vendredi 11 octobre 2019

L’influence d’un blog / 12

Changement de venue = dépaysement 

En 2011, pour fêter le cinquantième anniversaire de l’Office (québécois) de la langue française, j’avais fourni les matériaux pour combler une lacune du Grand Dictionnaire terminologique (GDT). En effet, celui-ci n’avait pas relevé le calque changement de venue, expression qui signifie qu’un procès sera jugé dans un autre district judiciaire. Il aura fallu huit ans pour que l’OQLF finisse par accepter ce cadeau et mette en ligne une fiche « dépaysement », équivalent français standard de change of venue.


Malheureusement la fiche s’accompagne d’une note qui appelle deux réserves :

L'emprunt changement de venue est déconseillé parce qu'il ne s'intègre pas au système linguistique du français. En effet, le mot venue, en français, a le sens d'« action, fait de venir », alors qu'en anglais, il désigne plutôt un lieu de rencontre ou de réunion. L'emprunt changement de venue est par ailleurs peu fréquemment employé au Québec.


Le calque changement de venue, comme tous les calques d’ailleurs, s’intègre parfaitement au système linguistique du français, c’est ce qu’on ne parvient pas à comprendre à l’OQLF. Il suffisait simplement de signaler que le mot venue n’a pas en français le sens qu’il a en anglais : est-ce trop difficile à dire ?


Par ailleurs, changement de venue est un terme technique. Quand on fait de la lexicographie générale comme on le fait à l’OQLF sous couvert de faire de la terminologie, il est normal qu’on trouve que ce terme est peu fréquent au Québec. Mais quand on prend la peine de faire la terminologie d’un domaine particulier, dans ce cas-ci le droit, on se rend compte que le calque en question est autrement plus fréquent, comme je l’ai montré dans mon billet de 2011. En tout état de cause, il était si peu fréquent, n’est-ce pas, qu’il figurait déjà dans Le parler populaire des Canadiens français de Narcisse–Eutrope Dionne (1909).


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