jeudi 31 juillet 2014

Communauté ou collectivité ?


Le texte d’Antoine Robitaille « Nouveaux tabous » a suscité plusieurs commentaires intéressants que l'on peut lire sur le site du Devoir. Parmi eux, celui-ci de Pierre Bernier :


Et que dire de l’utilisation abusive du terme « communauté », surtout présente dans la presse électronique… mais pas seulement, pour désigner une collectivité territoriale, une structure publique (municipalité, ville, village…) ou l’ensemble de ses citoyens ?


Il y a quelques décennies, le mot communauté utilisé sans autre précision désignait presque toujours une communauté religieuse. Au début, je trouvais fort curieux d’entendre parler de condamnation à des travaux dans la communauté ou d’entendre des autochtones s’inquiéter des répercussions de telle ou telle décision gouvernementale dans la communauté. Évidemment, il s’agissait d’un emprunt à l’anglais. Aujourd’hui, l’emploi de communauté au sens de collectivité semble être passé dans l’usage québécois.


En anglais, community a le sens « a group of people who live in the same area (such as a city, town, or neighborhood) » mais il peut signifier aussi « a group of people who have the same interests, religion, race, etc. » (Webster en ligne).


Au Québec, sous l’influence de l’anglais, on donne à communauté un sens qui est plutôt celui de collectivité, c'est-à-dire ensemble organisé de la population coïncidant avec une subdivision du territoire, jouissant de la personnalité morale et ayant le pouvoir de s'administrer par un conseil élu (cf. Trésor de la langue française informatisé).


La page de la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française sur « Collectivité, communauté et société » est éclairante (la BDL est souvent plus sûre que le Grand Dictionnaire terminologique).


samedi 26 juillet 2014

Bilan de la situation linguistique : l’OQLF a-t-il respecté la loi?


Le 1er mars dernier, je posais la question : où en est le bilan de la situation linguistique ? Je précisais :

La loi fait obligation à l’Office québécois de la langue française de produire tous les cinq ans un bilan de la situation linguistique. Or, il ne l’a pas fait. Comment expliquer cette omission ?

Le dernier bilan rendu public l’a été en mars 2008. L’Office a ensuite mis en ligne un plan de travail pour la période 2008-2013. Dans son rapport annuel 2011-2012, l’OQLF écrit que « les travaux, qui s’échelonneront jusqu’en 2013, permettront de poser un diagnostic fiable sur la dynamique linguistique québécoise ». On aurait donc dû s’attendre à la publication d’un bilan en 2013. Or, en 2013, l’Office n’a publié qu’une seule étude, mais pas de bilan.


En avril, intervention d’Impératif français «afin de demander au premier ministre élu, Philippe Couillard, de faire pression sur l’OQLF pour lui réclamer son rapport quinquennal de 2013» («Impératif français exige un bilan sur la langue», Le Devoir, 18 avril 2014).


Lors de l’étude des crédits budgétaires 2014-2015 du ministère de la Culture et des Communications, volet Charte de la langue française, le porte-parole de l’Opposition officielle n’allait évidemment pas demander pourquoi l’Office n’avait pas produit de bilan lorsque son parti était aux affaires. Heureusement que le deuxième groupe d’opposition s’est révélé à la hauteur. Voici des extraits de la transcription, non révisée, de la séance du 30 juin 2014 de la Commission de la culture et de l’éducation. Vous y trouverez la réponse à la question : l’Office a-t-il respecté ses obligations légales ?




La Présidente (Mme Rotiroti) : …du côté du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée d'Iberville, la parole est à vous pour une période de 21 minutes.
Mme Samson : Merci beaucoup. En vertu du chapitre II de la loi 101, « l'Office surveille l'évolution de la situation linguistique au Québec et en fait rapport au moins tous les cinq ans au ministre, notamment en ce qui a trait à l'usage et au statut de la langue française ainsi qu'aux comportements et attitudes des différents groupes linguistiques ». Or, le dernier rapport remonte à 2008. Depuis, aucun portrait d'ensemble n'a été dressé au Québec sur l'état de la langue française. Interpellé sur cette question en avril dernier par le président d'Impératif Français, l'Office a rétorqué que le bilan de 2008 avait l'objet de critiques en raison de sa lourdeur et de l'absence de conclusions claires. L'Office a donc choisi de publier depuis des documents et études de façon ponctuelle. Depuis 2010, l'organisme a publié une quinzaine de documents et d'études de faits saillants. Au bout du compte, nous avons des études sectorielles, mais le portrait d'ensemble n'est plus là. Et, pendant ce temps, il est important de souligner que l'Office ne se soumet pas à la loi. Mme la Présidente, j'aimerais savoir si la ministre compte exiger de l'Office qu'il produise, comme la loi l'exige, son bilan complet sur l'état de la situation linguistique du Québec.
La Présidente (Mme Rotiroti) : Mme la ministre.
Mme David (Outremont) : Écoutez, l'Office québécois de la langue française a un nouveau président dont je souligne la présence, M. Vézina. Effectivement, il y a eu 14 études entre septembre 2011 et août 2013, donc cinq sur le portrait démolinguistique, cinq sur la langue d'accueil, service d'affichage et langue utilisée sur Internet, très important, en juin 2012, 27 novembre, langue de travail, il y a eu trois études, et une sur les trajectoires linguistiques le 23 août 2013. Alors, il y aura un programme de recherche, évidemment, qui va être établi. Et j'aurai l'occasion d'en parler évidemment avec les membres de l'Office. Et les études se continuent et, je pense, sont tout à fait en ligne directe avec l'importance de donner à tous les cinq ans… Bon, l'usage de la langue française, on est tous d'accord, le mandat est inscrit dans la Charte de la langue française.
Alors, écoutez, est-ce qu'on va en faire un tout aggloméré, je pense, c'est le sens de votre question, ou des portraits qui sont spécifiques ? Je pense que les études spécifiques sont extrêmement importantes. Est-ce qu'on voudra, et peut-être que je laisserai, je ne sais pas si l'Office a une position là-dessus, mettre ça de façon agglomérée? Mais j'inviterais donc tout le monde, tous les députés, les gens intéressés par les questions, de lire toutes ces études qui sont, ma foi, extrêmement instructives. Alors, si vous permettez, M. Vézina pourrait compléter ma réponse.
La Présidente (Mme Rotiroti) : Est-ce que ça vous convient? Oui? Allez-y. Juste lui faire la place, ici, en avant auprès d'un micro, s'il vous plaît. Juste vous identifier pour l'enregistrement, s'il vous plaît, M. Vézina.
M. Vézina (Robert) : Oui. Bon, Robert Vézina, président-directeur général de l'Office québécois de la langue française. Alors, pour répondre à la question, Mme la Présidente, en effet, comme la ministre vient de l'indiquer, au cours des dernières années, l'Office s'est acquitté de son obligation de faire le suivi de la situation linguistique et d'en faire rapport au moins tous les cinq ans au ministre. Ça s'est fait la dernière fois par le dépôt d'à peu près 14 études, de 2011 à 2013. La dernière a été déposée l'été dernier en 2013. Pour chaque étude, des résumés et des faits saillants ont été produits.
Cela dit, il est vrai que, lors de cet ensemble de dépôts d'études sectorielles, il n'y a aucune, vraiment, synthèse globale qui a été produite. Il y en a une qui a été produite par le Conseil supérieur de la langue française dans son avis paru en mars 2013, qui s'intitule Redynamiser la politique linguistique du Québec. Il y a vraiment une sorte de synthèse et un effort de résumer tout l'ensemble des études qui étaient à la disposition du Conseil à cette époque, dont les études de l'Office. Lors du prochain programme… Pour le prochain programme de recherche qui va être établi dès cette année, il est maintenant prévu qu'une synthèse globale sera produite, qui reprendra l'ensemble des constats qui seront dégagés dans les études sectorielles. Parce qu'effectivement, moi le premier, je considère ça très utile, pas seulement pour les parlementaires, mais l'ensemble du public, utile d'avoir accès à une synthèse, là, qui permet à tout un chacun de se faire une idée assez rapide de la situation selon certains enjeux, là, qui interpellent tout le monde. Donc, effectivement, ce sera fait pour la prochaine fois.



vendredi 25 juillet 2014

La colonisation linguistique, conséquence du discours endogéniste


Dans Le Devoir d’aujourd’hui, encore un texte sur l’anglicisation du français au Québec – décidément c’est le sujet de l’été. Extrait :

Dans Portrait du colonisé, Albert Memmi soulignait que la domination avait comme effet que le colonisé (ou le dominé) intégrait les schèmes de pensée et le langage du colonisateur (ou du dominant), rendant ainsi le premier psychiquement lié au second. L’analyse de Memmi est transposable dans toutes les formes de rapports dominant/dominé.
David Sanschagrin, « Confessions d’un ‘grammar nazi’ », Le Devoir, 25 juillet, 2014.


Après quelques décennies d’un discours endogéniste faisant la promotion d’une langue québécoise à nus-autres, voilà où nous en sommes rendus : intégrer les schèmes de pensée du dominant. Pas plus avancés qu’au xixe siècle quand Jules-Paul Tardivel définissait ainsi l’anglicisme : « Une signification anglaise donnée à un mot français ». En d’autres termes, parler anglais avec des mots français. Nous continuons de faire du surplace avec l’encouragement de l’Office québécois de la langue français qui propose des pseudo-traductions comme comptoir de cuisine (kitchen counter, plan de travail), art de la rue (street art, art urbain), bris d'égalité (jeu décisif) dont le même Office nous dit qu’il « est un calque morphologique acceptable du terme anglais tie-break, qui s'intègre bien au système morphosémantique du français », etc.


Sur toute cette question, voir mes textes :
etc.


jeudi 24 juillet 2014

Les fautes de français existent-elles ?


L’éditorial d’Antoine Robitaille sur les nouveaux tabous linguistiques publié dans Le Devoir du 23 juillet 2014 m’a rappelé un incident qui a suivi la présentation d’une communication que j’ai faite en 2002 à un colloque co-organisé par l’Office québécois de la langue française (OQLF). À cette époque, j’étais encore chercheur au Conseil de la langue française. Lors de la période des questions, un participant, appuyé par un autre, m’avait reproché d’avoir utilisé l’expression « faute de français ». Pour la publication des actes du colloque, j’avais ajouté un passage qui répondait à cette objection. Le comité d’organisation du colloque, composé pour moitié de fonctionnaires de l’OQLF, a refusé de publier mon texte. Entre-temps, j’avais été muté à l’OQLF… : charmante façon de souhaiter la bienvenue à un collègue.


Voici donc un extrait de ce texte scandaleux. J’aurai l’occasion de revenir sur toute cette opération de censure.


Les fautes de français existent-elles?


Lors du 70e Congrès de l’ACFAS (mai 2002), un sociolinguiste a soutenu que les fautes de français n’existent pas. Son intervention a été applaudie par un professeur de l’Université Laval chargé de donner un cours de linguistique aux futurs enseignants. Appui isolé et visiblement non partagé par le reste de l’auditoire, faut-il le dire, mais position quand même inquiétante. Selon ce point de vue, il n’y aurait plus que des écarts. Certains iront même jusqu’à arguer qu’ils préfèrent le mot écart parce qu’il serait moins chargé de connotations morales[1] — ce qui revient à dire qu’au fond, les deux mots désignent la même chose. On peut discuter longtemps cette thèse comme on peut aussi la rejeter du revers de la main en faisant valoir que, faute ou écart, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Pourtant, au tennis, si quelqu'un lançait la balle avec la main, on n'aurait aucun scrupule à parler de faute. Et si quelqu'un proposait de parler d'écart plutôt que de faute en ce domaine, cela n'aurait aucun sens. Quelle logique conduit donc, en matière de langue, à imposer le recours à un langage politiquement correct?

            Bien sûr, on peut faire valoir, à la suite de Henri Frei[2], que la justification de la plupart des fautes se trouve dans le système linguistique lui-même, c’est-à-dire que les fautes sont la manifestation de tendances profondes à la régularisation du système et à la disparition des anomalies. Mais cette explication constitue aussi une réification de la langue, reproche que l’on a fait au structuralisme en général : la langue devient ainsi un objet coupé de la vie réelle et l’on fait abstraction du fait que les formes dites fautives sont en concurrence avec les formes dites correctes et que les unes comme les autres sont soumises à des jugements de valeur.

Il devrait donc être évident que le point de vue du sociolinguiste ne saurait ignorer les conditions d’utilisation de la langue parlée et écrite dans la vie réelle de la société. Or, les forces sociales font en sorte que ce que nous appelons la correction linguistique est valorisé. Depuis des années, les entreprises déplorent les « carences sérieuses de la compétence en langue première et en langue seconde de toutes les catégories de la main-d’œuvre québécoise[3] ». C’est faire preuve d’irresponsabilité que d’inculquer aux futurs enseignants la notion que les fautes de français n’existent pas. Et le sociolinguiste sérieux se doit de constater que, dans notre société, la maîtrise du «français correct[4] » est importante sur le marché du travail, qu’il s’agit là d’un élément déterminant – et discriminant – sur le « marché linguistique », pour reprendre la métaphore de Pierre Bourdieu. Dans la vie de tous les jours, les usages en concurrence sont jugés les uns par rapport aux autres : ils sont hiérarchisés — et le sociolinguiste se doit d’en tenir compte.

Les fautes de français existent-elles? C’est le titre d’un ouvrage de Danielle Leeman-Boux[5] dans lequel sont analysés non des fautes d’orthographe (lexicale ou grammaticale) mais des exemples comme l’emploi de on au lieu de nous, de la locution de suite au lieu de tout de suite ou de l’expression aller au coiffeur. La remarque suivante du préfacier, André Goosse, mérite d’être citée :

Des linguistes se sont récriés d’admiration devant l’ingéniosité dont la langue a fait preuve en se pourvoyant d’une nouvelle marque de l’interrogation, le ti : « J’irai-ti ? » Mais je n’en connais aucun qui l’ait adoptée pour son propre usage, pas plus qu’ils n’écriraient « vous disez », quoique cette forme manifeste la même analogie que « vous contredisez », ou encore « je m’ai trompé », quoique le choix de l’auxiliaire montre que le sujet parlant reconnaît la même transitivité que dans « je l’ai trompé », ou encore « la femme à Dupont », quoique la préposition à pour marquer la possession existe dans des emplois reçus et qu’elle ait un beau passé[6].

            Le préfacier ajoute plus loin :

[…] si ingénieux que soit le ti interrogatif, il n’a jamais franchi la barrière de l’écrit et, dans l’oral, où il semble d’ailleurs en net recul, il n’a jamais appartenu à un usage fort général, même quand et où il était vivant. Il me paraît indispensable d’enseigner à ceux qui s’en serviraient encore qu’il existe des procédés, sinon meilleurs, du moins plus adéquats à des situations de communication autres que la conversation familière[7].

S’il fallait vraiment distinguer faute et écart, on pourrait réserver le premier terme pour désigner les infractions aux règles communes — comme les fautes d’orthographe et la plupart des autres fautes analysées dans le présent rapport. On pourrait alors réserver l’emploi d’écart pour les irruptions d’un lecte (niveau de langue) dans un autre — par exemple, l’utilisation d’un terme familier dans un registre formel ou d’une construction populaire (ils jousent, j’ai tombé) dans un contexte où le locuteur ou le scripteur s’efforce d’utiliser la langue standard.

            Dans le corpus sur lequel est basée ma recherche, un exemple comme « mon magnétophone défuncta » peut être considéré soit comme une faute parce que cette forme verbale n’est pas reconnue dans la langue standard, soit comme une recherche d’effet stylistique. Et dans la mesure où l’auteur avait l’intention de jouer avec les mots, le recours à l’expression « tirer à boulet rompu » peut être considéré comme un écart plutôt que comme une faute. En effet, la légitimation d’un écart par volonté d’effet stylistique suppose et exige que le scripteur soit conscient de ce qu’il fait en choisissant un mot, une tournure, non conformes à la norme parce qu’il connaît l’usage qui conviendrait à la situation de communication dans laquelle il se trouve et que cet usage fait donc partie de sa compétence langagière. Un écrivain comme San Antonio a fréquemment eu recours à ce genre de procédé. Mais les écarts entendus dans ce sens sont très peu nombreux dans les textes que j’ai analysés.

Les fautes de français existent-elles? Refusant de sombrer dans une démagogie racoleuse, je soutiens pour ma part qu’elles existent et, ajouterai-je en m’inspirant du titre d’un ouvrage célèbre d’André Frossard, je les ai rencontrées. Le lecteur pourra lui aussi les rencontrer en lisant mon rapport complet en cliquant ici ou ici.





[1] C’est vite oublier que le mot écart signifie aussi l’«action de s’écarter d’une règle morale, des convenances sociales, etc.» (Petit Robert).
[2] Henri Frei, La grammaire des fautes, 1929 (Genève Slatkine Reprints, 1971).
[3] Centre de linguistique de l'entreprise, Pour cesser de se plaindre : franciser de l'intérieur, Mémoire soumis à la Commission des affaires sociales sur l'énoncé de politique sur le développe­ment de la main-d'œuvre Partenaires pour un Québec compétent et compétitif et le projet de loi 408 portant sur la Société québécoise de développement de la main-d'œuvre, Montréal, janvier 1992.
[4] Expression utilisée par le Conseil de la langue française dans son avis Maîtriser la langue pour assurer son avenir (1998).
[5] Danielle Leeman-Boux, Les fautes de français existent-elles? Paris, Seuil, 1994.
[6] André Goosse, Préface à Danielle Leeman-Boux, Les fautes de français existent-elles? Paris, Seuil, 1994, pp. 11-12.
[7] Ibid.

mercredi 23 juillet 2014

Les nouveaux tabous


« De nouveaux tabous sont en train de se constituer au Québec : il ne faudrait plus, sous peine de se faire traiter de crypto-raciste, déplorer la déferlante du franglais, des anglicismes ; ou encore exprimer des craintes par rapport à l’état de notre langue. Ces nouveaux et stigmatisants interdits doivent être rejetés. »

– Antoine Robitaille, « Nouveaux tabous », Le Devoir, 23 juillet 2014


Pour lire le texte complet, cliquer ici.


lundi 7 juillet 2014

Le GDT à l’heure du Mondial de foot / 2


Puisque nous sommes en pleine Coupe du monde et que l’Office québécois de la langue française (OQLF) a mis pendant plusieurs jours sur la page d’accueil de son site Internet une capsule linguistique sur le football (soccer), la curiosité m’a pris de vérifier quelques termes du football dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT). Ce sont des termes que j’ai entendus à la CBC et j’ai voulu voir quels équivalents français l’Office proposait. Surprise : l’Office lui-même ne propose guère que des fiches produites ailleurs que chez lui.


Premier exemple : corner. Lorsque l’on tape le mot, le GDT nous donne comme résultat une fiche de l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP) qui offre deux équivalents : coup de coin et corner. Pas de définition. Pas le terme coup de pied de coin pourtant entendu à plusieurs reprises sur Ici Radio-Canada télé ces derniers jours. Pourtant, coup de pied de coin est le terme normalisé en France (arrêté du 21 décembre 1990 repris dans le Journal officiel du 22 septembre 2000). La banque France Terme donne une définition du terme et précise : « Le terme ‘coup de pied de coin’ est notamment utilisé dans les règles de la Fédération française de football. »


Deuxième exemple : free kick. Le GDT offre deux fiches : coup de pied placé et coup franc sur une fiche de l’INSEP ; coup franc sur une fiche non signée datée de 1980. Pour kick (tout court), France Terme propose tir, en précisant comme domaine d’utilisation : sports collectifs, ballon. Le mot kick (tout court et dans le domaine du football) est absent du GDT.


Troisième exemple : stoppage time. Le GDT reprend la fiche de la Commission générale de terminologie et de néologie de France : arrêt de jeu (arrêté du 18 février 1988, repris au Journal officiel du 22 septembre 2000).


Quatrième exemple : penalty. En fait, pour ce terme, on ne sait pas où loge le GDT. Il reprend une fiche de l’INSEP où penalty apparaît comme synonyme de coup de pied de réparation. Cela est-il conforme à la politique de l’emprunt adoptée par l’Office ? J’en doute. Il y a aussi une fiche pénalité (domaine : sport) rédigée par l’Office mais on ne se prononce pas sur le statut du mot penalty en français.


Que conclure de ce survol superficiel ?


Puisqu’en juin 2014, l’Office mettait en vedette sur sa page d’accueil une capsule sur le soccer (football), je m’attendais à ce qu’il offre une présentation plus complète de la terminologie du football. On s’est visiblement limité à discuter de l’emploi de soccer par rapport à football sans traiter la terminologie de ce sport.


Comme je l’ai déjà écrit, le GDT n’est pas vraiment un dictionnaire mais plutôt une base de données. À côté des fiches produites à l’Office québécois de la langue française, il présente des fiches rédigées par d’autres organismes et des individus (dont on ignore le statut : terminologues, traducteurs, réviseurs ?). Et, manifestement, on met ces fiches en ligne sans faire les raccords avec la politique de l’emprunt linguistique adoptée officiellement par l’Office.