mercredi 16 février 2022

Les anglicismes à la mode /3

 

… l’Europe dans sa totalité était devenue une province lointaine, vieillissante, dépressive et légèrement ridicule des États-Unis d’Amérique.

Michel Houellebecq, Anéantir, p. 603

 

Sur le site de France Info, on peut lire : « L'Académie française a adopté mardi 15 février un rapport dénonçant la confusion due à l'abondance d'anglicismes dans la communication institutionnelle, et le risque "d'une perte de repères linguistiques". »

Apparemment il y aurait une rumeur voulant que « le » secrétaire perpétuel de l’Académie songerait à proposer un fauteuil à Michel Houellebecq. Je serais étonné qu’il cédât à l’appel de cette sirène. S’il en était autrement, son dernier ouvrage le pourrait mettre en porte-à-faux avec le combat que l’Académie mène actuellement contre les anglicismes.

Regardons d’un peu plus près les anglicismes que Houellebecq utilise dans son dernier roman. Il y a d’abord des anglicismes connus depuis longtemps au Québec et qui se popularisent en France :

pour le fun (p. 279, p. 470), dispatcher (p. 282, sans ital.), le job (p. 404)

Il y a aussi des anglicismes qui résultent d’un effet de mode et sont probablement peu utilisés ailleurs que dans les cercles du pouvoir (sauf pour self) :

insight (p. 52, ital.), (un patient tout à fait) compliant (p. 76, ital.), (cabinet de) consulting (p. 122, p, 282, sans ital.), (un important) news magazine (p. 183, sans ital.), fake news (p. 188, ital.), gap (p. 189, ital.), (elle n’aurait pas accès au) self (p. 198, sans ital.), (la piscine d’un) resort (p. 221, sans ital.), (une sorte de) coach (p. 282, sans ital.)

À cette catégorie on peut aussi ajouter (certains sont courants et même devenus standard) :

sexy, gentrification, fan, meeting, tee-shirts, bagels, lobbies, glamour, bluffé, trip, jean, sweat-shirt, débriefer (sans ital.), jogging, string, loft, hooligan, beefsteak, VIP (reste à savoir comment ça se prononce…), finish, New Age, hard-rock (p. 450, sans ital.), shopping, minishorts, travelling, show, ubérisation, squatter, cool, tennis (chaussures), best-seller, clipser (il clipsa) (p. 663), mail, timing

Il y a tout un lot d’anglicismes qui me paraissent relever principalement du snobisme ou sont un effet de la mondialisation (comme wrap):

low cost, success story, (des paninis et des) wraps, (un élément nécessaire de la) story, (l’incroyable audience de son) talk, (un porno) soft, (les intellos) mainstream (p. 290, ital.), mug (de café) (p. 290, sans ital.), (vêtue d’un) body (p. 301, sans ital.), deep ecology (p. 376, ital.), (c’était vraiment) game over (p. 387, ital.), body (ce body lingerie) (p. 391), hardcore (p. 394, ital.), lol (p. 395, ital.), close combat (p. 396, sans ital.), (se connecta à un site d’) escorts (p. 398, sans ital.), social time (social time génial) (p. 405, sans ital.), look (sans ital.), funky (sans ital.), (recycler du) vintage (p. 409, sans ital.), punchy (p. 423, sans ital.), (ils sont) clean (p. 454, sans accord, sans ital.), flyers (p. 471, sans ital.), (une attitude assez) business (p. 514, ital.), (le disque dur de sa) box (p. 531, sans ital.), (on est dans le) mood (p. 554, sans ital.), (une) start-up (p. 575, sans ital.), pack (des packs de Bavaria), spin doctor (p. 584, ital.), caddies, escalator, (un petit espace) cosy (p. 657, sans ital.), mix (un bon mix) (p. 695, ital.)

 

Il y a d’autres anglicismes, dont plusieurs présents au Québec, qui parfois se traduisent difficilement quand ils désignent des phénomènes sociaux :

Black blocs (p. 72, ital.), boomers (ital.), baby-boomers (ital.), baby-boom (ital.), burger (sans ital.), hacker (sans ital.), nerds (p. 159, ital.), death metal (p. 383, sans ital.), hacking (p. 471, sans ital.), PET-scan (« en français on désignait ça sous le nom de ‘tomographie par émission de positons’ », p. 621)

Il me semble important d’ajouter que je ne reproche pas à Houellebecq son utilisation des anglicismes parce que, dans son roman, elle me semble justifiée. Houellebecq décrit le milieu des hauts fonctionnaires, des énarques, et son roman est le reflet de leurs tics langagiers, je dirais même de leurs tics sociaux, de leurs stratégies de distinction sociale pour faire un clin d’œil à Pierre Bourdieu. On pourrait peut-être soutenir qu’il fait une satire de leur langue.

Je note aussi que la féminisation a fait des progrès. Houellebecq écrit sans hésitation, et même à quelques reprises, la médecin-chef (et non cheffe, tout de même). On trouve aussi « une auteure australienne » (p. 656) (et non autrice).

Je signale en terminant deux fautes de français : « promenades en vélo » (p. 619) (à vélo). Et plusieurs fois, il fait suivre sans que de ne : « sans qu’elles ne puissent se traduire par… » (p. 144) (sans qu’elles puissent se traduire).

 

mardi 8 février 2022

Le français et les JO de Pékin

Ce matin, deux textes dans Le Devoir sur le vocabulaire anglicisé de certaines disciplines des Jeux olympiques de Pékin : clic et clic. En passant, je ne suis pas la mode et je continue d’écrire le nom de la ville selon la tradition française plutôt que Beijing. S’il fallait aller au bout de la logique, écrira-t-on beijingois pour désigner une race de chiens ? Imitera-t-on l’inconséquence de l’anglais qui dit Mumbay pour l’ancienne ville de Bombay mais qui continue d’utiliser Bollywood pour désigner le cinéma indien ?

 

Il est symptomatique de ce qu’est devenu l’Office québécois de la langue française que l’un des auteurs de ces textes n’en mentionne même pas le nom tandis que l’autre y fait à peine allusion. De sorte que mon texte « La terminologie française aux JO de PyeongChang » conserve toute son actualité. Tout comme celui sur les JO d’été de Tokyo (« JO de Tokyo : le GDT hors jeu »).

 

mercredi 2 février 2022

Le PLQ inclusiviste

Le tweet publié le 10 janvier dernier par la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, m’a fait sursauter :

 


 

 

Si jamais elle devient première ministre, ce qu’à Dieu ne plaise, espérons qu’elle n’imposera pas ses idiosyncrasies orthographiques dans la communication publique.

 

On peut lire aussi mon billet « 32 linguistes contre l’écriture inclusive ». Pour des exemples délirants d’écriture inclusive, cliquer ici.