On
peut lire dans la chronique de Pierre Trudel dans le Devoir de ce matin :
Il y a quelques jours, on apprenait que le
Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR), l’organisme chargé de
décider des plaintes à l’égard des écarts de langage sur les ondes, estimait
que « le mot “fuck” entendu à la radio n’a pas en
français la même connotation vulgaire qu’en anglais ».
Un
lecteur, M. Jean-Pierre Martel, a bien compris de quoi il s’agit :
En anglais, quand une personne dit fuck, on a
bien entendu fuck. Mais en français, on ne sait jamais si la personne a dit
fuck ou phoque. C’est là la différence.
L’ado québécois dira à ses colocs « Phoque, encore du macaroni au fromage » là où le Parisien dira « Putain, pas encore du macaroni ». C’est pareil.
L’ado québécois dira à ses colocs « Phoque, encore du macaroni au fromage » là où le Parisien dira « Putain, pas encore du macaroni ». C’est pareil.
Tout
cela est bien compréhensible quand on a un peu étudié la question des emprunts
linguistiques. Quand on fait un emprunt, on n’emprunte en fait que le mot avec
sa dénotation (son sens littéral) sans sa connotation (élément qui s’ajoute au
sens littéral : connotation familière, vulgaire, péjorative, poétique,
etc.). La connotation n’est pas empruntée, elle peut venir par après dans la
langue emprunteuse et différer de celle que le mot pouvait avoir à l’origine
dans la langue prêteuse.
Les
emprunts à l’arabe sont intéressants à cet égard. De l’époque où la
civilisation arabe surpassait la civilisation occidentale datent des emprunts
comme goudron et jupe. Avec la colonisation française en Algérie sont apparus de
nouveaux emprunts comme caoua ou bled. Ces mots signifient simplement « café »
et « terrain, pays » en arabe. Ils n’y ont pas de valeur familière ou
péjorative. C’est le français qui leur a par la suite donné ces valeurs. On
voit par ces exemples que la connotation acquise par les emprunts peut être
liée au statut culturel et politique de la langue prêteuse. On peut aussi
constater ce fait dans certains emprunts que l’anglais américain a faits aux
langues amérindiennes : squaw, « now often
offensive : an American Indian woman »
(Webster). La connotation négative de ce mot n’existait pas lorsque le mot a
été emprunté en anglais :
Until relatively recently, the
word squaw was used neutrally in anthropological and other contexts to mean a
North American Indian woman or wife. With changes in the political climate in
the second half of the 20th century, however, the derogatory attitudes of the
past toward American Indian women mean that the word cannot now be used in any
sense without being regarded as offensive (Oxford English Dictionary).
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