mercredi 6 février 2013

Du salon à la chambre à air et à la rustine



Le point de départ de ce billet a été la phrase suivante que j’ai lue dans une lettre publiée dans Le Devoir le 31 janvier 2013 : « Tout le monde s'accordait sur les mérites du ministre Jean-François Lisée quand il se contentait de briller en salonnard de la télévision » (Hubert Larocque, « Les écarts du ministre Lisée »).


J’ai voulu vérifier, car on ne sait jamais…, si le mot salonnard figurait bien dans le Franqus, « Dictionnaire de la langue française, le français vu du Québec ». Puis mon attention a été attirée par le mot salon. Le Franqus nous dit que, dans l’usage québécois (« UQ »), le mot signifie « pièce d’une habitation destinée à la détente, aux loisirs, où l’on se réunit en famille et entre amis » ; il est alors synonyme de séjour. Mais comme le séjour est une « pièce servant à la fois de salon et de salle à manger », doit-on en conclure qu’au Québec on mange dans le salon ?


En passant, dans la plupart des familles, une « pièce destinée aux loisirs » s’appelle une salle de jeux.


Toujours pour le mot salon, le Franqus donne, sans marque, l’expression acheter un salon (où salon a le sens de « mobilier de salon »). Expression que je n’ai jamais entendue au Québec, même dans la publicité, où on utilise plutôt, au complet, mobilier de salon : « L'achat d'un mobilier de salon représente souvent un investissement important » (Marie-Christine Tremblay, « Choisir son mobilier de salon », Décormag, janvier-février 2013). Pour suivre la logique du Franqus, l’expression aurait dû être précédée de la marque UF (usage de France). Admettons donc que cet exemple montre bien à quel point il est difficile de faire le départ entre usage standard et usage de France dès lors qu’on laisse de côté tout ce qui relève des statalismes propres à la France (carte grise, conseillers généraux, route départementale, lycées, etc.)[1].


Passons du salon à la chambre. Au mot chambre, nous trouvons le terme chambre à air, défini ainsi : « Boyau circulaire en caoutchouc gonflé à l'air ». C’est la même définition que celle du Trésor de la langue française informatisé, à un détail près, un détail sans importance : le TLFi ajoute tout simplement que l’air est… comprimé. Reconnaissons-le, notre Franqus est gonflé quand il comprime à ce point les définitions.


On remarquera que, sous chambre à air, le Franqus ne donne pas le synonyme québécois tripe.


Mais il donne l’exemple réparer une chambre à air avec une rustine. Au mot rustine, il n’y a pas de mention de l’UQ patch, qui figure pourtant ailleurs comme anglicisme critiqué : encore une description incomplète de l’usage québécois.


Comme l’Office québécois de la langue française, le Franqus donne aussi à rustine le sens de « séquence de code informatique ajoutée à un programme pour corriger un bogue, etc. », ce qu’en anglais on appelle patch ou patch program(me). Mais, sous patch, « anglicisme critiqué », le Franqus nous dit qu’en informatique il s’agit d’un correctif et il ajoute la note suivante : « l’emploi de retouche et celui de correctif ont fait l’objet d’une recommandation officielle en France. » Pas de mention de la rustine du Grand Dictionnaire terminologique ! J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, je n’hésite pas à me répéter : encore une fois, c’est bien le français (de France) vu du Québec, comme le dit le sous-titre du Franqus, ce n’est pas le français vu et entendu au Québec.


Pour terminer, une coquille du Grand Dictionnaire terminologique, s.v. programme de correction :

« Les programmes de correction complétaient souvent les outils de diagnostic et d'inventaire an 2000 pour rendre compatibles avec l'an 2000 les horloges des PC et les logiciels qui ne l'étaient pas. »




[1]  Même l’argot français finit par s’introduire au Québec : flic, gratos, etc. Ce qui ne peut guère être le cas des statalismes.

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