jeudi 26 avril 2012

Deux poids, deux mesures : le traitement des marques dans le GDT



Dans le billet précédent, je traitais de la fiche bande du Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française. Je notais la différence de traitement des emprunts, selon qu’il s’agit d’emprunts à l’anglais propres au français du Québec ou d’emprunts entrés dans le français général.


La même fiche me servira à illustrer l’absence d’harmonisation entre les fiches du GDT dans le traitement des marques de genre et dans l’utilisation de la marque « [langue courante] » (dont j’ai déjà, à maintes reprises, contesté l’utilité dans un dictionnaire terminologique).


Dans la fiche bande, les « termes à éviter » gagne et gang ne sont pas accompagnés de la marque de genre contrairement aux six synonymes du mot canneberge (voir illustration).


Le GDT étant prodigue de la marque « [langue courante] », il est difficile de comprendre pourquoi on ne l’a pas accolée à l’emprunt québécisé gagne. Cette omission n’est peut-être pas aussi innocente qu’il y paraît car elle permet d’éviter de poser la question de savoir si l’on doit officialiser le genre féminin des mots anglais terminés par une consonne en français québécois.


Enfin, il manque une marque de taille : [Québec]. Car le sens très général donné au mot gang (bande, pas nécessairement de malfaiteurs) est propre au français du Québec. Si l’on suit la logique présente ailleurs dans le GDT, on aurait donc dû trouver sur la fiche : terme à éviter gang, n.m. ou n.f. [Québec].




dimanche 22 avril 2012

Deux poids, deux mesures : le traitement des emprunts à l’anglais dans le GDT



Le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française définit une bande comme des « personnes, jeunes ou adultes, qui se rassemblent et forment un groupe, une troupe, une équipe dans le but de se rencontrer, se divertir, travailler à un projet commun, sinon pour commettre des méfaits » (fiche de 2012). Il rejette l’emploi du mot gang en ce sens : « Le terme anglais gang et sa forme partiellement francisée gagne*, courants en français du Québec, sont à déconseiller pour favoriser l'emploi du terme français bande qui est déjà en usage. »


Or, il se trouve que, selon le Trésor de la langue française de Nancy, le mot gang est attesté en français depuis 1831.


Or, il se trouve aussi que l’Office québécois de la langue française n’hésite pas à accepter des emprunts à l’anglais beaucoup plus récents quand il s’agit d’anglicismes propres au français du Québec, ainsi d’aréna, qualifié d’« emprunt ancien à l’anglais » (fiche de 2011) alors que, selon le Dictionnaire historique du français québécois, sa plus ancienne attestation date de 1898, donc 67 ans plus tard que le mot gang en français « international ».


Il en va de même de l’expression être à l’emploi de, considérée comme un anglicisme par le Bureau de la traduction à Ottawa, acceptée par l’Office au motif qu’elle est « d'un usage ancien et généralisé au Québec ». Pourtant sa plus ancienne attestation dans le Trésor de la langue française au Québec est datée de 1900.


Selon qu’il s’agit d’un emprunt ultramarin ou cismarin, le traitement que lui réservera le GDT sera différent. Sus aux anglicismes acceptés depuis deux siècles en français général ! Et tolérance des anglicismes témoins de notre passé de colonisés.

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* « Sa forme partiellement francisée » : elle n’est pas partiellement francisée, elle l’est complètement dans la graphie gagne et dans la prononciation (cf., dans la version électronique du Multidictionnaire de Marie-Éva de Villers, les deux prononciations données par Gérard Poirier). Mais, quand on veut se débarrasser de son chien, que ne dit-on pas ?

mardi 17 avril 2012

Les profondeurs du GDT sont insondables



Après mon billet « Du pidgin English au broken French », je croyais bien en avoir fini avec la fiche big bang (domaine : finance). Mais je viens de m’apercevoir qu’un des termes figurant dans la note est absent de la nomenclature du Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française. J’avais relevé une coquille : « le cloisonnement entre l'argent de change (broker) et le contrepartiste (jobber) ». Or, je me rends compte qu’agent de change n’apparaît pas quand on interroge le GDT pour avoir l’équivalent français de broker dans le domaine du commerce (cinq fiches), de la finance (huit fiches) ou des appellations de personnes (huit fiches).


Par ailleurs, le GDT donne comme synonyme de big bang l’expression grand boom financier. Or, la fiche boum (de 2008) indique que boom est un « terme à éviter » et elle ajoute en note : « Pour favoriser l'intégration graphique et phonétique de l'emprunt en français, la forme francisée boum est privilégiée. La variante non adaptée boom est à déconseiller. »


Pour terminer, notons la curieuse forme passive « la forme francisée boum est privilégiée ». On chicane sur l’orthographe d’un emprunt et on ne se rend pas compte que l’on écrit en anglais avec des mots français.





vendredi 13 avril 2012

Quand Stéphane Dion se met à éclairer l’histoire



Dans Le Devoir du 13 avril 2012, Antoine Robitaille rapporte l’opinion de Stéphane Dion selon lequel « la loi 101 n'a pas souffert de l'insertion dans la Constitution canadienne d'une charte des droits il y a 30 ans ». Au contraire, cela l’aurait « renforcée ». C’est fort de café !


Car la Cour suprême elle-même a constaté, dans un jugement rendu en juillet 1984, qu’une partie de la loi constitutionnelle de 1982 – l’article 23 de la Charte des droits et libertés – avait été conçue pour contrer l’article 73 de la Charte de la langue française. La Cour écrit :


Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que la Loi 101 ait été particulièrement présente à l’esprit du constituant lorsqu’il a édicté l’art. 23 de la Charte qui garantit des «droits à l’instruction dans la langue de la minorité». La rédaction de cet article le confirme quand on la compare à celle des art. 72 et 73 de la Loi 101 ainsi qu’aux lois des autres provinces relativement à la langue de l’enseignement.
[…]

En adoptant, pour rédiger l’art. 23 de la Charte, l’ensemble unique de critères de l’art. 73 de la Loi 101, le constituant identifie le genre de régime auquel il veut remédier et dont il s’inspire pour définir le remède qu’il prescrit. Le plan du constituant paraît simple et s’infère facilement de la méthode concrète qu’il a suivie: adopter une règle générale qui garantit aux minorités francophone et anglophone du Canada une partie importante des droits dont la minorité anglophone du Québec avait joui avant l’adoption de la Loi 101 relativement à la langue de l’enseignement*.


L’opinion du père de la loi sur la clarté constitue une interprétation de l’histoire qui n’éclaire pas beaucoup la genèse de la loi constitutionnelle de 1982.
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* Source : http://scc.lexum.org/fr/1984/1984rcs2-66/1984rcs2-66.html 

mardi 10 avril 2012

L’odonymie en Lettonie


Source : Vesti, 10 avril 2012




La législation linguistique de la Lettonie prévoit l’unilinguisme letton dans l’affichage des noms de rue.


Un activiste russophone, Evgeniy Ossipov (Евгений Осипов), président de l’association Родной язык (langue maternelle), a entrepris de placer sur des maisons privées des panneaux portant les noms des rues en deux langues, le letton et le russe. L’action a commencé à Liepāja, où des panneaux ont été installés sur cinq maisons, et s’est poursuivie à Riga. On voit ici les réactions que cette action a déjà entraînées :

Source : Vesti, 10 avril 2012



Cela ne vous rappelle rien ?


 




lundi 2 avril 2012

Du pidgin English au broken French



Ayant trouvé sur la page d’accueil du site Internet de l’Office québécois de la langue française, dans la section « Toujours d’actualité», la mention « Noms de lieux : Le big bang », j’ai voulu aller voir ce que le Grand Dictionnaire terminologique disait du big bang, au cas où on aurait eu l’idée de le traduire par gros boum… Rien sur le big bang en cosmologie. En revanche, une fiche sur l’utilisation du terme dans le domaine de la finance. Avec cette phrase maladroite en note :


« Employé en anglais pour la déréglementation de la Bourse de New York en 1973, puis de Londres en 1986, D. Nora appelle la fin du monopole des agents de change de la Bourse de Paris le Baby Bang. »


La phrase est mal construite. En toute logique, le participe passé employé devrait se rapporter à D. Nora, ce qui n’a aucun sens. En fait, il aurait fallu faire ici deux phrases, la première étant (j’indique en rouge les mots manquants) : « le terme big bang a été employé en anglais pour désigner la déréglementation de la Bourse de New York en 1973, puis de celle de Londres en 1986. »


Est-ce trop demander aux responsables du GDT que de connaître le français ? Comme je l’ai dit ailleurs, quis custodiet ipsos custodes ?


P.S. : Je note aussi une coquille dans la note : « le cloisonnement entre l'argent de change (broker) et le contrepartiste (jobber) ».

dimanche 1 avril 2012

Le pidgin English du GDT



Dans le dernier billet de son blog, Lionel Meney se félicite d’avoir convaincu l’Office québécois de la langue française de corriger l’anglicisme « à toutes fins pratiques » qu’on trouvait dans la fiche ligue d’entreprise du Grand Dictionnaire terminologique. Je suis allé vérifier : la correction a bien été faite. Du coup, j’en ai profité pour jeter un coup d’œil à la fiche anglaise house league. Surprise : elle contenait une définition anglaise, ce qui est de plus en plus rare ces dernières années dans le GDT (mais ce qui s’explique par la date de rédaction de la fiche : 1989). Définition anglaise ? En fait, plutôt une définition en pidgin English : « leaque [sans majuscule initiale, q au lieu de g], in U.S. english [sans majuscule], is an association of sports clubs or teams ».