mercredi 24 avril 2024

Les joyeux naufragés

 

Lionel Meney publie aujourd’hui un livre où il est beaucoup question de l’anglicisation de la France. Et, aussi, du recul du français au plan international.








mardi 23 avril 2024

Progrès, stabilité ou recul : allez savoir!

 

L’Office québécois de la langue française (OQLF) vient de publier une étude sur la langue d’accueil et de service dans les commerces. Déjà en 1988, le Conseil de la langue française (aujourd’hui disparu) avait fait une enquête sur ce thème à Montréal, enquête reprise en 1995. Cette fois-ci, les enquêteurs ont aussi visité des commerces de localités autres que Montréal.

On peut non seulement regretter mais déplorer que, dans la constitution de son échantillon de commerces montréalais en 2023, l’OQLF n’ait pas eu la présence d’esprit, ou tout simplement l’intelligence, de faire des sous-échantillons qui auraient permis de faire des comparaisons fiables avec les résultats de 1988 et de 1995. On aurait pu voir l’évolution sur 35 ans ! Il y a à l’OQLF un Comité de suivi qui ne semble plus comprendre que le suivi qu’il a à faire doit s’inscrire dans la longue durée.

Je ne peux donc que faire quelques comparaisons bancales à partir des résultats de la dernière enquête.

De 1988 à 1995, l’accueil en français dans les commerces sur rue du boulevard Saint-Laurent passait de 72 % à 86 %. En 2023, il est de 74,2 % dans le centre de Montréal (zone évidemment plus vaste). Les échantillons ne sont pas comparables mais rien n’interdit de s’interroger sur le recul du français comme langue d’accueil dans le centre-ville.

Regardons maintenant l’ouest de l’île. Voici un tableau qui résume les résultats ; la comparaison est statistiquement valable pour 1988 et 1995 mais non pour 2023 :

Langue d’accueil dans les commerces à Montréal

(en % des commerces sur rue)

 

1998

1995

2023

Centre-ville ouest

59

66

Zone ouest

49

Côte-des-Neiges-Snowdon

60

53

 

On peut se demander s’il n’y aurait pas eu une baisse dans l’accueil en français dans l’ouest de l’île de Montréal depuis 35 ans. Mais on ne peut l’affirmer.

Le rapport de l’OQLF conclut toutefois à un recul du français comme langue d’accueil de 2010 à 2023 :

Entre 2010 et 2023, le taux d’accueil en français a diminué de 13 points de pourcentage, passant de 84 % à 71 %.

Entre 2017 et 2023, dans les zones est et nord, le taux d’accueil en français a diminué de plus de 5 points de pourcentage (de 96 % à 91 % dans la zone est et de 83 % à 78 % dans la zone nord).

Dans la zone ouest, cette diminution a été de 3 points de pourcentage (de 52 % à 49 %). Le taux d’accueil en français dans la zone centre est demeuré semblable à celui de 2017, s’établissant à 74 %.

[Points de pourcentage = percentage point. En français correct : point, tout court.]

On peut se demander si ce recul n’aurait pas été plus grand si on avait pu faire la comparaison avec les enquêtes de 1988 et de 1995.

Rappelons que l’OQLF, dans sa dernière enquête sur l’affichage, n’avait pas non plus jugé bon d’utiliser une méthodologie qui aurait permis la comparaison avec les enquêtes antérieures : cliquer ici pour lire mes commentaires.

*   *   *

L’enquête de 1995 avait vérifié s’il y avait une différence dans la langue de l’accueil quand le client faisait partie d’une minorité. Boulevard Saint-Laurent, l’accueil en français passait dans ce cas de 86 % à 72 %. On ne sait pas si l’on a pris en compte cette variable dans l’enquête de 2023.

 

mercredi 17 avril 2024

No show : jeu de lapin, jeu de vilain


Une lectrice, Diane Lamonde, me signale qu’elle a vu dans la presse européenne le mot lapin et l’expression poser un lapin pour traduire « no show ». Effectivement, on en trouve facilement plusieurs attestations dans Internet :

 

TF1 Info, 19 avril 2023 : Ne pas se rendre à un restaurant malgré votre réservation peut vous coûter très cher. Certaines tables n'hésitent plus désormais à exiger une empreinte bancaire lors de la réservation, pour pouvoir débiter en cas d'absence du client. La raison de cette pratique armée de méfiance ? Trop de lapins !

 

Ouest-France, 3 septembre 2022 : « No show », ces lapins que les restaurants ne digèrent plus en Loire-Atlantique

 

Noovo (La Presse canadienne), 27 mars 2023 : «No show»: les restaurateurs trouvent qu’ils se font poser un lapin plus souvent

 

BFM Business, 8 août 2023 : "Poser un lapin" à un professionnel: le coût exorbitant d'une pratique fréquente

Les réservations non honorées, ou "no-show", peuvent représenter une perte allant jusqu'à 10% du chiffre d'affaires, estime la vice-présidente de la confédération nationale des instituts de beauté et spas.

 

Paris-Normandie, 11 août 2023 : « No show » : après les restaurants, les coiffeurs normands victimes des « lapins » de clients indélicats

 

Lapin et poser un lapin relèvent incontestablement de la langue familière. On s’étonne quIls ne figurent pas déjà dans le GDT (Grand dictionnaire terminologique) de l’OQLF (Office québécois de la langue française), si prompt à enregistrer, voire à légitimer, les usages de la « langue courante ».

 

 

mardi 16 avril 2024

No show = rendez-vous médical non honoré


Il est question dans l’actualité en France de faire payer 10 euros pour un rendez-vous médical non honoré. L’expression est reprise dans plusieurs médias. Il peut être rassurant de constater que, dans la Start-Up Nation du président Macron, on ne parle pas de « no show ».

Dans le domaine de l’hébergement et du tourisme, le GDT avait repris une fiche de 1978 de l’ancienne Association française de terminologie, « défection » (mais, depuis 2022, le mot n'apparaît que comme synonyme de « défaillance »). Proposition curieuse. Avant la chute du mur de Berlin en 1989, on faisait défection à l’Est ou à l’Ouest, pas nécessairement avant de se rendre à son hôtel.

On trouve « défaillance » et « défaillant » dans France Terme. Le GDT reprend « défaillant ». Il a aussi « client défaillant » et « défaillance du voyageur ». On parle déjà d’une défaillance technique, cardiaque, mécanique. Mais une défaillance du voyageur ? On peut bien penser que le client défaillait lorsqu’il est arrivé à l’hôtel, mais dans ce cas sa défaillance ne l’a pas empêché d’honorer son rendez-vous.

France Terme comme l’Office sont partis de l’anglais sans essayer de penser en français, sans faire abstraction de l’anglais. Cela donne un résultat pitoyable.

En 2018, j’avais mis en ligne un billet portant sur l’expression anglaise « no show » utilisée en français, tant en France qu’au Québec : je vous invite à le lire (en cliquant ici), il est plus complet que le présent billet.

 

samedi 13 avril 2024

L’OQLF rectifie le tir

 

À la suite de la chronique de Jean-François Lisée sur l’étude Langue de l'espace public au Québec en 2022, l’Office québécois de la langue française a apporté une rectification :

Contrairement à ce qui a été mentionné par l'Office à la suite de la sortie de l'étude, la pondération a été effectuée à partir des données du recensement de 2021 et non à partir de celles du recensement de 2016. L'échantillonnage, quant à lui, a bel et bien été effectué sur la base du recensement de 2016.

Mais cela ne répond pas à toutes les questions que pose cette étude, en particulier aux critiques que j’ai faites dans le billet précédent.

En outre, que dire du taux de non-réponse ? Il est de 77 % dans l’enquête de 2022 et de 54 % dans celle de 2016. Cela n’affecte-t-il pas la validité des résultats et des comparaisons ? Est-ce pour cette raison que l’étude parle d’un échantillon « assez représentatif » ?

 


jeudi 11 avril 2024

À la poubelle!

 

Jean-François Lisée a publié, dans Le Devoir du mercredi 10 avril 2024, une chronique fracassante. Ou plutôt une chronique qui fracasse l’étude Langue de l’espace public au Québec en 2002 de l’Office québécois de la langue française (OQLF).

Il se demande « pourquoi une étude dont le terrain a eu lieu au début 2022 n’est publiée qu’en mars 2024, alors que la situation démographique québécoise change à un rythme jamais enregistré depuis, disons, la Conquête ». En effet, de 2022 à 2024, « la progression du nombre d’immigrants temporaires est passée en deux ans de quelque 290 000 à plus de 560 000. » Lisée croit que l’étude aurait dû être publiée « en précisant que ses insuffisances étaient telles qu’il ne fallait en tirer aucune conclusion sur le présent. Cela aurait évité aux commentateurs peu versés en méthodologie de brandir ces chiffres pour affirmer que la situation est ‘ stable ‘, voire que davantage d’anglophones qu’avant adoptaient la langue de Félix à la ville. Le contraire est indubitablement vrai. ».

Les arguments de Lisée sont dirimants : vous pouvez en prendre connaissance en cliquant ici.

J’ajouterai quelques points aux critiques de Jean-François Lisée.

Il s’agit d’un rapport anonyme. Pas de préface de la présidente de l’OQLF. On ne dit même pas si le rapport a été approuvé par le Comité de suivi de la situation linguistique au Québec.

À la page 4 on peut lire :

Les personnes sondées étaient invitées à répondre au questionnaire en se basant sur l’expérience qu’elles avaient vécue au cours des six mois précédant le sondage. Or, lors de cette période de référence, étant donné la pandémie de COVID-19, des mesures sanitaires étaient en vigueur, dont la fermeture des salles à manger des restaurants et l’obligation de présenter un passeport vaccinal pour fréquenter certains commerces. Les interactions au sein de l’espace public, c’est-à-dire les interactions à l’extérieur de la maison avec des personnes autres que les parents ou amis, étaient ainsi moins nombreuses et moins variées.

On veut étudier la langue des interactions dans l’espace public dans une période où on admet qu’elles étaient moins nombreuses et moins variées. Et on ose en plus comparer les résultats à ceux de 2016, une période « normale ». On marche sur la tête !

Enfin, il y a une innovation méthodologique : la notion d’échantillon « assez représentatif » (p. 43)! Avant, un échantillon était représentatif ou pas.

Ma conclusion est dans le titre de ce billet.

mercredi 3 avril 2024

L’air du temps


Dans les messages publiés par un réseau de chercheurs auquel j’appartiens, je commence à voir le mot chercheureuses utilisé comme pluriel de chercheur et chercheuse.

 

Hier sur une chaîne britannique j’entendais pour la première fois l’expression « woman born female ». Je vais sans doute finir par m’habituer à entendre « persons with wombs » pour désigner les femmes.