mercredi 13 juillet 2016

Syndafall i Wilmslow




Notes de lecture sur une belle infidèle

Les belles infidèles sont des traductions qui prennent des libertés par rapport au texte d’origine. En est-il ainsi de la traduction du livre de David Lagercrantz, Syndafall i Winslow ? Le titre français, Indécence manifeste, est assez loin du titre original, « Cas de péché à Winslow » ou « Chute dans le péché à Winslow ». Le titre anglais en diverge moins : Fall of Man in Winslow.



Mais ce qui est le plus intéressant, c’est de voir comment, dans une traduction française d’une œuvre suédoise, on rend compte d’une action qui se situe en Angleterre. Des surprises nous attendent.


Ainsi apprend-on que les écoles privées en Angleterre s’appellent des « private schools » (p. 43*). Quel terme l’auteur avait-il utilisé en suédois ? Je l’ignore. En tout état de cause, il est absurde d’employer une expression anglaise incorrecte pour ajouter de la couleur locale au récit. En Angleterre, les écoles privées s’appellent des public schools. Cela peut paraître absurde, mais pas plus que d’autres appellations ou coutumes anglaises. Ainsi, à Cambridge (il est beaucoup question de cette ville et de cette université dans le livre), les bals de fin d’année (nos bals de « graduation ») ont lieu au cours de la May Week qui, comme son nom ne l’indique pas, a lieu en… juin et dure… deux semaines.


Page 98, on lit que « le juge d’instruction… devait statuer sur la cause du décès ». Le juge d’instruction est une institution française. Dans le droit anglais, c’est le coroner qui préside les investigations médico-légales. Ici, le traducteur a perdu une occasion de donner un peu de couleur locale à son récit.


À la page 106, il y a au menu « du shepherd’s pie avec des haricots et des pommes de terre ». Le shepherd’s pie, c’est notre pâté chinois. On voit mal pourquoi on y ajouterait un accompagnement de pommes de terre. Quant aux haricots, cela n’est peut-être pas invraisemblable, les Anglais ont l’habitude d’accompagner plusieurs plats de baked beans à la sauce tomate. Tout de suite après, on lit que les protagonistes « décidèrent de boire de la mild ale avant de passer au sherry ». On peut penser ce que l’on veut des habitudes gastronomiques anglaises, je crois qu’ici l’auteur pousse le bouchon un peu loin.


Plus tard, l’inspecteur Corell passe près de la chapelle de King’s College : « On entendait de l’orgue et un chœur. Corell était attiré par la chaleur, la lumière et l’odeur d’encens… » De l’encens dans la chapelle de King’s College ? Invraisemblable. Car la chapelle est plutôt Low Church, courant de l’église anglicane proche du protestantisme et qui refuse l’utilisation de l’encens au contraire de la High Church, qui se rapproche davantage des pratiques catholiques.


Je parlais, au début, de belles infidèles. Mais, au fond, on aurait tort de mettre sur le dos du traducteur quelques insuffisances qui sont dues à l’auteur lui-même.
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* Références d’après l’édition Actes Sud, 2016.


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