lundi 9 mai 2011

Le purisme pure-laine ou le Grand Bond en arrière

Le processus de modernisation du français au Québec suscite des résistances là où on l’attendrait le moins : chez une partie des terminologues de l’Office québécois de la langue française. Ce billet est consacré à l’analyse d’un courant de pensée qui se manifeste à l’Office depuis une dizaine d’années et qui, avec les départs à la retraite, tend maintenant à devenir majoritaire non nécessairement dans l'ensemble de l'organisation mais chez les terminologues. Selon ce point de vue, les tenants de la modernisation du français québécois sont des puristes. Or, cette affirmation est erronée dans la mesure où le propre du purisme est de vouloir conserver un état de langue ancien parce qu’il est jugé supérieur. Il y a de la malhonnêteté intellectuelle à traiter de puristes les personnes qui souhaitent que nous nous insérions davantage dans l’évolution du français et dans sa modernité.
L’accusation de purisme est l’arme habituelle dont se servent les adeptes de l’anti-modernité pour réduire leurs adversaires au silence. Tous les partisans de la modernité ont été traités de puristes. Même le Mutidictionnaire de Marie-Éva de Villers et Le Visuel de Jean-Claude Corbeil et Ariane Archambault n’échappent pas à ce soupçon.
On aura compris que les vrais puristes, les puristes pure-laine, sont ceux qui veulent nous faire revenir en arrière d’un siècle ou deux.
De façon caractéristique, le purisme pure-laine, comme il convient de l’appeler, cherche à maintenir en vie des mots ou des expressions qui tendent à disparaître en arguant du fait qu’ils étaient anciennement en usage au Québec. Ces puristes ont fréquemment recours à des citations de textes antérieurs au  xxe siècle pour justifier leur conservatisme.

Le purisme pure-laine a commencé à s’infiltrer à l’OQLF il y a une dizaine d’années. Progressivement, on a vu apparaître dans les fiches du Grand Dictionnaire terminologique des remarques comme les suivantes :
Le mot gravelle est attesté en ancien français au sens de « sable, gravier, grève » sous la forme gravele. Au XXe siècle, il est relevé en France dans plusieurs parlers régionaux sous diverses formes (gravielle, gravelle, gravella, graivole, etc.). Au Québec, ce mot, largement attesté depuis le début de la colonisation française, est encore utilisé dans la langue courante pour désigner du gravier et, parfois, un mélange de terre et de cailloux. Il a donné naissance aux syntagmes suivants : chemin de gravelle, route de gravelle, cour de gravelle, sentier de gravelle, côte de gravelle, voyage de gravelle et il a même donné lieu à une expression familière être à genoux dans la gravelle, qui marque la ferveur avec laquelle une requête est transmise. [fiche route de gravier de 2003]

Depuis le seizième siècle, dans la langue générale, le mot détour peut avoir le sens d'« action de parcourir un chemin plus long que le chemin direct qui mène au même point », et, par extension, « ce chemin ». C'est ce sens qui est employé dans la signalisation québécoise, les panneaux détour servant à baliser l'itinéraire prolongé résultant de la déviation.
La distinction faite au Québec entre la déviation de voie et le détour est présente dans toute l'Amérique du Nord; ainsi, la signalisation routière canadienne et américaine oppose diversion et detour. En signalisation routière française, on emploie le panneau déviation dans les cas où le panneau détour serait utilisé au Québec. De même, en Grande-Bretagne, on utilise le panneau diversion.
En anglais, le mot detour est un emprunt au français remontant au dix-huitième siècle. En anglais nord-américain, on a étendu son utilisation à la terminologie routière, ce qui a par la suite induit la même extension d'emploi du mot français détour au Québec. [fiche de 2001]

Le terme aréna est un emprunt ancien à l'anglais canadien arena. [fiche de 2006; le Dictionnaire historique du français québécois date l'emprunt de 1898; curieusement, on ne donne pas la date comme si une attestion de 1898 n'était pas assez ancienne]

L'emploi de mitaine pour désigner une moufle conçue pour effectuer certains travaux est relevé au Québec depuis 1779-1795. [fiche de 2001; formulation curieuse : depuis 1779 ou depuis 1795 ?]

La locution être à l'emploi de est d'un usage ancien et généralisé au Québec, tant dans le registre spécialisé que dans le registre courant. [fiche de 2003; signalons que le Bureau des traductions à Ottawa considère qu’il s’agit d’un anglicisme !]

Le terme vidanges est utilisé comme synonyme de déchets ou d'ordures ménagères dans la langue courante au Canada français depuis plus d'un siècle. Même s'il est encore critiqué dans certains ouvrages correctifs, il est conforme au système du français. Dans son édition de 1762, le Dictionnaire de l'Académie française atteste l'emploi du mot au pluriel pour désigner « les immondices, les ordures qu'on ôte d'un lieu qu'on vide, ou qu'on nettoie ». [fiche de 2006; à la lecture de la fiche, on ne sait pas très bien ce que recommande l’Office : d’un côté, il affirme que déchets ménagers serait plus exact que ordures ménagères et de l’autre il justifie l’utilisation de vidanges par son caractère historique; la fiche de 2006, dont le domaine est l’Administration publique, donne déchets ménagers comme terme principal mais une fiche de 2007 ayant comme domaine la protection de l’environnement lui préfère ordures ménagères]

Certains ouvrages déconseillent l'emploi du terme boyau d'arrosage en raison du fait qu'il est vieilli dans le reste de la francophonie. Cependant, ce terme est toujours prédominant dans l'usage au Québec (et ailleurs au Canada francophone), où il est généralement senti comme relevant du style soigné. [fiche de 2004]



La leçon du mulet du maréchal de Saxe

L'ancienneté ne saurait être en soi un indice de capacité. Le maréchal Bugeaud disait avec raison que le mulet du maréchal de Saxe avait fait la guerre pendant trente ans et était toujours resté un mulet.
Source : Wikipedia

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