samedi 1 mars 2014

Où en est le bilan quinquennal de la situation linguistique ?


La loi fait obligation à l’Office québécois de la langue française de produire tous les cinq ans un bilan de la situation linguistique. Or, il ne l’a pas fait. Comment expliquer cette omission ?


Le dernier bilan rendu public l’a été en mars 2008. L’Office a ensuite mis en ligne un plan de travail pour la période 2008-2013. Dans son rapport annuel 2011-2012, l’OQLF écrit que « les travaux, qui s’échelonneront jusqu’en 2013, permettront de poser un diagnostic fiable sur la dynamique linguistique québécoise ». On aurait donc dû s’attendre à la publication d’un bilan en 2013. Or, en 2013, l’Office n’a publié qu’une seule étude, mais pas de bilan.


Dans une fiche explicative, elle aussi mise en ligne, l’Office explique que « la planification adoptée s’organise d’abord autour de deux grands axes d’intérêt, soit la langue d’usage dans l’espace public et la maîtrise du français ». À ce jour, il n’y a dans le site Internet de l’Office qu’une étude portant sur la langue d’usage public des allophones de la région montréalaise, rien sur la maîtrise du français.


La fiche explicative indique que « la programmation se décline par ailleurs en sept thèmes de recherche ». Le premier thème consiste à mettre à jour le portrait démolinguistique du Québec et de la grande région de Montréal. Une synthèse du portrait démolinguistique a été effectivement publiée le 9 septembre 2011 ainsi que cinq études démolinguistiques. Cette partie du mandat a donc été remplie.


Il y a eu aussi des publications sur la langue de travail (thème 2) et sur la langue du commerce et des affaires (thème 3). Les études sur la langue du commerce et des affaires ont été opportunément lancées pendant le brouhaha du printemps étudiant et personne n’en a parlé. Une de ces études montre qu’il y a eu un déclin léger, mais statistiquement significatif, de la présence du français dans l’affichage à Montréal de 1997 à 2010 et que 11 % de l’affichage de l’Ouest de l’Île est unilingue anglais. Une autre étude a montré qu’en 2012, 18,3 % des commerces de la rue Sainte-Catherine (entre les rues Papineau et Atwater) avaient un affichage de leur nom (raison sociale) qui ne respectait pas les exigences de la Charte de la langue française. Une troisième étude, portant sur la langue d’accueil et de service dans les commerces, a montré que, s’il y avait bien eu une amélioration dans certains secteurs comme le boulevard Saint-Laurent (où l’accueil en français est passé de 91 % en 1988 à 96 % en 2010), la situation du français s’était en revanche détériorée dans la Côte-des-Neiges et dans Snowdon (passant de 60 % à 44 %). Dans les centres commerciaux de ces deux derniers quartiers, la possibilité de se faire servir en français est passée de 97 % en 1988 à 91 % en 2010. Enfin, une quatrième étude a porté sur la langue de commerce et de service dans la rue Sainte-Catherine de 2010 à 2012 : on y apprend que, sur une période de deux ans, l’accueil en français seulement y est passé de 89 % à 73 % mais ce « détail » est omis du résumé que l’Office a publié de l’étude. Parallèlement, l’accueil bilingue y est passé de 1 % en 2010 à 14 % en 2012.


Le plan de travail de l’Office prévoyait aussi de traiter la langue de l’administration publique et du secteur de l’enseignement (thème 4), la langue des activités culturelles (thème 5) ainsi que la maîtrise du français au sein de différentes populations (thème 6). Il n’y a eu aucune publication sur ces trois thèmes.


Pour la maîtrise du français (thème 6), il était question de mettre à jour « les taux de réussite aux épreuves de français de différentes clientèles ». J’ai dû mettre moi-même à jour les données à partir de ce que j’ai pu trouver sur le site du ministère de l’Éducation. C’est ainsi que j’ai trouvé que le taux global de réussite à l’épreuve unique de langue et de littérature du collégial est passé de 88,6 % en 1998-1999 à 84,3 % en 2011-2012 ; sur la même période, le taux de réussite au critère « maîtrise de la langue » est passé de 90 % à 86,2 %.


L’Office prévoyait aussi faire l’analyse de certaines trajectoires linguistiques (thème 7). Il y a bien eu une publication sur les trajectoires linguistiques des allophones de Montréal.


Les études publiées ont mis en évidence des points positifs mais une lecture attentive permet de déceler bien des éléments qui sont source d’inquiétude. En fait, ce que l’on sait par les études publiées apporte des arguments à ceux qui pensent que la situation du français à Montréal se serait plutôt détériorée. Mais le fait est que nous ne disposons pas d’un portrait d’ensemble de la situation linguistique six ans après la publication du dernier bilan. Pourtant, la loi dit bien que l’Office doit produire un bilan à son ministre de tutelle « au moins tous les cinq ans » (article 160).



Il est de plus en plus question que des élections soient déclenchées prochainement. Souhaite-t-on que la question linguistique soit vraiment absente de la campagne électorale ?

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