Un
mot d’explication sur le titre : c’est une expression qu’employait ma
grand-mère paternelle. Elle n’a pas été enregistrée dans le Trésor de la langue
française au Québec (TLFQ) et je n’en ai trouvé qu’une seule attestation sur
Internet, sur le site du Figaro :
Si
des Amish ont fait montre de violence, en coupant des barbes de d'autres Amish,
et ce en pleine nuit, comme aurait dit une de mes tantes, "C'est le bout
de la comète".
L’auteur
de ce commentaire est une dame de Trois-Rivières. On a donc lieu de croire qu’il
s’agit d’une expression québécoise vieillie.
Je
sais, il y a chez nous une expression bien plus courante et qui veut dire
sensiblement la même chose : c’est
le bout de la m… Celle-ci a été dûment répertoriée par le TLFQ.
Les
dictionnaires n’enregistrent pas d’expression basée sur bout de comète ou queue
de comète. Tout au plus au cours de mes recherches ai-je pu trouver cette
amusante citation de Mme de Sévigné :
Nous avons
ici une comète qui est bien étendue ; c'est la plus belle queue
qu'il est possible de voir ; tous les grands personnages sont alarmés, et
croient fermement que le ciel, bien occupé de leur perte, en donne des
avertissements par cette comète (lettre du 2 janvier 1681).
C’est
en lisant une intervention récente du président-fondateur de l’Asulf
(Association pour le soutien et l’usage de la langue française) auprès d’un
journaliste contre l’emploi que ce dernier faisait en français du mot tailgate que je me suis dit : c’est
le bout de la comète ! M. Auclair écrit en effet :
Vous employez le mot tailgate dans votre texte, mais vous
prenez soin de l’écrire en italique, ce qui est très bien vu qu’il s’agit d’un
mot anglais. Nous vous invitons à employer à l’avenir l’appellation « rendez-vous
d’avant-match » qui nous semble claire et facile à employer en français.
Elle est d’ailleurs recommandée par l’Office québécois de la langue française,
sauf qu’il emploie le mot partie au lieu de match. Il faut lui pardonner ce
petit écart.
Excursus :
que signifie l’américanisme tailgate ?
« A social gathering in which food and drinks are served
at or near the back end of a parked vehicle (such as a pickup truck) that
usually occurs in a parking lot before or after a public event (such a
football game or concert) » (Webster).
|
« L’Office québécois de la langue française […]
emploie le mot partie au lieu de match ». L’Office qui vient, dans sa
dernière politique de l’emprunt linguistique, d’officialiser comme premier
critère d’acceptation d’un anglicisme le fait qu’il soit en usage depuis plus
de 15 ans. Or, match est attesté en
français depuis 1819 selon le Trésor de la langue française informatisé (TLFi).
Quant au Trésor de la langue française au Québec (TLFQ), il contient une
attestation du mot en 1901 :
Curtis Boisvert, le fameux bicycliste canadien-français que tous
les amateurs de Montréal connaissent, avait depuis très longtemps manifesté le
désir de participer aux grandes courses entre professionnels. [...] Boisvert a
réussi à arranger un match avec le
fameux Davidson que nous connaissons également (journal Les Débats, 1901).
La 9e édition
du dictionnaire de l’Académie accepte le mot :
XIXe siècle. Mot anglais.
Rencontre sportive, compétition entre deux concurrents ou deux équipes. Match de tennis, de rugby. Disputer,
gagner un match, plusieurs matchs. Faire match nul, terminer à égalité de
points. Balle de match, coup
qui peut décider de la partie.
Qui
plus est, le TLFi a même enregistré comme canadianisme le verbe matcher :
Matcher, verbe, région. (Canada). a) Emploi trans. Appareiller, assortir. Matcher deux chevaux (Canada 1930). Emploi pronom. à sens
passif. Faire se connaître, se
rencontrer (un jeune homme et une jeune fille). Leurs mères ont fait leur possible
pour les matcher, mais ça n'a pas pris (Canada 1930). Emploi pronom. réfl. ou
emploi intrans. (Se) fréquenter, flirter (avec). Il aime ça, matcher (Canada 1930). Paul s'est matché avec Julie en
revenant des vêpres (BÉL. 1957). b) Emploi intrans. S'accorder, s'assortir. Ces deux couleurs ne matchent pas
du tout (Canada 1930).
Le verbe matcher est
aussi attesté en français européen selon le même dictionnaire :
DÉR. Matcher, verbe, peu usité. a) Emploi
trans. Affronter un adversaire individuellement
ou en équipe dans un match. Ted
Russell (...) doit matcher Langford, ici, après demain (GENEVOIX,Laframboise,
Match à Vancouver, 1942, p.200). b) Emploi intrans. Disputer un
match. Manive devait rencontrer
Grimal mais la direction de la boxe l'en empêcha car il avait déjà matché
dimanche dernier (L'Écho des
sports, 10 févr. 1941). Tout est parfaitement organisé. À Orly par
exemple, un préposé aux cadeaux [de la maison Adidas] accueille les équipes étrangères
qui viennent matcher sur le sol français (Paris
Match, 22 mars 1969, p.10, col. 3). 1res attest. 1892 trans. «affronter dans un match» (L'Écho des
sports, 3 sept. d'apr. G. PETIOT ds REY-GAGNON Anglic.), 1893 intrans.
«disputer un match» (Vélo, 21 janv., p.3, col. 2 ds BONN., p.91); de match, dés. -er.
L’OQLF,
par son rejet de match, est donc plus
puriste que l’Académie et que les lexicographes français. C’est la perpétuation
de l’idéologie de Maurice Duplessis qui déclarait que les Canadiens franças sont des Franças amiliorés.
* * *
Le
Grand Dictionnaire
terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF)
précise sur sa fiche «fête d’avant-partie» :
Les fêtes d'avant-partie peuvent
également avoir lieu dans le stationnement d'arénas ou d'autres lieux où se tiennent des
compétitions sportives.
Un repas s'apparentant à un
piquenique accompagne la fête d'avant-partie, et tout ce qu'il faut pour le
préparer et le servir se trouve dans le coffre du véhicule des participants,
dont le couvercle ou le hayon (tailgate)
est laissé ouvert. Le repas peut même ressembler à un barbecue
avec notamment des grillades, des hamburgers et des hot-dogs.
Les termes party d'avant-match et tailgate party sont des emprunts à
l'anglais dont l'usage est déconseillé, puisqu'ils entrent en concurrence avec
les termes français disponibles.
Commentons
les termes mis en rouge dans la citation précédente :
• Stationnement,
et non parking. Ce dernier mot est
pourtant attesté en français depuis 1926 selon le TLFi. Mais pour l’Office l’argument
de l’ancienneté ne tient visiblement pas dans ce cas.
• En
revanche, il tient pour aréna.
•
Le GDT a une seule fiche « barbecue », pour désigner l’appareil, pas
le repas. Un principe élémentaire lorsque l’on rédige un dictionnaire veut
pourtant que l’on n’utilise dans les définitions que des mots qui ont été préalablement
définis ailleurs dans le dictionnaire.
•
Comment party d’avant-match peut-il
être un emprunt à l’anglais ? Ce n'est même pas un calque. Il y a bien deux mots d’origine anglaise
mais la syntaxe est française*. On ne dit pas party d’avant-match en anglais, ni même pre-match party mais bien tailgate
party !
J’ajouterai
en terminant que fête d’avant-match
est dix fois plus utilisé dans Internet que fête
d’avant-partie (17 100 résultats contre 1 860). Ne faut-il pas
parfois envisager de tenir compte de l’usage ?
________
* Les deux mots répondent au critère d’ancienneté
de la nouvelle politique de l’Office : Mérimée utilisait le mot party en 1832, il est attesté en français québécois depuis
1933 (TLFQ) et on a vu que match est
attesté en français général depuis 1819.
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