Le
Grand Dictionnaire terminologique
(GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) n’aime pas tellement
le mot match. Tout au plus l’admet-il
« dans certains contextes » dans deux fiches, l’une rédigée en 2013,
l’autre en 2014.
Les deux fiches, qui
privilégient l’emploi de partie
plutôt que de match, ont la
particularité de ne pas présenter exactement la même définition :
Compétition sportive
entre deux joueurs ou deux équipes de deux joueurs, constituée d'un nombre
déterminé de manches à remporter (2013).
Compétition, le plus
souvent de nature sportive, qui se déroule selon des règles précises,
habituellement entre deux concurrents ou deux équipes, et qui est mesurée par
un nombre de coups à jouer, de points à obtenir pour l'emporter (2014).
Pourquoi n’avoir pas
fait une seule fiche en uniformisant la définition ?
La fiche de 2013
contient une note bizarre : « Une partie est divisée en manches, en
jeux et en points. » Une partie
divisée en points ? Étonnant, n’est-ce pas ?
Mais plus étonnante
encore est la remarque suivante : « L'emprunt à l'anglais match est attesté dans les sports depuis
le XIXe siècle. » Soyons plus précis que le GDT qui aime
bien laisser des zones d’ombre quand cela fait son affaire : depuis 1819
selon le Trésor de la langue française informatisé (TLFi). Soit depuis près de
deux siècles.
Les utilisateurs du
GDT savent que la cohérence est loin d’être la qualité principale de l’ouvrage.
Ainsi le GDT admet-il le mot score entré
plus tardivement en français (1896). Il admet aussi aréna au prétexte qu’il est « un emprunt ancien à l’anglais ».
Pourtant le Trésor de la langue française au Québec (TLFQ) date de 1898 son
apparition. Et il est particulièrement intéressant de relire les premières
attestations de ce mot :
L'Arena, une construction spécialement consacrée aux joueurs de
hockey, est l'un des plus beaux édifices du genre (La Presse, 1898).
Quinze cents personnes se sont rendues
à l'Arena, samedi, ce qui semble indiquer clairement que la vogue du jeu de
hockey est plus que jamais croissante (La
Patrie, 1900).
Les clubs Victoria et Mc Gill sont
sortis victorieux des deux parties de la ligue intermédiaire jouées hier
après-midi, à l'Arena (Les Débats,
1903).
[...] le leader du mouvement
nationaliste dans le Québec, M. Henri Bourassa [...] avait loué l'«Arena»
pour y faire une manifestation en l'honneur du Sacré-Cœur [...] (Le Devoir, 1910).
Première
constatation : dans ses plus anciennes attestations, le mot est écrit sans
accent aigu, avec une majuscule et, dans un cas, avec des guillemets. Preuve de
son origine anglaise (ou peut-être à l’époque lui prête-t-on une origine
latine).
Seconde constatation :
le mot n’est pas accompagné d’un complément déterminatif (ce n’est pas l’aréna
Maurice-Richard ou l’aréna du centre-ville), on le considère comme un nom
propre, avec une majuscule. Tout comme plus tard le Forum (à Montréal) et le
Colisée (à Québec).
Bref, l’utilisation
d’aréna comme nom commun générique
pour désigner des patinoires couvertes est plus récente, de 1913 au plus tôt à
en juger par la documentation du TLFQ.
Aréna, vieux d’à peine un siècle en français québécois, est accepté par le
GDT alors que match, entré en
français depuis deux siècles, est considéré avec suspicion. Allez chercher la
logique là-dedans.
Le mot aréna, au féminin, commence à s’introduire en français européen
pour désigner un stade couvert multifonctionnel. Mais il ne s’agit pas encore
d’un nom générique courant. Exactement le même phénomène qu’en français
québécois à la fin du xixe siècle.