Dans Le Devoir d’aujourd’hui
(cliquer ici), Christian Rioux commente la déclaration de Jean-Luc Mélenchon « nous
parlons tous le créole ». Je ne commenterai pas cette sornette. Je vous
propose plutôt de regarder cette vidéo :
Dans Le Devoir d’aujourd’hui
(cliquer ici), Christian Rioux commente la déclaration de Jean-Luc Mélenchon « nous
parlons tous le créole ». Je ne commenterai pas cette sornette. Je vous
propose plutôt de regarder cette vidéo :
Dans
son billet « Quelques âneries relevées dans le tract des Linguistes atterrées », Lionel Meney relève celle-ci : « L’anglais ne
connaît pas de genre grammatical » (p. 17). Parmi les signataires du
tract, je connais deux ou trois linguistes fort respectables. Je ne comprends
pas comment cette sottise ait pu échapper à leur attention.
Il y
a trois genres en anglais et cela est particulièrement clair dans le système
pronominal : he, she, it. Dans cette langue, on doit même préciser si
le possesseur est un homme ou une femme (his, her) ou s’il est inanimé (its).
Certains
noms inanimés ont même un genre autre que le neutre : les voitures automobiles et les bateaux
sont féminins. Pour faire le plein d’essence, on dit fill her up (à ne pas
interpréter comme une injonction machiste !).
Il y
a un usage anglais des pronoms qui est particulièrement déroutant pour un
francophone et qui aurait dû signaler aux linguistes atterré·e·s qu’iels (!) étaient
dans l’erreur (encore eût-il fallu qu’iels connussent l’anglais à un niveau
dépassant l’Assimil) : c’est l’utilisation du pronom pluriel they pour
se référer à un antécédent indéterminé ou désigner une (seule) personne, ce qui
permet d’éviter d’en préciser le sexe. L’usage de they pour désigner un
singulier est ancien (remontant au Moyen Âge) mais il a été longtemps critiqué.
Avec la vague du politico-linguistiquement correct, il se généralise dans l’écriture
dite inclusive ou épicène. J’en ai relevé de nombreux exemples dans le dernier
roman d’Anthony Horowitz, Marble Hall Murders :
(1)
Someone’s
thrown themselves under a tube and the whole Central line is shut down.
(p. 165)
(2)
He
dressed, moved and smiled like someone who took care of themselves and knew
their efforts had paid off. (p. 242)
Dans
l’exemple 2, il est difficile de comprendre pourquoi l’auteur n’a pas écrit
plus spontanément care of himself et knew his efforts. Je me demande
si cela n’est pas dû au zèle intempestif de quelque copy editor.
Quiconque a déjà publié comprendra ce soupçon.
(3)
[…]
I saw someone creep out of her room […] and the next day she was dead. I can
even tell you how they did it […]. (p. 362)
L’exemple
3 est encore plus curieux. Il n’y a qu’un seul suspect, de sexe indéterminé (someone),
mais il devient pluriel dans la phrase suivante (they).
(4) Every child expects their mother to love them. (p.379)
Cette
dernière citation est un exemple chimiquement pur de l’utilisation d’un pronom
pluriel pour neutraliser l’expression du genre.
Lionel
Meney a mis en ligne récemment un billet sur le double langage d’Ocean Spray
qui appelle canneberges au Québec ce qu’il met en vente sous le nom de cranberries
en France (cliquer ici).
Malheureusement
il ne sait pas pourquoi ce fruit est vendu sous le nom de canneberge au Québec.
Je tiens le renseignement de Thérèse Villa qui fut à une époque (tournant des
années 1970) responsable de la terminologie des produits alimentaires à l’Office
de la langue française.
Un
article du règlement 683 du ministère de l’Agriculture d’avril 1967 avait rendu
obligatoire la présence du français sur les emballages des produits
alimentaires (article inspiré d’une disposition française beaucoup plus ancienne).
L’Office a laissé l’industrie choisir entre deux termes, atoca et canneberge.
À l’époque, l’industrie, c’était uniquement Ocean Spray et elle a choisi canneberge.
C’est ce qui explique la disparition progressive du mot atoca, cause que
le Dictionnaire historique du français québécois ignore (consulté le
2 juin 2025).
Dans
l’édition en ligne du Devoir du 30 mai je vois l’expression « peinturer
dans le coin ». L’emploi du calque (se) peinturer dans le coin (paint
oneself into a corner) dans un journal que certains considèrent comme un
média de référence pourrait laisser croire qu’il fait partie du « français
standard en usage au Québec ». Pourtant le dictionnaire qui est censé
décrire cette variété de français l’omet complétement (Usito consulté le
2 juin 2025). On la trouve pourtant dans le Wiktionnaire qui, lui, n’a pas
coûté un sou aux contribuables québécois.
Le verbe
peinturer est absent des monographies du Dictionnaire historique du
français québécois.
Je n’ai
rien trouvé sur se peindre dans le coin dans la Banque de dépannage
linguistique (BDL) ni dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office
québécois de la langue française (OQLF).
Suis-je
le seul à m’étonner de ce genre de lacune ?
« C’était
un travail en soi, de choisir les pièces à exposer », souligne Mme Limoges.
Piger dans un passé aussi riche et aussi bien conservé relevait de
l’exploit : les Ursulines, au fil de leur présence en terre d’Amérique,
ont amassé quelque 50 000 objets et œuvres d’art, en plus de constituer
une bibliothèque comptant 60 000 ouvrages. À ces quantités déjà
prodigieuses s’ajoutent aussi 235 mètres linéaires d’archives qui, mises bout à
bout, s’étaleraient sur un demi-kilomètre.
—« Les
Ursulines, premières ‘allumeuses d’étoiles’ de l’Amérique francophone », Le
Devoir, 14 mai 2025
235 mètres linéaires équivalent à un demi-kilomètre.
Ces mètres linéaires, on ne les a pas vraiment calculés comme on dit aujourd’hui en français populaire. Comme le fait remarquer l’Académie française (3 mars 2022), « [l]’emploi familier du verbe calculer en français, au sens de ‘remarquer quelqu’un, lui prêter attention’, vient vraisemblablement d’une traduction littérale de certaines phrases arabes. »
Lionel Meney a mis en ligne
il y a deux semaines un billet de blogue sur l’expression « boîte de vote »,
traduction littérale de ballet box (cliquer ici).
J’ai voulu voir ce qu’en
disaient les dictionnaires payés à même nos impôts.
Le Grand Dictionnaire
terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) n’a
pas enregistré boîte de vote. Il a une fiche « urne » (de
2022) où le synonyme boîte de scrutin fait partie de la liste des « termes
privilégiés ». Avec la note : « Parfois considéré à tort comme
un calque de l'anglais ballot box, le terme boîte de scrutin est
attesté en français depuis le XVIIIe siècle. » Qui a dit
que boîte de scrutin était un anglicisme ? On aimerait le savoir. Le GDT confond-il boîte
de vote et boîte de scrutin ? On peut par ailleurs se demander
quelle était la fréquence des élections avant la révolution de 1789. Je veux
bien concéder qu’il y avait des élections dans les ordres religieux. Mais l’affirmation
du GDT me paraît curieuse, d’autant plus qu’on ne sait pas sur quelle source
elle s’appuie.
La note du GDT continue :
« C'est vers 1845 que le terme urne, en référence à un des sens
latins de urna, fait son apparition […] ». On notera la maladresse
de l’expression. Il aurait fallu écrire : un des sens du latin
urna.
Le deuxième dictionnaire
payé à même nos impôts, le Trésor de la langue française au Québec
(TLFQ), n’a enregistré ni boîte de vote ni boîte de scrutin. Il
ne peut non plus servir à avaliser la datation du GDT. En consultant son
fichier de données, on découvre que la plus vieille attestation de boîte de
scrutin date de 1884 dans la Gazette de Joliette : « M. Ernest
Myrand, un jeune littérateur de Québec est à Ottawa où il soumet au département
des patentes, une nouvelle boîte de scrutin dont il est l'inventeur ». On
en trouve une seconde en 1897 mais c’est dans une correspondance privée. Et c’est
tout pour le xixe siècle.
Pour Usito, le troisième
dictionnaire payé à même nos impôts, « [l]'emploi de boîte de scrutin
est parfois critiqué comme synonyme non standard de urne ».
On peut se demander si la condamnation
de boîte de scrutin est légitime. On lit en effet dans Littré, s.v. scrutin :
« Manière de recueillir, dans une urne, dans une
boîte, les suffrages par des billets pliés […] ».
Chacun doit gérer sa propre fougère et trouver ses
propres solutions, parce que ce n’est pas réaliste de penser qu’on peut
transférer les déficits systématiquement au gouvernement.
—Geneviève
Guilbault, ministre des transports et de la Mobilité durable, citée par
Radio-Canada, 25 avril 2024
Ce sera bientôt la saison
des crosses de fougère. Le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office
québécois de la langue française (OQLF) continue d’affirmer que « dans
l'étiquetage de produits commerciaux, l'usage n'est pas encore fixé entre crosse
de fougère et tête-de-violon. » S’il y a bien un domaine où on
peut prescrire un usage, c’est celui de l’étiquetage des produits alimentaires
tant pour des raisons de santé publique que de loyauté des ventes et de
protection du consommateur.
Lire mes commentaires sur l’argumentaire
de l’OQLF en cliquant ici.