La loi fait obligation à l’Office
québécois de la langue française de produire tous les cinq ans un bilan de la
situation linguistique. Or, il ne l’a pas fait. Comment expliquer cette
omission ?
Le dernier bilan rendu public l’a été en
mars 2008. L’Office a ensuite mis en ligne un plan de travail pour la période
2008-2013. Dans son rapport annuel 2011-2012, l’OQLF écrit que « les
travaux, qui s’échelonneront jusqu’en 2013, permettront de poser un diagnostic
fiable sur la dynamique linguistique québécoise ». On aurait donc dû
s’attendre à la publication d’un bilan en 2013. Or, en 2013, l’Office n’a
publié qu’une seule étude, mais pas de bilan.
Dans une fiche explicative, elle aussi
mise en ligne, l’Office explique que « la planification adoptée s’organise
d’abord autour de deux grands axes d’intérêt, soit la langue d’usage dans
l’espace public et la maîtrise du français ». À ce jour, il n’y a dans le
site Internet de l’Office qu’une étude portant sur la langue d’usage public des
allophones de la région montréalaise, rien sur la maîtrise du français.
La fiche explicative indique que
« la programmation se décline par ailleurs en sept thèmes de
recherche ». Le premier thème consiste à mettre à jour le portrait
démolinguistique du Québec et de la grande région de Montréal. Une synthèse du
portrait démolinguistique a été effectivement publiée le 9 septembre 2011 ainsi
que cinq études démolinguistiques. Cette partie du mandat a donc été remplie.
Il y a eu aussi des publications sur la
langue de travail (thème 2) et sur la langue du commerce et des affaires (thème
3). Les études sur la langue du commerce et des affaires ont été opportunément
lancées pendant le brouhaha du printemps étudiant et personne n’en a parlé. Une
de ces études montre qu’il y a eu un déclin léger, mais statistiquement
significatif, de la présence du français dans l’affichage à Montréal de 1997 à
2010 et que 11 % de l’affichage de l’Ouest de l’Île est unilingue anglais.
Une autre étude a montré qu’en 2012, 18,3 % des commerces de la rue
Sainte-Catherine (entre les rues Papineau et Atwater) avaient un affichage de
leur nom (raison sociale) qui ne respectait pas les exigences de la Charte de
la langue française. Une troisième étude, portant sur la langue d’accueil et de
service dans les commerces, a montré que, s’il y avait bien eu une amélioration
dans certains secteurs comme le boulevard Saint-Laurent (où l’accueil en
français est passé de 91 % en 1988 à 96 % en 2010), la situation du
français s’était en revanche détériorée dans la Côte-des-Neiges et dans Snowdon
(passant de 60 % à 44 %). Dans les centres commerciaux de ces deux
derniers quartiers, la possibilité de se faire servir en français est passée de
97 % en 1988 à 91 % en 2010. Enfin, une quatrième étude a porté sur
la langue de commerce et de service dans la rue Sainte-Catherine de 2010 à
2012 : on y apprend que, sur une période de deux ans, l’accueil en
français seulement y est passé de 89 % à 73 % mais ce
« détail » est omis du résumé que l’Office a publié de l’étude.
Parallèlement, l’accueil bilingue y est passé de 1 % en 2010 à 14 %
en 2012.
Le plan de travail de l’Office
prévoyait aussi de traiter la langue de l’administration publique et du secteur
de l’enseignement (thème 4), la langue des activités culturelles (thème 5)
ainsi que la maîtrise du français au sein de différentes populations (thème 6).
Il n’y a eu aucune publication sur ces trois thèmes.
Pour la maîtrise du français (thème 6),
il était question de mettre à jour « les taux de réussite aux épreuves de
français de différentes clientèles ». J’ai dû mettre moi-même à jour les
données à partir de ce que j’ai pu trouver sur le site du ministère de
l’Éducation. C’est ainsi que j’ai trouvé que le taux global de réussite à
l’épreuve unique de langue et de littérature du collégial est passé de
88,6 % en 1998-1999 à 84,3 % en 2011-2012 ; sur la même période,
le taux de réussite au critère « maîtrise de la langue » est passé de
90 % à 86,2 %.
L’Office prévoyait aussi faire
l’analyse de certaines trajectoires linguistiques (thème 7). Il y a bien eu une
publication sur les trajectoires linguistiques des allophones de Montréal.
Les études publiées ont mis en évidence
des points positifs mais une lecture attentive permet de déceler bien des
éléments qui sont source d’inquiétude. En fait, ce que l’on sait par les études
publiées apporte des arguments à ceux qui pensent que la situation du français
à Montréal se serait plutôt détériorée. Mais le fait est que nous ne disposons
pas d’un portrait d’ensemble de la situation linguistique six ans après la
publication du dernier bilan. Pourtant, la loi dit bien que l’Office doit
produire un bilan à son ministre de tutelle « au moins tous les cinq ans »
(article 160).
Il est de plus en plus question que des
élections soient déclenchées prochainement. Souhaite-t-on que la question
linguistique soit vraiment absente de la campagne électorale ?
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