mercredi 26 décembre 2012

En deçà des promesses / 6


Suite de mon exploration du Dictionnaire de la langue française, le français vu du Québec, le Franqus.


Sur le plancher du conseil exécutif

L’altercation entre M. Bergeron et Mme Fournier a été vaguement évoquée sur le plancher du conseil, mais le malaise portait surtout sur des paroles prononcées devant témoins par le maire de l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, Luc Ferrandez.
Bryan Miles, « Des insultes en cadeau », Le Devoir, 19 décembre 2012


Le Franqus donne deux sens du mot plancher qui sont présentés comme des « anglicismes critiqués » : 1) étage, niveau ; 2) l’expression prendre le plancher « prendre la parole ». Mais il n’a pas relevé l’expression sur le plancher de (du conseil municipal, de la Chambre des communes, etc.).


Voici ce que dit Guy Bertrand dans Le français au micro :

On peut dire qu’on a laissé tomber une cuillère sur le plancher de la cuisine. En revanche, il faut éviter d’employer la locution sur le plancher de devant le nom d’une grande salle où se trouvent des gens. Cet emploi de la locution sur le plancher de est calqué sur l’anglais. Au lieu de parler d’un reporter sur le plancher du Palais des congrès et des députés sur le plancher de la Chambre, on parlera d’un reporter AU PALAIS DES CONGRÈS et des députés EN CHAMBRE.
Guy Bertrand, Le français au micro


Les problématiques

« Nous construisons à la verticale et non à l'horizontale » dit Me Rochefort, lorsque la juge lui demande ce qui la distingue de l'Association des constructeurs de route, qui demande aussi un statut. « Les problématiques sont donc très différentes », plaide-t-il.

Me Hurtubise dit que son association est intéressée par la problématique de la sous-traitance. La juge Charbonneau dit que ses membres risquent d'être affectés dans leurs tâches et leurs responsabilités par le rapport de la commission.


Quelques heures d’écoute des audiences de la Commission Charbonneau suffisent pour comprendre que les problèmes ont cédé la place aux problématiques. Cet usage n’a pas été relevé par l’équipe du Franqus.


Jobine

« Il n’y a plus de jobines », dit-il. « La caisse chez IGA, ça prend quasiment un bac pour la comprendre. Le travail est de moins en moins accessible pour les gens qui ont un handicap », dit-il en soulignant qu’environ les trois quarts des itinérants ont des problèmes de santé mentale.
Isabelle Porter, « Tellement maganés, tellement malades… », Le Devoir, 24 décembre 2012

L'année 76 n'était pas terminée que, d'autre part, un groupe de travail s'était déjà constitiué autour de Bernard Landry afin de déclencher dans les plus brefs délais, en improvisant au besoin, ces programmes de création d'emplois dont le taux de chômage soulignait dramatiquement la nécessité. Sous son acronyme exubérant, OSE (opération de solidarité économique), cet effort allait se poursuivre sans relâche, faisant d'abord apparaître plus de jobines que d'emplois durables, apprenant peu à peu à rectifier le tir et nous apportant surtout l'expérience concrète dont nous aurions tant besoin lors de la crise de 81-83.
René Levesque, Attendez que je me rappelle…, 1986 (cité d’après le TLFQ)


Le Franqus nous dit que « l’emploi de job est critiqué comme synonyme non standard de emploi, poste, travail ». Il ne dit rien de jobine dont le Trésor de la langue française au Québec offre 48 attestations, de 1957 à 2008.


Les forces

Le Franqus a bien « les forces armées » (s.v. force) mais ne mentionne pas que l’expression « les forces canadiennes » est habituelle pour désigner l’armée de terre, l’aviation et la marine.

La destruction de 3500 tonnes de BPC à la base des Forces canadiennes de Goose Bay, au Labrador, est maintenant terminée, a annoncé, hier, le ministre de la défense, Bill McKnight. Les 3500 tonnes [détruites] représentaient 40% de l'inventaire de BPC du gouvernement fédéral. Les produits chimiques ont été éliminés grâce à un incinérateur mobile. (Le Journal de Québec, 8 août 1990, source : TLFQ)


Dans la langue parlée, on entend fréquemment « les forces » pour désigner les forces armées canadiennes, usage qui a échappé aux rédacteurs du Franqus.


Coup de boule

On se rappellera le fameux coup de boule de Zidane… au « (UF) football » = « (UQ) soccer », expression absente s.v. boule.


Icitte

Voilà un mot qui m’est venu à l’esprit par hasard et qu’on ne trouve pas sous sa forme populaire dans le Franqus même s’il figure dans ce que les promoteurs du Franqus appellent des « textes de qualité » (comme les romans Maria Chapdelaine, Le Survenant, Bonheur d’occasion). L’hexagonal Trésor de la langue française informatisé n’a pas de scrupule à consigner cet usage régional :

Icit(t)e, (Icite, Icitte) adv., région. (notamment Canada, Centre et Ouest) (cf. HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 9; GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 158; GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 33; ROY, Bonheur occas., 1945, p. 182; LA VARENDE, Sorcière, 1954, p. 22).


Le Franqus ne donne droit de cité à icitte que dans sa liste des… acadianismes.


Lunch

Le Franqus dit : « (dans les pays de culture anglo-saxonne) repas rapide et léger pris au milieu du jour ». Il devrait ajouter, après « dans les pays de culture anglo-saxonne » : « et à Montréal ».


Le Franqus n’a pas le verbe luncher courant à Montréal pour signifier « prendre le repas de midi ». Je passe sur les expressions heure du lunch, boîte à lunch et sac à lunch qui ne sont suivies d’aucun commentaire normatif à la différence du mot lunch, « parfois critiqué » mais « passé dans l’usage standard ». Pour heure du lunch aucune mention de l’UF pause déjeuner, pause repas ni de l’UQ heure de dîner.


Cava

[…] à mon sens, le meilleur cava sur le marché actuel et une sincère découverte pour le groupe. […]Si la bulle n’a pas de goût spécifique, alors comment départager un champagne d’un cava espagnol ou d’un vouvray ligérien ?

Jean Aubry, « Le mousseux : quadrature de bulle réussie », Le Devoir, 21 décembre 2012



Le mot cava « vin mousseux catalan » est absent du Franqus.


À suivre

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