mercredi 12 décembre 2012

En-deçà des promesses / 2


Je continue mon exploration « à sauts et gambades » du dictionnaire Franqus – Dictionnaire de la langue française, le français vu du Québec.  J’en étais à commenter le traitement du vocabulaire sexuel.


Crosser, crosseur 

Bref, nous conseillons aux politiciens actuels qui tentent de cadrer Daniel Breton comme un crosseur du système éhonté de s’installer devant YouTube et de réécouter l’intégrale des trois saisons des Bougon maintenant accessible gratuitement.
Daniel Pierre-Roy, « Un bien petit Bougon » (lettre), Le Devoir, 30 novembre 2012


Le verbe crosser est absent du Franqus. Pourtant on y trouve l’« UF (usage français) vulg. se branler » (s.v. branler) mais il n’a même pas comme synonyme l’« UQ (usage québécois) se crosser ». Il n’a pas non plus le québécois branleux, attesté en 1925 dans un texte du chanoine Groulx. En revanche, il est vrai que le Franqus admet qu’un évêque ou un abbé puisse être crossé (s.v. crosse : « Abbé, évêque crossé »). L’abbé peut aussi être mitré (s.v. mitré, mitrée).


Très intéressante, cette entrée mitré, mitrée, avec sa définition : « catholicisme Qui porte la mitre, qui a le droit de porter la mitre. » Notez la forme féminine mitrée et la mention catholicisme. Que je sache, il n’y a pas, dans le catholicisme, de femme évêque, ce qui est pourtant le cas dans une partie de l’église anglicane et chez les luthériens. Les exemples d’abbesses mitrées sont rares dans l’histoire et il ne semble pas qu’il y en ait eu au Québec. De nos jours, les femmes mitrées sont luthériennes ou anglicanes, pas catholiques. Le Trésor de la langue française informatisé (TLFi) a plus raisonnablement : « RELIG. CHRÉT. Qui porte la mitre. Abbé crossé et mitré. » Le Franqus aurait donc dû indiquer RELIG. CHRÉT., comme le TLFi, plutôt que CATHOLICISME.


Le Franqus, généralement très fort sur la féminisation, n’a pas de forme féminine pour évêque, présenté simplement comme « n.m. » (nom masculin). Avec comme exemple : L’évêque de Québec. Détail de l’histoire (comme dirait l’autre), l’évêque de Québec est devenu archevêque en 1819. Le Franqus serait-il en retard sur l’usage ?

Christina Odenberg, évêque luthérienne mitrée et crossée

Pour rester dans un domaine « con-nexe », remarquons que la définition de graine dans le Franqus exclut le sens québécois usuel… Dans un domaine tout aussi con-nexe, le mot pelote n’a pas dans ce dictionnaire son sens populaire québécois (comme quand Jean Charest s’est fait accueillir en France par les mots « J'espère que vous n'avez pas trop la plotte à terre ») et le mot chatte n’a pas non plus son sens populaire français. Pas de UQ noune non plus. On notera aussi que, selon notre dictionnaire, si on peut se faire faire une pipe (s.v. pipe), on ne peut s’en faire tailler une. Mais on trouvera l’expression se faire tirer la pipe (« UQ » = usage québécois).



Avec le règlement de l’affaire DSK, ceci n’est plus la pipe la plus chère du monde
(tableau de René Magritte, source : Wikipédia)
 

Baveux oui, licheux non

Notre société ne manque pas de baveux. Que ce soit Assathiany, Renaud, moi ou d’autres.
Elle compte heureusement quelques courageux, comme Philippe Béha.
Et elle souffre surtout de compter de plus en plus de licheux. Des licheux qui se contentent d’espérer en silence qu’on entende les baveux. »
Jean-François Nadeau, « Blaise, Pascal et les autres », Le Devoir, 1er décembre 2012


Baveux est dans le Franqus, mais pas licheux (mais il a le verbe licher). Pourquoi ? Les deux mots me semblent de même niveau.


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Pour vous distraire, je vous propose un extrait d’On n’est pas couché où Jonathan Lambert tient le rôle de Larousse. Il est accompagné du Petit Robert… qui ne parle qu’anglais (ce qui illustre le fait bien connu que les dictionnaires publiés à Paris sont pleins de mots anglais).



À suivre

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