mercredi 11 août 2021

Artéfact méthodologique

Dans le numéro de septembre de L’Actualité*, la chronique de Jean-Benoît Nadeau est consacrée aux anglicismes. Pour qui connaît le personnage, il n’est pas étonnant de lire dans son accroche : « notre langue ne s’est pas déformée au contact de l’anglais ». Cette affirmation se base sur les travaux d’une (socio)linguiste d’Ottawa qui lui a déclaré : « Les anglicismes sont rares, ils sont éphémères, ils s’adaptent spontanément à la structure du français courant et ils ne déforment rien ».

 

Il faut savoir que cette chercheuse est principalement connue pour ses travaux sur le code switching (alternance codique). C’est ce qui explique à mon avis son opinion sur le caractère éphémère des anglicismes. Pour qu’il y ait alternance codique, il faut que les deux locuteurs aient au moins une certaine connaissance d’une seconde langue. Ils peuvent alors, dans le même discours, utiliser une fois le terme ou l’expression française, la fois suivante son équivalent en anglais. On est loin de la situation sociolinguistique de l’ouvrier montréalais des années 1960 qui certes ne connaissait bien souvent que le français mais qui, en outre, ne connaissait le vocabulaire de son métier qu’en anglais. Dans la même phrase, il ne pouvait pas dire une fois « muffler » et l’autre fois « silencieux ».

 

Par conséquent, l’opinion de la sociolinguiste est, selon moi, le résultat d’un artéfact méthodologique (je traduis littéralement methodological artefact, absent du Grand Dictionnaire terminologique) :

 

When the findings from a particular study are deemed to be—at least in part—a result of the particular research technique employed […], rather than an accurate representation of the world, they are sometimes said to be a methodological artefact.

 

Je terminerai  sur ce que le chroniqueur présente comme une «découverte» de la chercheuse mais qui relève tout simplement de l’évidence: « ils [les anglicismes] s’adaptent spontanément à la structure du français courant ». Évidemment ! Elle redécouvre l’Amérique ! Pour qu’on emploie un nom anglais en français, il faut bien lui donner un genre, pour un verbe il faut bien lui assigner une conjugaison.

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* Ne pas oublier de lire les commentaires des lecteurs à la suite de l’article :

https://lactualite.com/societe/quels-anglicismes/

 

 

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