Hier soir, en furetant sur le site du
quotidien Le Soleil, j’ai appris que
le dictionnaire Usito, qui prétend offrir une « description ouverte de la
langue française qui reflète la réalité québécoise, canadienne et nord- américaine », est désormais accessible
gratuitement en ligne. Je me suis empressé de vérifier les termes dont j’ai
traité dans mon billet d’hier : support
athlétique, suspensoir, jockstrap/jacstrap.
Le Grand
Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française
(OQLF), qui prétend orienter l’usage, affirme que « les termes support athlétique et suspensoir [sont] bien implantés dans
l'usage. » Usito, qui déclare décrire le français standard en usage au
Québec, n’a aucun de ces deux termes. Il a toutefois le mot coquille au sens de « pièce
d’équipement destinée à protéger les organes génitaux masculins lors de la
pratique de certains sports ». Le mot jackstrap, pourtant courtant au Québec, n’a pas été relevé par nos
descripteurs du français québécois.
Dans plusieurs billets, j’ai critiqué le
traitement que réservaient Usito et son prédécesseur Franqus à un certain
nombre de québécismes. Ainsi du mot cossetarde.
Je me rends compte qu’Usito n’a rien changé dans la définition de ce mot :
pour lui, la cossetarde est une crème pâtissière. Je reprends donc le commentaire que j’ai mis en ligne le 21 juin 2013 :
Cossetarde ou costarde,
« synonyme non standard de crème pâtissière » selon le Franqus. En
français, custard peut être aussi un flan (déposé sur une abaisse
et doré au four, c’est un flan pâtissier) ou, comme le dit excellemment
le Grand Dictionnaire terminologique de la langue française de l’Office
québécois de la langue française, une crème anglaise (équivalence que ne
donne pas le Franqus s.v. crème) :
Crème aux œufs liquide comme une sauce, que les Anglais versent sur
presque tous leurs desserts comme étant une crème française (French custard)
mais dont les Français se servent beaucoup pour leurs entremets et pâtisseries
en l'appelant crème anglaise.
Je constate que cette excellente fiche du GDT a été refaite en 2016 par une
personne peu au fait des réalités québécoises et encore moins de la cuisine
anglaise et qui n’a gardé de custard
que le sens de crème pâtissière. Est-il si difficile de comprendre que le mot cossetarde peut avoir deux sens au Québec? Le terme French
custard (crème anglaise) est disparu du GDT (mais on y trouve custard sauce et custard). On refait des fiches, mais en moins bien. C’est la notion
du progrès qui semble avoir cours à l’OQLF.
Pour revenir à Usito/Franqus, le 2 décembre 2012, je constatais que « le mot
pelote n’a
pas dans ce dictionnaire son sens populaire québécois (comme quand Jean Charest
s’est fait accueillir en France par les mots « J'espère que vous n'avez
pas trop la plotte à terre ») et le mot chatte n’a
pas non plus son sens populaire français. » Le sens populaire de
ces mots n’a toujours pas été introduit dans Usito.
Une analyse du vocabulaire religieux dans
Franqus m’avait permis de relever quelques bizarreries. Ainsi, prie-Dieu était-il défini comme une « chaise basse sur laquelle on
s’agenouille pour prier et dont le dossier se termine en accoudoir ».
Ce qui correspond à ce que l’on voit dans les églises en France :
Mais pas à
ce que l’on appelle prie-Dieu au Québec :
Je cite sur
ce sujet mon billet du 6 novembre 2012 :
Comme
le déclarait en 2008 avec un à-propos, ou une inconscience, prémonitoire l’une
des responsables du groupe Franqus, « Dans les dictionnaires provenant de France, la mise en
contexte est européenne. La littérature québécoise est absente, tout comme les
mots spécifiquement utilisés chez nous […]. C'est acculturant » (La Croix, 5 juillet 2008). On sera moins acculturé par la définition suivante, pourtant tirée de l'hexagonal Trésor de la
langue française informatisé (TLFi),
car elle est plus proche de ce que l’on peut voir dans les églises
québécoises : « Meuble en bois, parfois capitonné, fait d'une partie
basse horizontale sur laquelle on s'agenouille pour prier, et surmonté d'un
accoudoir. »
Dernier exemple de non-description de l’usage
québécois que j’ai trouvé hier soir : à tombe, Usito ne signale pas que dans l’usage québécois ce mot
désigne un cercueil. Et à cercueil, on ne donne pas comme synonyme
québécois tombe. Cet usage n’a
toutefois pas échappé à l’attention du rédacteur du Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, qui le qualifie de familier.
En conclusion, Usito, nouveau nom de
Franqus, n’a pas corrigé de nombreuses lacunes que j’ai relevées il y a de cela
plus de cinq ans. Bien des usages québécois n’ont pas été relevés.
*
* *
J’ai publié une série de billets sur le Franqus – Dictionnaire de la
langue française, le français vu du Québec (le premier : En-deçà des promesses / 1). On lira aussi
avec profit l’analyse de Claude Poirier, « Usito : un pas en avant, un pas en arrière ».
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