dimanche 4 décembre 2016

Parsemer des fautes



Contrairement au musli, le granola est cuit et contient du sucre ajouté et un corps gras. Il peut se manger tel quel, en collation. On peut aussi en parsemer sur du yogourt ou un dessert crémeux, tandis que le musli est généralement mélangé à du lait et consommé au déjeuner.  
– Grand Dictionnaire terminologique, fiche « granola » (2016)

« Parsemer sur du yogourt ». En français standard, le verbe parsemer est transitif direct : on parsème une surface. Exemple :

Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs
– Baudelaire, Les fleurs du mal


On dira donc que l’on parsème le yogourt de granola ; que l’on en parsème le yogourt ; ou que le yogourt en est parsemé.


Mais on peut tout aussi bien parsemer de fautes un dictionnaire.

samedi 3 décembre 2016

La revitalisation des langues autochtones


La semaine dernière, le Consulat général des États-Unis à Québec a invité quelques personnes intéressées par le sort des langues autochtones à une visioconférence organisée par le Département d’État à Washington. Deux chercheuses de la Smithsonian Institution ont parlé de programmes de revitalisation des langues autochtones. La conférence était en multiplex entre Washington, Vancouver, Ottawa, Montréal et Québec. Il est apparu en cours de réunion qu’il y avait des auditeurs en d’autres pays, au moins en Côte d’Ivoire et en Bolivie. Je continue de m’interroger sur les objectifs de pareille rencontre : on est peut-être en train de créer un nouveau droit d’ingérence, celui-ci pour protéger les langues et cultures menacées.


Les conférencières ont présenté d’abord la situation des langues menacées de disparition dans le monde, faisant la comparaison devenue maintenant de règle avec la disparition des espèces animales et végétales. On a aussi présenté le programme Breath of Life pour la revitalisation des langues. On a donné l’exemple d’enfants que l’on amenait au musée pour leur montrer des pièces de poterie et leur enseigner en même temps le vocabulaire des autochtones qui les avait fabriquées. Plutôt passéiste comme approche pour revitaliser les langues. Mais, après tout, le Smithsonian est d’abord connu pour ses musées.


Une remarque sur l’aspect technique. Les images du multiplex étaient souvent floues quand elles ne gelaient pas. Pas du tout la qualité d’images qu’ont à leur disposition les pilotes qui téléguident les drones dans la série Homeland. Je me suis demandé in petto ce qu’il en était pour les drones que l’on envoie en mission en Afghanistan et au Pakistan.


Commencée à 14 h, la conférence s’est abruptement terminée à 15 h alors que nous croyions qu’elle devait durer une heure et demie. Ce fut un mal pour un bien car le groupe de Québec a poursuivi la discussion – plus intéressante, j’oserais dire, que la visioconférence. Groupe composé de Wendats (Hurons), d’un Abénaquis, d’une Algonquine, peut-être une Innue (Montagnaise), j’ai un trou de mémoire, et de quelques Euro-Canadiens. Il y avait là trois personnes qui avaient collaboré à mon livre Les langues autochtones du Québec (1992 ; édition anglaise, 1996).


Il est peu connu que les Wendats sont en train d’essayer de faire renaître leur langue qui a cessé d’être parlée il y a plus d’un siècle. L’un d’entre eux a fait remarquer la nécessité qu’il y avait, pour faire renaître la langue ancestrale et pouvoir l’utiliser dans la vie de tous les jours, de trouver des équivalents pour des mots aussi banals pour nous que trottoir ou ventilateur (pour cet objet, il croit que la solution serait d’utiliser un terme qui se rend par une périphrase en français – elle pousse le vent – car, a-t-il ajouté, il y a prépondérance du féminin en wendat ; ce point mériterait une analyse détaillée et comparative avec le français, où le masculin « l’emporte » sur le féminin). Cette remarque est en contradiction avec la vision passéiste (ou puriste) que l’on a cru détecter, peut-être à tort, dans la présentation faite dans la visioconférence. En tout état de cause, la conférencière n’avait pas abordé le thème de la modernisation des langues, essentiel si l’on veut que les langues en voie de disparition retrouvent leur utilité dans la vie de tous les jours. Rappelons que la question a été étudiée en long et en large dans les six volumes de la série Language Reform : History and Future / La réforme des langues : histoire et avenir (1983-1994) de István Fodor et Claude Hagège.


Pour ma part, j’ai cité un passage de l’analyse produite par Statistique Canada des questions du recensement de 2011 portant sur les langues autochtones : «Selon le Recensement de 2011, presque 213 500 personnes ont déclaré une langue maternelle autochtone et près de 213 400 personnes ont déclaré parler une langue autochtone le plus souvent ou régulièrement à la maison». Soit une différence de seulement 100 entre les deux nombres. La phrase appelle deux commentaires. D’abord, il est invraisemblable que les langues autochtones ne connaissent pas l’assimilation linguistique. Ensuite, on ne dit rien de l’assimilation linguistique comme telle. Au contraire, on laisse entendre qu’il y a assimilation de personnes de langue maternelle anglaise ou française aux langues autochtones : « En 2011, près de 213 400 personnes ont déclaré parler une langue autochtone à la maison. Bien que 82,2 % d'entre elles aient déclaré cette même langue autochtone comme leur langue maternelle, les autres 17,8 % ont déclaré une langue maternelle différente, par exemple, le français ou l'anglais. » Ces données sont étonnantes au vu de la situation antérieure. Voici ce qu’écrivait Louis-Jacques Dorais dans mon livre Les langues autochtones du Québec (publié en 1992 ; à ce moment, les données du recensement de 1991 n’étaient pas encore disponibles) :

La comparaison entre langue maternelle et langue d'usage permet de calculer le taux de conservation des langues autochtones (langue d'usage/langue maternelle). En 1971, ce taux était de 85,4 % chez les Amérindiens du Québec. Cela signifie que, sur l'ensemble des personnes ayant une langue maternelle amérindienne, 83,8 % parlaient cette langue à la maison, 14,7 % parlaient l'anglais, 1,3 % le français et 0,2 % une autre langue (Bernèche et Normandeau, 1983). Les transferts linguistiques à partir des langues amérindiennes se faisaient donc massivement vers l'anglais.

En 1986, le taux de conservation des langues amérindiennes non mohawks était de 95,8 %, pourcentage sans doute assez proche de celui de 1971. Cette année-là, en effet, le taux de conservation des langues amérindiennes parlées en dehors de la grande région de Montréal était de 94 %. Il est probable aussi qu'en 1986 les transferts linguistiques aient continué à se faire surtout vers l'anglais, mais sans doute dans une proportion un peu moindre qu'en 1971, l'influence du français ayant, depuis, légèrement augmenté en milieu amérindien.

Chez les Inuit, le taux de conservation de l'inuktitut était de 98,6 % en 1986 comme, sans doute, en 1981. Les quelques transferts se faisaient surtout vers l'anglais.


Il faudrait donc qu’un démographe procède à une étude sérieuse des données du recensement de 2011 sur les langues autochtones.


mercredi 30 novembre 2016

Mêlée terminologique


« En aucune circonstance ne devrait-il être permis de mettre quelques barrières que ce soit, physiques ou non physiques, à l’accès à l’avortement », a déclaré M. Barrette lors d’un impromptu de presse.
Le Devoir, 30 novembre 2016

Le scrum est défini dans la banque Termium du Bureau de la traduction à Ottawa comme « a situation where journalists gather around a person to ask them questions in an impromptu, informal manner. ». Le Webster et l’Oxford English Dictionary en ligne ne donnent pas ce sens mais uniquement celui d’une formation de joueurs au rugby (une mêlée) et le sens figuré d’un ensemble désordonné de personnes (une bousculade) ou de choses. Le Webster dit que ce dernier sens est propre à l’anglais britannique, sans plus de précision, et l’Oxford ajoute que c’est un terme familier. Tout comme Termium, le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) propose comme équivalent français mêlée de presse (fiche de 2002). On voit que l’on a traduit littéralement le mot scrum : encore un calque.


L’équivalent proposé mêlée de presse est fortement concurrencé par impromptu de presse : le premier est présent dans 41 400 pages Internet, le second dans 28 400. Pourtant, le GDT ne mentionne pas impromptu de presse. Nouvel exemple de la difficulté qu’éprouve le GDT à rendre compte de l’usage – qu’il prétend en plus orienter.


jeudi 10 novembre 2016

En France, le niveau descendrait-il ?


Le niveau en orthographe des écoliers français plonge
Pour une dictée équivalente, les élèves de CM2 ont fait en moyenne 17,8 erreurs en 2015, contre 14,3 en 2007 et 10,6 en 1987.

Le Monde, 9 novembre 2016


En France, le ministère de l’Éducation nationale a publié hier une étude sur l’orthographe des écoliers.


Extrait de l’article du Monde :

Soit une dictée-type d’une dizaine de lignes donnée à des écoliers de CM2 à trois reprises ces trois dernières décennies – 1987, 2007 et 2015. Comparez leurs résultats… et vous ravirez les déclinistes : arrivés au terme de leur scolarité primaire, alors qu’ils ont face à eux la marche de l’entrée au collège à franchir – un collège rénové précisément cette année –, nos enfants font en moyenne 17,8 erreurs, contre 14,3 en 2007 et 10,6 en 1987. C’est 3 erreurs de plus que leurs aînés testés dans les mêmes conditions en 2007, voire 7 de plus si l’on ose la comparaison avec 1987, pour un texte comportant 67 mots et 16 signes de ponctuation.


Pour en savoir plus, cliquer ici.


mercredi 9 novembre 2016

La néologie, toujours mal logée dans le GDT



Les exit polls, ces coups de sonde réalisés à la sortie des bureaux de vote, ont encore exposé, mardi, les lignes de fracture — économique, sociale, raciale — qui teintent le vote américain.
[…] les sondages de sortie des urnes ont été effectués auprès de 23 583 électeurs par la firme Edison, pour le compte du consortium médiatique électoral américain, composé des chaînes ABC, CBS News, CNN, Fox News, NBC News et de l’Associated Press. Certains sondages ont été effectués en personne, près des bureaux de vote, tandis que d’autres ont été faits par téléphone, auprès des électeurs ayant voté par anticipation.
« Le vote américain décortiqué », Le Devoir, 9 novembre 2016, p. A3.

Comme vous pouvez facilement l’imaginer, lecteurs qui me suivez depuis des années, la simple lecture du terme anglais exit poll m’a donné l’envie d’aller vérifier ce qu’en disait le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Pas terrible : une seule fiche, produite par Radio-Canada en 1988 : sondage des votants à chaud. En trois décennies, l’Office n’a pas senti le besoin de mettre à jour cette fiche (qui, en plus, ne présente pas le synonyme anglais exit survey). La pratique de l’exit poll me semble peu courante au Canada, mais les médias en parlent à chaque élection française ou américaine. Et personne, à l’Office, n’a senti la nécessité pendant toutes ces années de mettre à jour une fiche nettement insuffisante.


Le Larousse anglais-français se contente d’une traduction qui est plutôt une définition : « sondage réalisé auprès des votants à la sortie du bureau de vote ».


Sur Internet, on trouve fréquemment comme équivalent « sondage à la sortie des urnes » :

Les divisions raciales parmi les électeurs américains sont évidentes, selon un sondage à la sortie des urnes mené par Edison Research pour les médias américains, rapporte Associated Press. (Agence Belga, 9 novembre 2016)


Hier soir, sur nos diverses chaînes de télévision, nous avons pu entendre à quelques reprises l’expression exit poll. Les commentateurs et journalistes ne savaient apparemment pas comme la traduire. 

mardi 8 novembre 2016

Les hauts et les bas de l’anglais à Montréal


Dans mon blog anglais, j’ai mis en ligne le 6 novembre un billet qui est en fait un extrait d’un article que j’ai publié en 2013 dans une revue européenne et où je fais état d’études publiées par l’Office québécois de la langue française. En 2012, l’Office avait en effet publié une série de rapports dans le cadre du bilan quinquennal qu’il doit faire de l’évolution de la situation linguistique au Québec.


Certaines de ces études portaient sur la langue d’accueil et de service dans les commerces de Montréal (dont j’ai déjà rendu compte dans un billet le 28 mars 2016), d’autres portaient sur les langues présentes dans l’affichage commercial à Montréal. Apparemment, aucun journaliste n’a lu ces études. Tout le monde s’est contenté du résumé produit par l’Office où on affirmait que la présence de l’anglais à Montréal a été « stable » de 1997 (43 %) à 2010 (41 %). On a oublié dans le résumé de mentionner qu’en 1999 cette présence atteignait 49 %, ce qui est une hausse statistiquement significative, et que la chute de 49 % à 41 % constatée de 1999 à 2010 est elle aussi statistiquement significative. La présence de l’anglais est donc loin d’être stable.


Pourquoi avoir occulté cette variation ? Y a-t-il des motivations politiques derrière tout cela ? C’est la question que je pose. J'évoque des hypothèses dans mon billet de Linguistically Correct.


dimanche 6 novembre 2016

Cranberry



Le jus de cranberry n’aiderait pas à soigner les infections urinaires.
Selon une étude, la cranberry a peu, voire pas d’effet sur cette infection qui touche 50 % des femmes au moins une fois dans leur vie.
Site RTL, 28 octobre 2016

La fiche « canneberge » du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) ne note pas que la canneberge (ou atoca) est surtout connue en France sous son nom anglais. Nos terminologues, et plus généralement nos endogénistes, sont d’habitude prompts à critiquer les Français sur leur usage des anglicismes. Il est étonnant que celui-ci ait échappé à leur attention.


C’est pour moi l’occasion de rappeler qu’une terminologue de l’Office m’a expliqué un jour que c’est l’industrie elle-même qui, autour des années 1970, a préféré mettre le mot canneberge sur ses étiquettes plutôt que le mot atoca, l’Office n’ayant pas de préférence pour un terme plus que pour l’autre.


J’ai découvert qu’à la suite de mes critiques d’il y a cinq ans l’Office avait fini par refaire sa fiche « canneberge ». J’avais en effet mis en doute la pertinence de multiplier les synonymes dans un dictionnaire terminologique, en particulier les synonymes d’origine dialectale. Voici de quoi avait l’air l’ancienne fiche :




La nouvelle fiche ne conserve plus que le mot atoca comme synonyme :

Cliquer sur l'image pour agrandir la fiche


*   *   *

Le même jour, sur le site de cette même radio, j’ai trouvé ces trois mots anglais :



samedi 5 novembre 2016

Deux mots sur le gaspillage


Début de la vague de déchétarisme (dumpster diving) au commencement des années 2000, aux États-Unis. Il y a eu un pic de notoriété, des reportages-chocs, puis le couvercle est retombé sur les poubelles. Le mouvement revient avec la lutte contre le gaspillage alimentaire qui a actuellement le vent dans les voiles.
Le Devoir, 5 novembre 2016, p. D6


En lisant les mots déchétarisme et dumspter diving, l’idée m’est venue de vérifier ce qu’en disait le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Surprise : il n’y a pas de fiche « déchétarisme » :








En revanche, il y a bien une fiche « dumpster diving » avec l’équivalent français glanage urbain.


Mais plus intéressante est la fiche « glaneur alternatif » (en anglais : freegan). On y lit : « le terme glaneuse alternative (sic) a été proposé par l’Office québécois de la langue française en 2010 pour désigner ce concept. » Et plus loin : « le terme déchétarien, que l’on trouve principalement en France, n’est pas retenu en raison de sa connotation péjorative et de son sens restreint ». Cette affirmation est fausse : déchétarien apparaît dans 168 pages Internet écrites en français au Canada contre seulement 2 pages pour glaneur alternatif. Ce n’est donc pas principalement en France que l’on trouve ce mot mais aussi au Canada. Dans l’usage international, c’est déchétarien qui s’impose clairement (1 860 contre 4). Tout comme c’est déchétarisme (absent du GDT) qui s’impose contre glanage urbain, promu par le GDT.


On le voit, le GDT, loin d’orienter l’usage, peine à le suivre.


Mots
Toutes les pages en français d’Internet
Pages Internet de France en français
Pages internet du Canada en français

Déchétarisme

8 320
530
564

Glanage urbain

2 160
1 440
75

Glaneur alternatif

4
0
2

Déchétarien

1 860
1 030
168



En terminant, notons que le Larousse parle de glanage (tout court), non de glanage urbain, et de glaneurs (tout court), non de glaneurs alternatifs :

Glanage : « action des glaneurs (à la fin d’un marché, par exemple). [Cette pratique est liée à une nécessité économique ou un mode de vie alternatif.] »


mercredi 2 novembre 2016

Volver



Après quatre mois de relâche, je reprends la publication de la version espagnole de mon introduction à La norme linguistique.


samedi 29 octobre 2016

Pourquoi chercher quand on a déjà la réponse ?


Un membre de l’Asulf (Association pour le soutien et l’usage de la langue française) a acheté récemment dans une boulangerie un produit étiqueté « slice ». Voulant demander au commerçant de donner un nom français à son produit, il a fait des recherches dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) et il a trouvé « feuilleté ». Je ne sais pas comment il a fait pour découvrir cette réponse parce que, quand on tape « slice » dans le GDT, on n’obtient que deux réponses, toutes deux relatives au sport :




Toutefois, quand on connaît déjà la réponse (!!!) et que l’on tape le mot « feuilleté », on trouve comme équivalent anglais « slice » :




Je crois qu’il est inutile que je commente davantage, n’est-ce pas ?


vendredi 28 octobre 2016

Depuis quand le masculin l’emporte-t-il sur le féminin ?



Par une combinaison de facteurs variant de décisions gouvernementales aux histoires au petit écran, nous bâtissons notre culture. Celle-ci définit, entre autres, les préjugés que nous entretenons. Par exemple, depuis le XVIIIe siècle, le masculin l’emporte sur le féminin parce que le grammairien Nicolas Beauzée a déclaré « la supériorité du mâle sur la femelle ».
– Fabrice Vil, « Une victime imparfaite », Le Devoir, 28 octobre 2016


Le chroniqueur écrit que « depuis le XVIIIe siècle, le masculin l’emporte sur le féminin parce que le grammairien Nicolas Beauzée a déclaré la supériorité du mâle sur la femelle ». C’est aller un peu vite en besogne. La règle est bien plus ancienne.


En grec ancien, « si les sujets sont des noms de personnes de genre différent, l’attribut se met au masculin pluriel » (grammaire Ragon, numéro 184) : Η τύχη και Φίλιππος ήσαν των έργων κύριοι (Eschine, Amb., 131). En latin, si les sujets sont de genre différent, l’attribut se met au masculin pluriel (grammaire Debeauvais, numéro 323) : pater et mater boni sunt.


Il ne faut pas se laisser trop impressionner par les étiquettes grammaticales et en tirer des conclusions influencées par l'idéologie. Des linguistes, dans la ligne du Cercle linguistique de Prague (qui connut son apogée dans les années 1930), préfèrent parler de genre non marqué (pour le masculin) et de genre marqué (pour le féminin).


dimanche 23 octobre 2016

Néologie féministe


La linguiste française Anne-Marie Houdebine nous a quittés il y a quelques jours. Féministe, elle était aussi disciple de Lacan.


Ses amis et disciples nous annoncent que « de nombreux femmages lui sont rendus ces jours-ci et plusieurs textes en son honneur sont en préparation. »


La quasi-totalité des locuteurs du français ont sans doute oublié que le mot hommage dérive de homme. Et la quasi-totalité des femmes locutrices du français n’ont sans doute jamais imaginé qu’on pourrait trouver un équivalent féminin à hommage.



L’Office de la langue française (OQLF), pourtant à l’avant-garde de la féminisation, n’a rien sur femmage ni dans son Grand Dictionnaire terminologique (GDT) ni dans sa Banque de dépannage linguistique (DPL). On ne sait donc pas si le mot doit se prononcer [fɛmaʒ] ou [famaʒ].

mercredi 19 octobre 2016

Troisième lettre persane


Le chanoine T***, qui fut de nombreuses années archiviste du Petit Séminaire de Québec, m’a permis de recopier un texte apparemment de Pascal, puis m’a aussi communiqué deux ébauches que Montesquieu n’aurait pas retenues dans les Lettres persanes et qui m’ont paru, elles aussi, apocryphes. Je n’avais plus de ses nouvelles depuis plusieurs mois. Or voici que mon bon chanoine me fait tenir une nouvelle lettre persane qui ne semble pas plus authentique que les précédentes. On se perd en conjectures sur ce qui pouvait conduire à écrire ces parodies en Nouvelle-France : peut-être les longues nuits ennuyeuses de l’hiver y furent-elles pour quelque chose.


Rica à Usbek

Je t’ai déjà écrit qu’il existe dans le Nouveau Monde un Cabinet d’Endogénisation qui détermine les mots qui doivent être naturalisés en ce pays. Les dervis de ce Cabinet, dont les arrêts sont tout aussi inutiles que non respectés, pour asseoir leur autorité déclinante, ont convoqué ces jours derniers à Québec un conciliabule dont on a bien pris soin d’écarter les gêneurs. Les membres de cette confrérie n’ont jamais réussi à intéresser le monarque dans ces gamineries, aussi cherchent-ils l’appui de leurs congénères des marches du royaume à qui ils n’ont pas hésité à faire faire une aussi périlleuse traversée.

On dit que depuis longtemps les dervis de Québec veulent imposer une gabelle sur les mots venant des colonies anglaises. Les mots seront donc taillables à défaut d’être corvéables.


Il sera facile de se soustraire aux nouveaux fermiers de la gabelle, qui connaissent mal la langue anglaise. On connaîtra donc le faux saunage des mots, il suffira de donner aux mots anglais une apparence vaguement française.


Pour l’heure les Bostonnais regardent la situation avec amusement. Ils savent que le jour où ils voudront s’installer à Québec, ce ne sera pas sous le couvert des mots mais en habit rouge.

De Québec, le 22 de la lune de Chahban 1715




lundi 17 octobre 2016

Retour aux origines

  
Donnez tous les prix musicaux que vous voulez à Dylan, il les mérite. Mais laissez donc le Nobel de la littérature aux écrivains, aux romanciers. Ce n’est pas une question de modernité ou d’ouverture. C’est une question de gros bon sens et d’évidence. Du moins, pour moi.
– Patrick Senécal, « Un Nobel de texte ? », Le Devoir, 17 octobre 2016, p. A6

Selon le titre d’un autre texte d’opinion paru dans la même page du Devoir, le Nobel d’économie « réinvente la roue ». Il en va de même du Nobel de littérature. Il y a trois millénaires, aux origines de la culture occidentale, on voit dans l’Odyssée des aèdes qui chantaient dans les banquets les aventures des héros en s’accompagnant de la cithare. Les rhapsodes parcouraient les villes en chantant les poèmes d’Homère. Chez les Grecs, la poésie lyrique était indissociable de la musique et de la danse. Pindare a composé des odes (poèmes chantés) en l’honneur des vainqueurs des jeux Olympiques et d’autres jeux grecs comme les jeux Isthmiques. Dans les tragédies grecques, les chœurs étaient chantés et dansés. Plus près de nous, au Moyen Âge, les troubadours et les trouvères étaient des poètes et des chanteurs.


Il n’y a donc rien de révolutionnaire dans l’attribution du Nobel de littérature au poète et chanteur Bob Dylan.


vendredi 14 octobre 2016

Pourquoi angliciser les noms étrangers ?


[…] avant le poète Lafontaine, il y a eu Archilochus, durant l’Antiquité. Un Grec. Poète, lui aussi. Archilochus a dit : « Le renard connaît beaucoup de choses, mais le hérisson connaît une grande chose. »
– Fabrice Vil, « Éducation : pensons hérisson », Le Devoir, 14 octobre 2016


Pourquoi écrire à l’anglaise le nom du poète grec ? Je sais bien que c’est aussi la façon dont le nom s’écrit en latin, mais tant qu’à vouloir remonter aux sources, et pour faire moins colonisé, aussi bien l’écrire à la grecque : Arkhilokhos (ρχίλοχος). Constatons que le journaliste, qui voulait peut-être faire prétentieux, fait plutôt montre de son inculture.


Dans le même ordre d’idée, je suis en train de lire un livre mal traduit (dont je soupçonne d’ailleurs qu’il est mal rédigé dans sa langue d’origine) où le traducteur n’a pas fait l’effort de trouver comment s’appelait en français Diodorus Siculus (Διόδωρος Σικελιώτης) : Diodore de Sicile. Bel exemple d’incompétence dans une édition savante (Erich H. Cline, 1177 avant J.-C., le jour où la civilisation s’effondra, Paris, La Découverte, 2015).


Les noms à l’anglaise, est-ce la nouvelle tendance ? L’actuel duc de Cambridge n’est connu dans les médias de langue française que sous le prénom de William alors que ses prédécesseurs dans les dictionnaires français s’appellent Guillaume. Passera-t-on directement de Guillaume IV à William V ? Il est vrai qu’on n’a pas traduit non plus le nom du nouveau roi d’Espagne : on l’appelle Felipe en français tout comme on appelle son père Juan Carlos et non Jean-Charles.


L’anglicisation des noms propres est depuis longtemps présente chez les disquaires (de moins en moins nombreux, il est vrai). Le plus souvent, on ne trouve pas les disques de Chostakovitch sous la lettre C mais sous S : Shostakovich.


lundi 10 octobre 2016

Le québécois standard illustré par l’exemple / 19


À l’heure actuelle, une personne adoptée peut contourner la règle générale actuelle en matière d’adoption, la confidentialité, seulement si le parent biologique y consent. « Ce sera renversé. La communication de renseignements sera présumée », a souligné Mme Vallée à l’occasion d’une conférence de presse.
« Le secret levé pour faciliter la quête des origines », Le Devoir, 7 octobre 2016

La communication des renseignements sera présumée : que peut bien signifier cette phrase de la ministre ? Apparemment, le journaliste lui a trouvé un sens puisqu’il la reprend telle quelle sans y ajouter une explication. Après avoir lu et relu les premiers paragraphes de l’article, j’ai conclu qu’il fallait comprendre : l’autorisation de communiquer les renseignements sera présumée. En français plus standard : on présumera que l’autorisation de communiquer les renseignements a été accordée.


Dans la phrase « la communication des renseignements sera présumée », il manque un élément d’information : l’autorisation de communiquer les renseignements. Encore un cas de brachylogie : la pensée est à moitié exprimée (voir mon billet du 22 septembre 2015).


La chaîne V, anciennement TQS, donne l’avertissement suivant lorsqu’un film contient des éléments de violence : le jugement des parents est conseillé (au lieu de : on conseille aux parents de faire preuve de jugement). On voit tout de suite la parenté de formulation avec la phrase de la ministre : on peut se demander s’il ne s’agit pas du résultat produit par la répétition depuis des années et des années de la phrase maladroite de la chaîne V.


mercredi 5 octobre 2016

Le style, c’est la femme



[…] le style n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met dans ses pensées […] Bien écrire, c’est tout à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre ; c’est avoir en même temps de l’esprit, de l’âme et du goût. Le style suppose la réunion et l’exercice de toutes les facultés intellectuelles ; les idées seules forment le fonds du style ; l’harmonie des paroles n’en est que l’accessoire, et ne dépend que de la sensibilité des organes. […] le style est l’homme même.
– Buffon, Discours sur le style (1753)



Après mon billet du 21 septembre, me voici encore à commenter la prose de madame Francine Pelletier, chroniqueuse du Devoir. « Étiez-vous parmi les millions de spectateurs qui ont syntonisé le débat Trump-Clinton ? » demande-t-elle dans l’édition de ce matin. Syntoniser, pour le Larousse, c’est « réaliser une syntonie », c’est-à-dire un « état résultant de l’accord ou de l’égalité des fréquences de plusieurs appareils ou phénomènes. ». C’est « accorder deux circuits oscillant sur une même fréquence » pour se mettre plus facilement à l’abri des brouillages » (Trésor de la langue française informatisé). Pour le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, syntoniser, c’est « régler une fréquence donnée sur un récepteur radio ». Le Trésor de la langue française au Québec n’offre que trois attestations du verbe syntoniser. On se demande pourquoi la chroniqueuse utilise ce verbe, inapproprié dans les circonstances, plutôt que de demander plus simplement à ses lecteurs s’ils ont regardé le débat Trump-Clinton.


Mais peut-être faut-il voir dans l’utilisation du verbe syntoniser un lapsus freudien : les deux candidats n’étaient pas sur la même longueur d’onde et la chroniqueuse aurait préféré qu’ils se syntonisassent.


Plus loin, la chroniqueuse écrit : « J’ai souvent dit qu’il était difficile pour les femmes publiques de trouver le bon ton.» Le contexte indique que les femmes publiques ici mentionnées ne sont ni des lorettes ni des cocottes ni des poules. Pour autant il est encore un peu risqué de voir dans l’expression femme publique la simple féminisation d’homme public. Même si, un peu partout sur la planète, des hommes publics se vendent au plus offrant.


Dans sa chronique précédente, Francine Pelletier avait écrit : « Des hommes à 95 % qui ont souffert de l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, du déplacement de la main-d’œuvre vers l’étranger, de la disparition du secteur manufacturier en faveur de l’innovation technologique. » Cette féministe préférerait-elle donc des machos, des hommes à 100 %? Encore une fois, il s’agit d’une maladresse de style. Il aurait fallu écrire, le plus simplement du monde : des hommes qui, à 95 %, ont souffert de l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail


N’hésitons pas à féminiser le discours de Buffon : le style, c’est aussi la femme.


lundi 3 octobre 2016

Apparition d’un nouvel anglicisme ?


Vendredi dernier, j’ai entendu un chroniqueur de la télévision publique utiliser l’expression « par le temps que ». Cela fait deux ou trois fois ces dernières semaines que j’entends ce calque de l’anglais « by the time ». Le Larousse anglais-français nous dit que « by the time you get this… » se traduit par « le temps que tu reçoives ceci…, quand tu auras reçu ceci… ».


J’ai trouvé sur Internet quelques attestations de ce qui semble un anglicisme à la veille de s’implanter. Pour l’instant, l’anglicisme ne semble apparaître à l’écrit que dans des médias francophones hors Québec :


Par le temps que Québec et Louisbourg puissent envoyer du renfort au printemps 1757, il était trop tard pour environ 400 âmes, dont beaucoup d’enfants « à la mamelle », tous morts de famine ou de maladies liées aux carences alimentaires (L’Acadie nouvelle, 5 septembre 2016).

Par le temps que la Floride vote pour les primaires le 15 mars prochain, les républicains auront peut-être déjà sélectionné leur candidat (Le Soleil de la Floride, 3 mars 2016).


Je n’ai rien trouvé sur cet anglicisme dans la Banque de dépannage linguistique (BDL) de l’Office québécois de la langue française (OQLF).


lundi 26 septembre 2016

Tatou




– Tu vas te faire enlever tes tatous?
– Je ne sais pas encore.
Mylène Moisan, « Une autre vie loin de la rue », Le Soleil, 24 septembre 2016


Dans sa fiche « tatouage », le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), pourtant fort porté à rendre compte de la « langue courante », ne fait aucune mention du mot tatou (ou tattoo) au sens de « tatouage ». Doit-on croire qu’on préfère passer sous silence les anglicismes inacceptables « en vertu des critères de traitement de l'emprunt linguistique en vigueur à l'Office québécois de la langue française » ou qui sont considérés comme ne s’insérant pas « dans la norme sociolinguistique du français au Québec » ? Le GDT, depuis son relookage, a une catégorie « termes utilisés dans certains contextes » ou « termes à usage restreint ». Le mot tatou, très courant au moins dans la langue parlée, ne peut évidemment pas être considéré comme un terme à usage restreint.


Dans un tout autre domaine, le GDT a une fiche « tatou », sans définition française (!), avec une note (« les tatous sont des animaux fouisseurs, etc. »)  – et une définition anglaise (« any of several burrowing, chiefly nocturnal mammals… ») contrairement à la plupart de ses fiches. Il est curieux de constater que le GDT contient encore des fiches sans définition française.



mercredi 21 septembre 2016

Trump a aussi la langue bien pendue


Extrait de la chronique de Francine Pelletier dans le Devoir de ce jour :


« … Donald Trump, 6 pieds 2, 236 livres et, prétend-il, bien pendu par-dessus le marché… » : en français, que peut-on avoir de bien pendu si ce n’est la langue ?

Ce qui est pendu en anglais est monté en français (comme un étalon, un âne ou un satyre, au choix).



dimanche 4 septembre 2016

Misères de la francisation de la langue du travail


Dans le Soleil du 2 septembre, Gabrielle Thibault-Delorme nous offre un « Petit lexique pour le novice de la construction ». Ces termes sont souvent familiers ou sont des anglicismes. N’étant pas spécialiste du domaine (en fait, je n’y connais rien), je ne suis pas sûr que les équivalents proposés relèvent toujours du français standard. Par ailleurs, la présentation des termes laisse à désirer du point de vue lexicographique : c’est ainsi qu’on n’indique pas si buffer, ou shimmer, par exemple, sont des noms ou des verbes. Mais l’article a le mérite de fournir une liste de mots couramment utilisés au Québec dans les quincailleries. Cette liste nous permettra de juger de l’utilité du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) pour franciser ce secteur de l’économie.


Dans la première colonne, on trouvera les mots traités dans l’article de Gabrielle Thibault-Delorme. Dans la deuxième, les commentaires de la journaliste et les équivalents qu’elle propose. Dans la troisième, je rendrai compte du traitement que le GDT fait de ces termes.


Termes
Commentaires de G. Thibault-Delorme
Traitement du terme dans le GDT
Bolt
Boulon. Petit objet de métal composé d'une vis et d'un écrou.
Le GDT a plusieurs fiches « bolt », correspondant à des domaines divers. Difficile pour l'usager ordinaire de s'y retrouver.
Boteuse
Scie à onglets
Le GDT a une fiche « botteur » (fém. botteuse) mais dans le domaine du football. La fiche « scie à onglets » ne parle pas de boteuse : le GDT, pourtant friand des termes de la « langue courante », a oublié celui-ci.
Buffer 
Rectifieuse. Outil utilisé pour lisser ou arrondir une surface avec des disques abrasifs ou une courroie (buffer). Aussi appelé grinder.
Quand on tape les mots buffer et grinder dans le GDT, on est envoyé respectivement aux fiches « mémoire sensorielle » et « frottement » – rien qui concerne l’industrie de la construction. Le GDT a toutefois trois fiches « rectifieuse »
Cesar 
Scie alternative. Contraction des termes saw all
Cesar est absent du GDT. De même saw all (terme qui me semble curieux ; peut-être la journaliste a-t-elle mal transcrit le mot). Le GDT a toutefois quatre fiches « scie alternative ».
Drill 
Perceuse électrique. Utile pour percer un trou dans une surface (driller)
On trouve quatre fiches comprenant le mot drill. Il faut taper « electric drill » pour avoir l’équivalent français perceuse électrique. À noter que la fiche ne comporte pas de définition mais seulement une longue note. Curieux dans un dictionnaire !
Flashing
Solin réversible. Matériel pour toiture. Aussi appelé starter à toiture
À partir du seul mot flashing, il est impossible de trouver dans le GDT un équivalent français dans le domaine de la construction. Pourtant le GDT a bien une fiche « solin » avec équivalent anglais flashing.
Le GDT n’a rien sur starter à toiture.
Fort
Unité de mesure qui désigne une fraction de plus. Par exemple, l'expression «13 pouces 1/4 fort» désigne une mesure un peu plus grande que 13 pouces et 1/4.
Cet emploi relève de la langue parlée familière. Il est normal qu’il ne soit pas traité dans un dictionnaire spécialisé comme le GDT.
Fourrure ou forence
Latte de bois en épinette de 1 po x 3 po x 8 po
Le GDT a bien fourrure au sens de « pièce de bois pour combler un vide ». Forence est un terme déconseillé.
K3 
Panneau de particules de bois
Terme non traité. Marque de commerce ?
O'gee
Moulure décorative pour le plafond
Le GDT donne comme équivalent doucine.
O'ring
Petit anneau en caoutchouc
Le GDT donne comme équivalent joint torique.
Rip 
Aspenite. Copeaux de bois. Matériel utilisé pour des panneaux de construction.
Le GDT a le mot ripe, « canadianisme à éviter » (fiche produite par l’École québécoise du meuble en 1987). Cette condamnation d’un mot de cheu nous a échappé à l’attention des terminologues endogénistes : gageons que la fiche sera refaite sous peu!
Sheating
Fibre naturelle de bois. Utilisé pour des panneaux muraux.
Le mot sheating apparaît dans plusieurs fiches du GDT. Il s’agit probablement d’une planche de revêtement, terme traité par le GDT. L’usager non linguiste trouvera difficilement un équivalent français s’il ne connaît que le mot sheating.
Shimmer
Combler un vide à l'aide de bardeaux de cèdre. Pour mettre à niveau le bas d'une porte, par exemple, ou pour boucher un trou autour d'une fenêtre. Aussi appelé «caler».
Le GDT n’a pas le verbe franglais shimmer. Mais il a to shim, « caler ».
Skillsaw
Scie circulaire
Le GDT n’a pas skillsaw. L’usager qui ne connaît que ce terme ne trouvera pas l’équivalent scie ronde, pourtant traité par le GDT.
Stud
Colombage d'acier. Pour retrouver les colombages d'acier une fois le mur construit, on se sert d'un détecteur de colombage d'acier (stud finder).
Le terme anglais est visiblement incomplet. Le GDT a toutefois une fiche « stud finder », équivalent français : détecteur de montant. Ce qui permet de déduire que stud devrait probablement se traduire par montant.
Veneer
Contreplaqué. Panneau obtenu par une succession de couches de bois minces. Veneer est aussi un terme utilisé en dentisterie pour désigner une couche de porcelaine fine.
Le GDT donne comme équivalent placage, « feuille de bois mince ». Le GDT a plusieurs fiches « contreplaqué » mais aucune produite par ses propres terminologues. Selon le Bureau de normalisation du Québec, le contreplaqué est une « feuille de placage plus épaisse que le placage de surface ».
Washer 
Rondelle. Anneau de métal placé entre la vis et l'écrou.
Terme traité depuis longtemps par le GDT (fiche de 1973).
Zigonneux
Outil oscillant. Utilisé pour «zigonner», soit découper, meuler, décaper ou sabler. Le «zigonneux» peut aussi désigner la personne qui manie l'outil.
Terme non traité par le GDT.


Comme on le voit à la lecture de la liste des termes établie par la journaliste du Soleil, la langue du domaine de la construction comprend de nombreux termes familiers souvent empruntés à l’anglais (pas toujours, p.ex. zigonneux, qui est un québécisme), souvent sous une forme abrégée. Il est alors très difficile pour un usager de trouver un équivalent français dans le GDT.


Depuis quelques années, il est à la mode de parler de socioterminologie. Il serait peut-être temps que les adeptes de la socioterminologie aillent dans les entreprises et les commerces pour dresser la liste des termes en usage. La simple confrontation de la liste des termes relevés par la journaliste du Soleil avec la nomenclature du GDT montre déjà à quel point ce dernier semble peu adapté à sa mission de franciser la langue du travail.


Quand on voit tout le travail qu’il reste à faire en francisation, on comprend mal que l’Office préfère consacrer ses ressources à défaire et à refaire d’anciennes fiches (voir mon billet « À rebours de l’usage »).

*   *   *

Lors de mes recherches, je suis tombé sur une curiosité dont je ne peux m’empêcher de vous faire part : le GDT a une fiche « solin du trou d’homme » (produite, il est vrai, par le Canadien Pacifique) !



Ce qui évoque tout naturellement le sapin ambigu de la place Vendôme à Paris en 2014 :

 
Source: Le Monde, 17 octobre 2014