samedi 21 décembre 2019

L’usage à la mode du GDT


Parmi les fiches que le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) met en vedette ce mois-ci, il y a « bailleur de fonds ». On y lit cette note :

Même si les ouvrages de référence relèvent bailleresse comme étant la forme féminine de bailleur, le féminin bailleuse de fonds est privilégié. D'une part, il est nettement plus courant, etc.


Me méfiant comme toujours des affirmations sur l’usage que fait le GDT, j’ai voulu vérifier sur Internet quel est l’usage réel de ces deux formes de féminin. Résultats :

Bailleuse : 8 680 pages où cette forme est présente
Bailleresse : 68 000 pages


Comme quoi il ne faut jamais croire le GDT sur parole.



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Le dictionnaire de l’Académie française, édition de 1694, écrit à propos du féminin bailleresse : « Ce mot n'est bon qu'en stile de Notaire». Dans l’édition de 1835, l’Académie affirme que le mot est « maintenant presque inusité » et pour le Larousse du xixe siècle il est usité seulement au sens de « celle qui consent une location ». Pourtant, en 2019, le nombre d’attestations du féminin bailleresse est nettement supérieur à celui de bailleuse. Tout cela aurait dû faire faire comprendre au rédacteur de la fiche du GDT que le féminin bailleresse est un terme technique peu attesté dans des textes ne relevant pas du droit mais encore courant « en style de notaire ». Le GDT est tellement préoccupé de la « langue courante » qu’il en oublie que son mandat est d’abord de rendre compte des usages techniques.

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Dans mon billet du 15 mars 2012, j’ai traité d’une autre affirmation douteuse du GDT sur l’usage d’un mot. Extrait :


« Le québécisme vanité […] est un emprunt à l'anglais tombé en désuétude ». Comme le montre le graphique suivant, le nombre d’attestations du mot vanité (pour désigner un meuble) a augmenté de 9 000 de juin 2011 à mars 2012. « Tombé en désuétude ? » Il ne tombe pas, il monte.


Les termes comptoir de salle de bain et vanité
dans les pages Web canadiennes en juin 2011 et mars 2012


« Le québécisme vanité […] est à éviter au profit de termes bien implantés dans l'usage comme comptoir de salle de bain et comptoir. » Comptoir de salle de bain est moins implanté dans l’usage que vanité.


« Le québécisme vanité, qui est un emprunt à l'anglais tombé en désuétude, est à éviter au profit de termes bien implantés dans l'usage comme comptoir de salle de bain et comptoir » : deux affirmations fausses dans la même phrase.


jeudi 5 décembre 2019

Que penser d’Usito?


J’ai pensé réunir dans ce billet pour les rendre facilement accessibles les principaux commentaires qui ont été formulés sur Usito, dictionnaire en ligne qui prétend offrir une « description ouverte de la langue française qui reflète la réalité québécoise, canadienne et nord-américaine ».

• La critique de Claude Poirier, ancien professeur à l’Université Laval et responsable du Trésor de la langue française au Québec :

Lire aussi, du même : « Usito en campagne »


• La critique de Lionel Meney, lui aussi ancien professeur à l’Université Laval, rejoint sur plusieurs points celle de Claude Poirier :

« Le dictionnaire québécois Usito, histoire d'un échec annoncé »

« Le dictionnaire québécois Usito, histoire d'un échec annoncé. Comparaison »



• Mes propres critiques, publiées dans ce blog, portant d’abord sur Franqus, l’ancêtre d’Usito, puis sur ce dernier :

« En-deçà des promesses / 8  : pour le patrimoine québécois, vous pourrez toujours repasser»
Sur l’origine du mot Usito : « Usito, c’est du caballus »
« Un dictionnaire qui manque de cran : Usito et les québécismes »