fait partie de la logique de la
colonisation anglaise. Cette colonisation, nous en sommes toujours menacés. Il
faut être vigilant, sinon on va un jour ou l’autre passer à l’anglais.
Jean-Claude Corbeil cité par Pierre Turgeon,
« La bataille des dictionnaires », L’Actualité, avril 1989,
p. 22.
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