vendredi 30 avril 2021

Fulmination de bulles

On peut déplorer — et plusieurs le font — que la machine à bulles, la machine à faire rêver avec son éternelle promesse de conquêtes, ses smokings fluorescents et ses décolletés plongeants, soit tombée en panne.

Francine Pelletier, « La transformation d’Hollywood », Le Devoir, 28 avril 2021

 

En lisant « machines à bulles » sous la plume de ma chroniqueuse favorite (est-ce une litote? est-ce une antiphrase?), je me suis interrogé sur le sens de cette expression. Puis, connaissant le style de la personne, je me suis dit qu’il devait bien y avoir quelque anglicisme là-dessous. J’ai donc cherché les sens que pouvait avoir le mot « bubble » en anglais. Et j’ai trouvé ceci dans le Cambridge Dictionary on line : « used to refer to a good or fortunate situation that is isolated from reality or unlikely to last ». Il y a déjà une expression française pour rendre cette idée: marchand d’illusions.

 

On ne sera pas étonné qu’une partisane de l’idéologie woke ait besoin d’une machine à bulles (papales) pour fulminer ses anathèmes.

 

 

mardi 27 avril 2021

Un pas dans la bonne direction

J’ai souvent critiqué dans ce blog certaines affirmations que l’on peut lire dans différentes fiches du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Ainsi on déclare ex officio (pour ainsi dire) que tel et tel mot « ne s’inscrivent pas dans la norme sociolinguistique du français au Québec » (cf. fiche « paramédic »). On va même jusqu’à affirmer qu’un mot comme selfie, utilisé par des millions de francophones tous les jours, « ne s’intègre pas au système linguistique du français » (fiche « égoportrait », 2018).

 

Devant la difficulté, ou l’impossibilité, de définir cette nébuleuse « norme sociolinguistique du français au Québec », le GDT semble avoir récemment changé son fusil d’épaule comme en témoigne la toute fraîche (2021) fiche « rover » (équivalent français : « astromobile », recommandé en… France depuis… 2000, rien de moins, par la Commission d’enrichissement de la langue française). On peut y lire la remarque suivante qui montre que le bons sens et l’analyse linguistique refont leur apparition dans le GDT :

L'emprunt à l'anglais rover est déconseillé parce qu'il fait l'objet de réserves dans les ouvrages de référence québécois et européens, lorsqu'il y est consigné. Par ailleurs, on observe à l'écrit certaines réticences à l'employer comme un terme français, que ce soit par sa mise en relief (guillemets, italique) ou encore par la présence de commentaires précisant qu'il appartient à la langue anglaise.

 

Lire aussi mon billet « Les interprètes autoproclamés de la norme sociolinguistique »

 

 

jeudi 22 avril 2021

Hypercorrections inclusives

Le Sénat français étudie ces jours-ci trois projets de loi contre l’écriture inclusive. C’est dans ce cadre que le professeur Mathieu Avanzi, de la Sorbonne Université (!!!), a été auditionné le 20 avril. Il a présenté une synthèse qui, à mon avis, présente bien les enjeux. Il a résumé les points sur lesquels il y a accord en France (p.ex., féminisation des noms de métier, lexique épicène), désaccord (points médians dans les documents administratifs), ce qui est en train de changer (accord de proximité) et ce qui pose problème (les pronoms combinés du type iel). Il ne cache pas que les propositions d’écriture inclusive peuvent créer de nouvelles fautes d’orthographe, p.ex. :

 


Il a trouvé des exemples de féminisation de noms qui ne renvoient pas à des êtres humains :

 

 


Il cite même des exemples d’hypercorrection dans l’accord des participes passés :

 


Dans sa conclusion, le professeur Avanzi incite à ne pas renforcer les inégalités sociales que la langue française génère déjà.

 *   *   *

Glané sur le Web lors de la mobilisation nationale du 23 avril à Paris contre la destruction de l’assurance chômage et la précarisation du monde du travail :

 


mardi 20 avril 2021

L’écriture inclusive, «socialement excluante»

 

 

Le linguiste Bernard Cerquiglini, professeur émérite de l’Université de Paris, ancien recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie, publie aujourd’hui dans Le monde une tribune intitulée « L’écriture “inclusive”, empreinte d’une louable intention, est une fâcheuse erreur ». Extraits :

 

Le groupe humain considéré hors de toute préoccupation de genre est désigné par un emploi du masculin que nous qualifierons d’inclusif (il inclut les deux genres). On le distinguera du masculin exclusif, qui renvoie au genre mâle (« Les Hollandais surveillent leur prostate ») ; le féminin, quant à lui, est toujours exclusif, renvoyant à un seul genre (« Les Hollandaises surveillent leurs digues »).

Ce phénomène se retrouve au singulier dans le cas du masculin générique (« Le Hollandais aime la bière et son roi »). C’est au masculin générique que l’on écrit le droit : « Le président de la République est élu pour cinq ans », énonce la Constitution ; ce concept de président n’a pas de sexe, au rebours de la personne élue, qui sera la présidente ou le président.

La catégorie du masculin en français a donc deux emplois distincts, que tout francophone maîtrise, même inconsciemment : le masculin « genré », d’un côté, le masculin neutralisé (inclusif au pluriel, générique au singulier), de l’autre.

[…]

L’écriture « inclusive » […] (parenthèses, points médians, etc.) est incompréhensible, illisible, imprononçable, difficilement enseignable ; risquant d’être socialement excluante, elle rompt avec le courant progressiste qui, depuis le XVIe siècle, milite en faveur d’une lisibilité démocratique de l’écrit, notamment par une simplification de l’orthographe.

[…]

L’attention nécessaire portée à l’égale représentation, dans nos énoncés, des hommes et des femmes passe par l’utilisation, libre et réfléchie, des ressources de la langue et non par une ritualisation de formules magiques.

 

jeudi 15 avril 2021

La pandémie et la distanciation des mots

 

 

Le titreur du Devoir s’est surpassé ce matin :

 

À l’heure où des militants essaient de faire prévaloir l’accord de proximité en français (« les médecins  et les infirmières présentes »), il est curieux de voir ce titre où l’accord se fait non avec  le mot voisin mais avec un mot séparé par plusieurs autres.

Il y a là plus qu’un problème de style. Il s’agit d’abord d’une question de clarté : il faut un moment de réflexion pour comprendre que ce qui est critiqué, ce n’est pas le gym ni l'éclosion mais sa gestion.

On voit à quoi conduit l’abus des tournures passives. Je ne serai sûrement pas le premier à y voir une influence de l’anglais.

Cliquer ici pour un autre billet sur ce sujet.

 

lundi 12 avril 2021

Les résultats à l’épreuve uniforme de français du collégial de 1997-1998 à 2018-2019

 

 

On m’a récemment communiqué les résultats des années scolaires 2016-2017, 2017-2018 et 2018-2019 aux épreuves de français du collégial, résultats que je ne parvenais plus à trouver sur le site du ministère de l’Éducation. Cela me permet de vous présenter la série complète des résultats depuis l’année de création de l’épreuve.

 

La tendance à la baisse du taux global de réussite n’a pas été inversée :

 

1997-1998

87,3

1998-1999

88,6

1999-2000

88,1

2000-2001

83,8

2001-2002

84,4

2002-2003

85,9

2003-2004

84,8

2004-2005

84,8

2005-2006

81,1

2006-2007

83,4

2007-2008

83,3

2008-2009

82,8

2009-2010

82,4

2010-2011

84,2

2011-2012

84,3

2012-2013

83,1

2013-2014

83,3

2014-2015

83,8

2015-2016

82,7

2016-2017

82,9

2017-2018

84,8

2018-2019

83,3

 

En ce qui concerne le critère de qualité de la langue (l’un des trois critères d’évaluation de cette épreuve), la tendance demeure, elle aussi, à la baisse :

1997-1998

88,9

1998-1999

90

1999-2000

89,5

2000-2001

86,3

2001-2002

86,1

2002-2003

88,2

2003-2004

87

2004-2005

87,1

2005-2006

83,7

2006-2007

85,6

2007-2008

86,1

2008-2009

85

2009-2010

86,6

2010-2011

85,9

2011-2012

86,2

2012-2013

83,1

2013-2014

85,3

2014-2015

85,3

2015-2016

84,8

2016-2017

84,3

2017-2018

86,3

2018-2019

84,1

 


 

La présentation que je fais dans les tableaux et graphiques précédents inclut les résultats de toutes les « passations » et non uniquement ceux de la première passation. Rappelons que c’est en se basant uniquement sur les résultats à la première passation que, dans son Rapport sur l'évolution de la situation linguistique au Québec (2019), l’Office québécois de la langue française (OQLF) a pu affirmer que les résultats sont « stables » depuis l’année de la création de l’épreuve.

 

Pour plus de détails sur l’épreuve de français du collégial et ses critères d’évaluation, cliquer ici.