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La côte de la Montagne à Québec en face de l'archevêché vers 1909-1910 |
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)
À l’époque, la neige
est transportée à bord de « banneaux », c’est-à-dire des charrettes
tirées par un cheval.
[…]
Selon l’historien
Jean-François Caron, la Ville de Québec aurait entrepris de peindre ses « banneaux
à neige » en bleu, à partir de 1919. À la blague, on raconte que cela
aurait donné naissance à l’expression « être bleu de rage »...
—Le Soleil, 24 février 2025
Cette citation du Soleil me
fournit l’occasion de voir comment nos dictionnaires « nationaux »
traitent un québécisme devenu archaïsme.
Le mot banneau est
présent et défini dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office
québécois de la langue française (OQLF) : « Grande carriole basse ».
On dit que c’est un « canadianisme folklorique ou populaire ». La fiche
date de 1985. C’est pourquoi on n’a pas remplacé canadianisme par québécisme et
qu’on ne dit pas si le mot est acceptable « dans la norme
sociolinguistique du français standard en usage au Québec ». Ce dernier
renseignement fait cruellement défaut.
Banneau est
abondamment attesté dans le fichier lexical du Trésor de la langue française au
Québec mais il ne figure pas dans le Dictionnaire historique du français
québécois.
Le dictionnaire en ligne Usito
est plus complet que le GDT : « [Q/C] 1) Grande carriole
basse. Se promener en banneau. » ; 2) Voiture de charge
hippomobile ou tirée par des bœufs, sur roues ou sur patins; son contenu. Transporter
des légumes dans un banneau. Un banneau de terre, de pierres. ‘ le cheval
s’en était allé plus loin avec son banneau et [...] mangeait à pleine gueule du
beau blé d’inde’ (D. Potvin, 1925). » Pour le second sens, Usito
reprend le Trésor de la langue française de Nancy (TLFi) mais en supprimant la
définition « tombereau » et en omettant que le mot est aussi un
régionalisme en France :
− Région.
(Normandie, Canada). Tombereau :
1. ... ils
entreprirent d'épierrer la butte. Un banneau emportait les cailloux.
Tout le long de l'année, du matin jusqu'au soir, par la pluie, par le soleil,
on voyait l'éternel banneau avec le même homme et le même cheval,
gravir, descendre et remonter la petite colline. Flaubert, Bouvard et
Pécuchet, t. 1, 1880, p. 30.
− Le contenu de ce
tombereau :
2. − Des ossements...
des crânes? − Mais oui, Monsieur; si vous croyez qu'on prenait le temps
des fosses! Après les luttes, ici, hop! que je te cule et te bascule, au trou!
en vrague; tant que ça pouvait! Un banneau de terre par-dessus, et on va
à l'autre bout du champ... J. de La Varende, Les Manants du roi,1938, p.
145.
À l’entrée tombereau,
Usito ne fait pas de renvoi à banneau. Ce qui est un peu étonnant dans
un dictionnaire censé faire la valorisation du français québécois. Il peut être
intéressant de prendre la définition de tombereau du TLFi…
« Voiture
de charge hippomobile ou tirée par des bœufs, composée d'une caisse montée sur
des roues et qui peut être déchargée en basculant en arrière »
… et de la comparer avec celle
d’Usito :
« Voiture
de charge hippomobile ou tirée par des bœufs, composée d'une caisse
montée sur des roues et qui peut être déchargée en basculant en arrière. »
Les mots de la définition supprimés
par Usito ne sont pas anodins, ils situent chronologiquement le véhicule.