Il y a quelques jours, Le Soleil a publié deux articles* sur le skateboard aux Jeux olympiques de Tokyo. Extrait :
Pour décrire les épreuves de street et de park, on aurait pu facilement écrire «parcours de rue» ou «le parc».
Louise Hénault-Éthier, analyste des épreuves de skateboard, essaie tant bien que mal de franciser la discipline, la tâche se veut ardue.
«Sérieusement, quand on m’a invitée à animer le sport, c’est ce qui m’angoissait! Je me disais que ça allait être difficile pour Radio-Canada de mettre le sport en français», indique celle qui est aussi chercheuse à l'Institut national de recherche scientifique (INRS).
La skateuse-chercheuse explique en long et en large les difficultés qu’elle rencontre pour donner des équivalents français aux mots anglais courants dans cette discipline sportive mais pas une fois elle ne mentionne le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Curieux, tout de même. Le GDT serait-il aux abonnés absents ? Il a pourtant publié une liste de propositions terminologiques sur le skate, pardon, la planche à roulettes. Comment peut-on l’ignorer ?
L’explication est peut-être simple. Qu’on consulte la page « Tokyo 2020 » que l’Office a mise en ligne pour les JO. On y trouve le vocabulaire français de quatre disciplines (surf, planche à roulettes, vélocross et escalade). Le vocabulaire français, oui, mais pas le vocabulaire anglais. Pour trouver les termes anglais, il faut cliquer sur chaque terme français. Voilà comment l’Office entend apporter sa contribution à la francisation de la langue des sports ! Mais ce n’est pas tout.
Voici un tableau présentant les disciplines sportives des JO traitées par le GDT :
Escalade |
Planche à roulette |
Surf |
Vélocross |
Voici maintenant la liste des disciplines telle qu’on la trouve sur le site officiel des JO de Tokyo :
Il y a donc 46 sports. Le GDT n’offre le vocabulaire que de quatre. Mais… la liste du GDT comprend deux sports qu’on ne trouve pas dans celle du Comité olympique : la planche à roulette et le vélocross. Après vérification, on apprend que ces deux disciplines correspondent au skateboard et au BMX dans la liste du Comité olympique. Hier soir, dans la description d’une épreuve de skateboard j’ai bien entendu les mots planche à roulettes et planchiste mais aussi plusieurs mots anglais que je n’ai pas notés. Je ne me rappelle qu’un : run. Je n’ai pas trouvé son équivalent français dans le GDT.
Tout cela est plus que curieux quand on sait que l’Office a publié toute une série de lexiques à l’occasion des Jeux de Montréal en 1976. Pas moyen d’en trouver trace sur le site de l’Office. J’ai cherché la liste de ces lexiques sur le site de Cubiq (Catalogue unifié des bibliothèques gouvernementales du Québec) mais il était en dérangement. Je me suis finalement rappelé que Gaston Cholette avait publié une histoire de l’Office de la langue française (L’Office de la langue française de 1961 à 1974, IQRC et OLF, 1993). L’Office a bel et bien publié 21 lexiques quadrilingues (français, anglais, allemand, espagnol) pour les JO de Montréal (la présence de l’allemand s’explique parce que les terminologues ont travaillé à partir des listes de termes du Bureau fédéral des langues en Allemagne dressées pour les JO de Munich en 1972). Pourquoi les lexiques ne sont-ils plus accessibles ? Mystère et boule de gomme. On espère que toute cette terminologie a été intégrée au GDT.
Tout ce qu’on trouve dans la bibliothèque virtuelle de l’OQLF, c’est cette liste (le vocabulaire Jeux olympiques, la course à l’exploit concerne les Jeux d’hiver) :
Pour la petite histoire
Quelques semaines avant le début des JO de Montréal, on a demandé à une collègue de l’Office qui avait déjà derrière elle une longue carrière de secrétaire dans une ambassade latino-américaine (il s’agit de Marguerite Montreuil, sœur de l’écrivaine Claire Martin, née Montreuil) de vérifier le travail fait par les collaborateurs en Espagne. Catastrophe ! Les Espagnols s’étaient moqués de l’Office. Je me rappelle qu’à un endroit ils avaient mis comme équivalent espagnol le mot cagar (que je ne traduirai pas ; sachez que ce mot, comme son équivalent français, vient du latin cacare). On a rassemblé en urgence une équipe d’hispanophones pour réparer les dégâts.
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* Judith Desmeules, « Le skateboard aux JO : en français s’il vous plaît! », et « Le skateboard aux JO vu par la scientifique-skateuse Louise Hénault-Éthier », Le Soleil, 2 août 2021.
Malgré cela, le GDT est considéré comme un parangon de la langue française...
RépondreSupprimerhttps://www.wakatsera.com/lavenir-de-la-langue-francaise-se-fera-avec-les-langues-africaines-ou-ne-se-fera-pas/ La langue française a-t-elle besoin de telles officialisations ?