lundi 30 janvier 2012

L’esquimau escamoté


En français, le mot esquimau n’est pas que l’appellation vieillie d’un peuple habitant les régions polaires. Outre une glace enrobée de chocolat, il désigne aussi un vêtement :


Trésor de la langue française informatisé
« Vêtement chaud pour enfant composé d'une pièce ou d'un ensemble pantalon, chandail, bonnet rappelant dans une certaine mesure le costume des Esquimaux »
Dictionnaire de l’Académie, 9e édition
« Vêtement d'enfant d'un seul tenant comportant un bonnet, une veste et un pantalon. »
Petit Robert
« Vêtement d’enfant en tricot de laine composé d’une veste et d’une culotte formant guêtres »
Céline Dupré, Vocabulaire de l’habillement, Office de la langue française (1re édition, 1974; dernière édition, 1994)
« Tout ensemble d'hiver pour jeunes enfants, composé d'une veste avec glissière sur le devant et capuchon tenant ou amovible le plus souvent bordé de fourrure acrylique, et d'un pantalon-fuseau avec ou sans pieds. L'esquimau peut également affecter la forme d'une combinaison. À éviter : suit, snowsuit, habit de neige. »


Le Visuel définit les esquimaux comme des « vêtements portés par les enfants entre environ 3 et 12 ans[1] » et en offre l’illustration suivante :

Source :
http://www.ikonet.com/fr/ledictionnairevisuel/vetements/vetements-enfant.php


Le mot esquimau, au sens de vêtement d’enfant, proposé par l’Office depuis 1974 comme équivalent de snow suit, n’apparaît pas dans le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française sans qu’on sache pourquoi. Pourrait-il s’agir d’une réticence à utiliser le nom d’un peuple pour désigner un objet ? Cela paraît peu vraisemblable puisque le GDT a, entre autres, des fiches canadienne et charentaise. Peut-être juge-t-on que le mot est en voie de sortir de l’usage ? Mais il faudrait alors donner une explication puisqu’il est enregistré dans plusieurs ouvrages de référence et qu’il est utilisé dans des textes réglementaires du Bureau de la concurrence et du gouvernement du Manitoba (voir illustrations).


Bureau de la concurrence (http://www.bureaudelaconcurrence.gc.ca/eic/site/cb-bc.nsf/fra/01550.html)


LOI DE LA TAXE SUR LES VENTES AU DÉTAIL, BULLETIN NO 001
Publié en avril 1998
Révisé en février 2007 (http://www.gov.mb.ca/finance/taxation/bulletins/001.fr.pdf)



Le GDT a deux fiches habit de neige avec les définitions suivantes :


Fiche 1
« Vêtement d'extérieur couvrant presque entièrement le corps, généralement imperméable, destiné à protéger contre le froid et les intempéries, que l'on porte l'hiver pour faire des activités de plein air. »
Fiche 2
« Combinaison d'extérieur très chaude, à capuchon, avec ou sans chaussons, imperméable, munie d'une glissière sur le devant pour faciliter l'habillage, portée par les bébés en hiver. »



Pour l’instant, laissons de côté la première fiche et regardons de plus près la définition de la seconde fiche : combinaison… portée par les bébés. La définition est restrictive : les sources déjà citées disent plus généralement que l’esquimau est un vêtement d’enfant. La fiche donne comme synonymes : habit de neige pour bébé (terme beaucoup trop restreint par rapport à l’équivalent anglais snow suit), combinaison pilote, pilote.


La fiche ajoute costume de neige comme terme familier « non retenu ». Mais la première fiche précise : « Le terme familier costume de neige provient sans doute de l'anglais snowsuit. » Les deux fiches donnent habit de neige comme équivalent principal de snow suit mais il ne semble pas être venu à l’esprit du rédacteur que habit de neige, tout autant sinon plus que costume de neige, pouvait être un calque de l’anglais. D’ailleurs, le Vocabulaire de l’habillement du même Office ne rangeait-il pas habit de neige parmi les termes à éviter ? Et le GDT lui-même n’a-t-il pas trois fiches qui mentionnent qu’un terme très voisin, habit de pluie, est à éviter ?


Les deux fiches n’ont aucune définition anglaise. Ce qui est sans doute une des causes de leur flou. Pour ne pas allonger indûment mon billet, je ne citerai pas de définition anglaise mais me contenterai de faire remarquer qu’il y a au moins trois concepts à traduire : 1) (infant) snow suit ; 2) (adult) snow suit ; 3) ski-doo one-piece suit.


Revenons à la première fiche. Elle donne comme synonyme : « combinaison d'hiver n. f. [rare] ». Rare, vraiment ? Google indique que le terme est présent dans 1 700 000 pages.


Google, 30 janvier 2012


La même fiche indique comme « terme(s) non retenu(s) » : « costume de neige n. m. [familier] ». On peut se demander ce que les usages familiers viennent faire dans un dictionnaire terminologique.


Regardons maintenant de plus près la note de la première fiche.


« Le terme habit de neige […] évoque surtout un vêtement » : dans la langue poétique du GDT, les termes ne désignent plus, ils évoquent.


« Dans le terme habit de neige, habit a le sens de ‘ vêtement de dessus propre à une activité ’, comme dans habit de chasse. » Depuis quand la neige est-elle une activité ? On pourra faire valoir que l’on dit bien manteau de pluie, chapeau de pluie. Mais, dans ce cas, le manteau et le chapeau protègent de la pluie alors que l’habit de neige ne protège pas de la neige mais du froid. Petite nuance sémantique. Mais nous n’en sommes plus à une extension de sens près, n’est-ce pas ?


« Les termes suit de skidoo et suit d'hiver, formées d'après l'anglais… ». Les termes formées !!! (Il est vrai que suit est souvent féminin dans la « [langue courante] ». L’attraction, courante pour le pronom relatif en grec ancien, n’est pas un phénomène accepté dans la grammaire française – sauf peut-être en « français avancé[2] »). Le lecteur sera peut-être intéressé de savoir que cette faute d’accord existait déjà dans la fiche en 2003. La fiche a été refaite en 2011 mais la faute est restée.


« Les termes suit de skidoo et suit d'hiver, formées [sic !] d'après l'anglais, ne comblent aucune lacune lexicale en français ». Ils en combleraient encore moins si le GDT ne passait pas sous silence le terme habit de motoneige qui talonne de près habit de ski-doo dans la « [langue courante] » :



N
%
Habit de motoneige
353 000
46,4
Habit de ski-doo
408 000
53,6
Google,
résultats du 30 janvier 2012





« Les termes suit de skidoo et suit d'hiver […] sont par ailleurs difficilement intégrables au système linguistique de cette langue [= du français]. » Évitons les a priori normatifs et étudions objectivement la question. Du point de vue phonétique, l’intégration est faite chez plusieurs qui prononcent un /u/ bref, le même que dans soute (en québécois /sUt/). Du point de vue morphologique, il y a hésitation dans le genre : un suit ou une suit, hésitation qui correspond à une différence de prononciation du mot suit ([su :t] / [sUt]). Mais cette variation ne devrait pas être un argument rédhibitoire pour les tenants du québécois standard, langue où un escalier alterne avec une escalier, un habit neuf avec une habit neuve et un autobus avec une autobus. Les termes suit de skidoo et suit d'hiver sont en fait plutôt bien intégrés dans la « [langue courante] ».


1] « Entre trois et douze ans » = between 3 and 12 = de trois à douze ans. Exemple à ajouter à mes billets sur « Le québécois standard, langue calque ».
[2] Sur ce concept, je renvoie à l’ouvrage de Georg Steinmeyer, Historische Aspekte des 'francais avancé', Genève, 1979. En résumé, la faute d’aujourd’hui est l’indice d’une évolution générale future.

lundi 23 janvier 2012

Pensées pour 2012



La logique du révolté est […] de s'efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel.
Albert Camus, L’homme révolté


Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde.
Albert Camus, Poésie 44


Si les désignations ne sont pas correctes, les paroles ne peuvent être conformes, si les paroles ne sont pas conformes, les affaires de l’État n’ont aucun succès.
Confucius

*   *   *

À ceux qui préféreraient rester dans le brouillard je suggère d'écouter la pièce de Leoš Janáček, « V Mlhách » :

lundi 16 janvier 2012

L’Office québécois de la langue française et la nouvelle orthographe



De même, l’Office québécois de la langue française (OQLF) a publié en 2004 un communiqué pour redire qu’il est en faveur de ces rectifications et pour préciser qu’il privilégie les nouvelles graphies attestées dans les dictionnaires usuels.
Groupe québécois pour la modernisation de la norme du français (GQMNF)
http://www.gqmnf.org/AutresPoints_ExemplesLettres2.html


Les dernières modifications apportées à l’orthographe du français ont été adoptées en 1990.


On peut lire dans le site Internet de l’Office québécois de la langue française que « dans Le grand dictionnaire terminologique (GDT), l’Office applique déjà les graphies nouvelles dans le cas des néologismes et des emprunts, et il consigne des formes rectifiées comme variantes graphiques possibles » (http://66.46.185.79/bdl/ gabarit_bdl.asp?Th=2&t1=&id =3275#RPositionOffice).


Du site du GQMNF, on comprend aussi que, dans les cas autres que les néologismes et les emprunts, l’Office consigne les formes rectifiées comme variantes dès lors qu’elles sont attestées dans les dictionnaires usuels.


Il se trouve que, dans mon dernier billet, je traitais du terme chariot (d’épicerie). Chariot fait partie des mots qui ont fait l’objet d’une rectification orthographique. De la famille de char (charrette, charretier, charroi, etc.) il était le seul à ne pas redoubler son r. Cette anomalie a été rectifiée en 1990 et la nouvelle orthographe figure, à côté de l’ancienne, dans le Petit Larousse, le Petit Robert, le Multidictionnaire, entre autres. Et dans la liste des mots rectifiés de la Banque de dépannage linguistique de l’OQLF.


Mais pas dans le Grand Dictionnaire terminologique. Pour aucun terme composé du mot chariot. Ni dans Les chariots de manutention à votre service, publié par l’OQLF en 2005. Ni dans le Lexique panlatin des chariots de manutention, publié par le même Office en 2007.



Curieux, curieux.



mercredi 11 janvier 2012

L’orientation de l’usage et la désorientation des usagers : nouvelle illustration


Comment cet objet s’appelle-t-il en français ?



Un panier, à en croire le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française. Un panier qui est synonyme de chariot.

(Cliquer sur l’image pour l’agrandir)


Mais non ! C’est un chariot, non un panier, selon le lexique Les chariots de manutention à votre service, accessible en ligne tout comme le GDT. L’auteur du lexique prend la peine d'ajouter en note : « le terme panier d’épicerie, qui est parfois utilisé pour désigner le chariot d’épicerie, correspond plutôt à un type de panier qui sert à l’achat de marchandises en petite quantité. » Panier d’épicerie est « parfois » utilisé comme synonyme de chariot d’épicerie selon ce lexique. Mais le GDT affirme le contraire : chariot, « de même que chariot d'épicerie, est parfois utilisé au Québec, mais c'est le terme panier d'épicerie (ou sa forme abrégée panier) qui y est la plus usuelle ». (Le terme… la plus usuelle…)


Source : http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/dictionnaires/
terminologie_manutention/chariot_epicerie.html



Le Lexique panlatin des chariots de manutention, publié lui aussi par l’OQLF et lui aussi accessible en ligne, va dans le même sens que le lexique Les chariots de manutention :

chariot d’épicerie (n. m.);
chariot à provisions (n. m.);
chariot de supermarché (n. m.)
ca : carretó de supermercat (m.)
es : carro de compra (n. m.);
carrito de la compra (n. m.) [ES];
carro de compras (n. m.) [MX]
gl : carro de compra do supermercado (s. m.);
carro da compra (s. m.)
it : carrello da supermercato (s. m.)
ro : cărucior pentru supermarket (s. n.)
en : shopping cart;
shopping basket;
shopping trolley;
supermarket trolley;
caddie cart;
cart


Quel est donc le terme préconisé par l’Office québécois de la langue française ?


Pour conclure, j’ajoute simplement que la SRC semble avoir opté pour chariot d’épicerie :

lundi 9 janvier 2012

Un ancien tabou linguistique



Il était une fois une collègue qui me contait qu’il y a une cinquantaine ou une soixantaine d’années la publicité, dans la ville de Québec, n’osait pas utiliser le mot fourreur et l’avait remplacé par fourrurier.


Ces jours derniers, j’ai eu à consulter plusieurs documents du XIXsiècle, les recensements, l’almanach Cherrier (Almanach des adresses Cherrier de la Ville de Québec…) et les annuaires Marcotte. J’ai souvent rencontré le nom d’Amable Proulx, décrit dans les premiers annuaires Marcotte comme « furrier » (édition de 1866-1867 : « Proulx, Amable, furrier, 5 Couillard st. U.T. [=Upper Town] »)[1]. En anglais. On a oublié jusqu’à quel point Québec était, au XIXe siècle, une ville anglaise. On parle sans arrêt de l’anglicisation de Montréal mais on oublie toujours de mentionner la francisation de Québec. Du point de vue sociolinguistique, il y a sûrement des leçons à tirer d’une comparaison des deux situations.


Jusqu’à l’édition de 1886-1887 les annuaires Marcotte donnaient le nom anglais des professions. Le bilinguisme apparaît alors et notre Amable Proulx, déménagé rue Saint-Oliver, se voit appeler « fourreur furrier ». Mais pas pour longtemps. Dès l’édition de 1889-1890, il est décrit comme « chapelier et manchonnier, hatter and furrier ». Manchonnier ?



Le Trésor de la langue française (informatisé) ne connaît pas le nom manchonnier mais seulement le verbe manchonner (dans le domaine technique et en chirurgie).


Le mot manchonnier est inconnu du Trésor de la langue française au Québec. Ce qui m’étonne un peu car j’avais toujours cru que le TLFQ avait pour mission de faire l’inventaire de nos vieux mots. D’ailleurs, le TLFQ ne relève le mot fourreur qu’à partir de 1963, dans un texte d’Anne Hébert (où il n’a évidemment pas le sens de la langue populaire).


On trouve le mot manchonnier dans le site Les vieux métiers (www.vieuxmetiers.org) mais il désignait anciennement un type d’ouvrier dans une verrerie.


On le trouve aussi dans le Glossaire franco-canadien (1880) d’Oscar Dunn (« Ouvrier qui, dans les verreries, travaille aux manchons. Pas français dans le sens de Fourreur, marchand de fourrures ») et dans le Dictionnaire canadien-français (1894) de Sylva Clapin (« Ouvrier-fourreur, marchand de fourrures »)[2]. On voit que les lexicographes amateurs de l’époque avaient beaucoup de flair pour repérer les néologismes.



[1] Un fourreur dans la rue Couillard…
[2] D’après le site Dictionnaires du français du Canada Québec Acadie (www.dicocf.ca).

jeudi 5 janvier 2012

Downton Abbey


La télévision publique américaine (PBS) a commencé la diffusion de la série britannique Downton Abbey. Au cœur de l’intrigue : le château de Downton Abbey qui ne peut être transmis que par « entail », type de transmission de biens fonciers et immobiliers qui a eu cours en Angleterre de 1285 à 1925. La version française de la première saison de la série, diffusée en France en décembre 2011 sur TMC, se contente de traduire simplement le mot par « héritage ».


Dans la série, les trois filles du comte Grantham ne peuvent hériter de la propriété de leur père parce qu’elle est soumise au régime de l’entail. Celle-ci devrait alors passer à l’un des deux neveux du comte mais ils sont tous les deux morts dans le naufrage du Titanic. L’héritage revient donc à un cousin au troisième degré qui pourrait éventuellement faire expulser la famille du comte à la mort de ce dernier. Le scénario est essentiellement celui du roman Pride and Prejudice[1] de Jane Austen.



Dans le droit français, l’équivalent de l’entail est la substitution héréditaire, en principe abolie par Napoléon mais maintenue partiellement pour la noblesse d’Empire sous la forme du majorat.


Il est intéressant de voir comment un dictionnaire spécialisé comme le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, avec ses dérives vers la « langue courante » de ces dernières années, traite un mot aussi spécialisé que entail. En d’autres termes, cela permet de voir dans quelle mesure le GDT répond à sa mission (ou, du moins, à ce que son appellation laisse attendre).


À vrai dire, je n’aurais pas été surpris de ne rien trouver dans le GDT. Et, de fait, le mot entail lui-même n’y est pas. Mais il y a deux fiches entailed estate et une pour le synonyme inalienable property. Les traductions françaises proposées sont : majorat, biens substitués, biens indisponibles. La première correspond d’assez près à la notion d’entail (« Majorat : Bien inaliénable et indivisible qui a subsisté en France jusqu'en 1849 et consistait en propriétés immobilières, attaché à un titre de noblesse, transmis au fils aîné d'une famille » selon le Trésor de la langue française informatisé). Mais pas complètement puisque, dans l’entail (dans la version masculine de l’entail, car il y a aussi une version féminine), l’héritage, en l’absence d’un héritier mâle direct, passe à un héritier collatéral. Il s’agit donc d’une substitution héréditaire.


Les trois fiches du GDT datent de 1978 et aucune ne comporte de définition, française ou anglaise. Grave lacune pour une notion juridique aussi complexe. D’autant plus que la substitution héréditaire demeure licite au Canada (selon Wikipédia, s.v. substitution héréditaire, mais l’article ne précise pas s’il s’agit d’une notion de droit civil ou de common law).


À titre de comparaison, la base de données Termium du Bureau de la traduction à Ottawa donne comme traduction du nom entail : « taille » et « héritiers du fief taillé » (où fief taillé dérive du latin feodum talliatum tout comme l’anglais fee tail, synonyme d’entail). Ce sont les termes retenus par le comité de normalisation établi dans le cadre du Programme national de l'administration de la justice dans les deux langues officielles. Termium donne des définitions anglaises mais pas de définition française.


Comme on le voit, ni le GDT ni Termium ne donnent l’équivalent substitution héréditaire qui semble le plus approprié dans le cadre de la série Downton Abbey.


La conclusion que je tire de cette courte analyse est que Wikipédia s’impose de plus en plus comme un outil utile, dans certains cas indispensable, même s’il faut toujours demeurer vigilant puisque les articles, malheureusement non signés, peuvent aussi bien être rédigés par des spécialistes que par des amateurs plus ou moins éclairés. Mais l’avantage de cette encyclopédie, c’est que, dans le cas des termes contestés, il est toujours possible de consulter la discussion à laquelle ils ont donné lieu, de suivre les modifications qui ont été apportées à la rédaction au fil du temps et donc de se faire sa propre idée. C’est aussi ce que permet de faire Termium parce que cette base de données donne des définitions anglaises et françaises et cite aussi ses sources. En comparaison, le GDT ne donne pas toujours de définitions françaises (ainsi, aucune définition française pour les équivalents d’entailed estate), rarement des définitions anglaises, fait plus rarement encore mention de ses sources et, pour le même terme anglais, il lui arrive d’offrir plusieurs fiches avec chacune des traductions différentes du même terme : seul le spécialiste réussit alors à s’y retrouver.




[1] Résumé dans Wikipédia : « les cinq filles de Mr. Bennet n'ont en effet aucun droit à hériter de la propriété de leur père, car celle-ci lui a été transmise sous le régime de l'entail. La propriété reviendra donc après sa mort à un lointain cousin, qui aura dès lors le droit d'expulser la veuve et les cinq filles. »

mardi 3 janvier 2012

La charrue devant la congère

Source : La Tribune, 10 janvier 2009


Q. Quel est le terme français désignant une gratte ou une charrue ?
R. Une déneigeuse (Le chasse-neige et la souffleuse sont des types de déneigeuses)

Bazzo.tv, quiz du 5 février 2009


En lisant Bury Your Dead de Louise Penny, dont l’action se situe à Québec, je tombe sur ce passage :


He dipped an orange biscotti into his café au lait and looking through the frosty window he could see the snow, falling gently but steadily. Benny William had been by once with the plow, but the snow had already filled in behind him. (p. 90)


Et je me rends compte que, dans mon billet « Mettre la charrue devant les bœufs ou la congère ? » (Banderilles / 15), j’ai oublié de mentionner que le sens de « déneigeuse » donné au terme charrue (à neige) venait selon toute vraisemblance de l’anglais snowplow (snowplough). Origine que le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue français se garde bien évidemment d’évoquer. Origine manifeste dans les données que l’on peut trouver dans le Trésor de la langue française au Québec puisque le sens de dispositif de déneigement est attesté assez tardivement.


Selon le TLFQ, la première mention de charrue pour désigner un dispositif permettant de déneiger les voies ferrées date de 1880 (« charrue du CNR »). Pour désigner le dispositif servant à déneiger les chemins, le terme charrue à neige apparaît pour la première fois dans la documentation en 1912 :


Les charrues à neige sont faciles à faire. Il y en a de bien des genres. Une planche traînée sur le cant, à angle droit au chemin; deux planches clouées ensemble sur le cant, en forme d'A, etc., font des charrues peu dispendieuses, qui font à peu près l'office du traînoir. Elles remplissent les ornières; abattent la neige qu'il peut y avoir entre les traces des voitures et celles des chevaux; remplissent les pentes, etc. Tout le monde sait comment arranger un chemin d'hiver; ce qu'il faut c'est de convaincre les gens de l'importance de tenir les chemins en bon ordre. Il ne suffit pas qu'une voie soit passable et qu'à la rigueur les voitures puissent circuler, mais qu'elle soit belle.
Raoul RINFRET, Les bons chemins à la campagne, Montréal, Librairie Beauchemin Limitée, 1912


Je ne peux que reprendre la conclusion de mon billet « Mettre la charrue devant les bœufs ou la congère ? » : les terminocrates du GDT ne font en fait que consacrer et légitimer la diglossie québécoise.