mardi 27 novembre 2018

No show


En fouillant un dossier sur la santé en Outaouais, je suis tombé sur une réalité dont on parle peu et qui me désole profondément : le fléau des no-shows, ces patients qui ne se présentent pas à leur rendez-vous chez un médecin spécialiste.
[…]
Le plus ahurissant, c’est que près de la moitié des no-shows (43 %), peu importe la spécialité, sont des cas classés urgents. Des cas qui devraient être vus en 28 jours ou moins.
[…]
Mais le plus triste, c’est que si ce n’était des no-shows, la grande majorité des cas urgents de l’Outaouais pourraient être vus par un médecin spécialiste dans les délais prescrits par le ministère de la Santé.
« Si on retire les no-shows, on atteint les cibles en urologie, en orthopédie et en néphrologie », estime le Dr Monette.

Patrick Duquette, « Ces patients qui ne se présentent pas », Le Droit, 22 novembre 2018


À l’heure où la francophonie ontarienne doit une fois de plus monter au front pour défendre ses droits, il est pour le moins curieux de voir qu’un journaliste du quotidien français d’Ottawa utilise un anglicisme sans même se donner la peine de le mettre entre guillemets ou en italiques (sauf lorsqu’il rapporte les propos d’un médecin comme si ce dernier pouvait prononcer certains mots en italiques !).


On trouve bien deux fiches dans le Grand dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) lorsqu’on l’interroge sur no-show mais elles sont en fait des doublons :





Ces fiches ou plutôt cette fiche a été produite en 1978 par l’ancienne Association française de terminologie (AFTERM). J’ai voulu savoir si le terme avait été traité à date plus récente par l’une des commissions de terminologie de France. Voici ce que j’ai trouvé dans la banque FranceTerme :





Avec les résultats de FranceTerme, je suis retourné interroger le GDT et j’ai alors trouvé qu’il y avait bien une fiche « défaillant » traduisant no-show :




Ce n’est pas la première fois que je trouve dans le GDT une réponse à une question… parce que, justement, je connais la réponse. Car, on l’a vu, si l’on interroge le GDT sur no-show, on n’a pas la réponse défaillant.


La fiche du GDT et celle de FranceTerme telle qu’elle apparaît dans le GDT ont comme domaine « hébergement et tourisme, transport ». Dans la banque FranceTerme, on a « tourisme, transport et mobilité», ce qui revient au même. La banque Termium du Bureau de la traduction (Ottawa) a un contenu plus riche puisque ses fiches « no-show » couvrent en plus les domaines de la citoyenneté et immigration (« défaut de se présenter, défaut de comparaître ») et de l’instruction du personnel militaire et de l’informatique (« absent »).


Mais l’usage de l’anglicisme no-show est beaucoup plus large. C’est ainsi qu’il est fréquent dans le domaine de la restauration. Une page du site Internet de Radio-Canada parle d’ailleurs de réservations non honorées dans les restaurants. Et dans un document produit par un hôtel français on parle d’annulation sans préavis. No-show s’emploie aussi dans les sports comme en témoigne ce texte de L’Équipe (23 avril 2018) :

Tony Yoka, suspendu un an avec sursis pour trois "no-show", devra finalement s'expliquer le 20 juin devant l'agence française de lutte contre le dopage.
Suspendu un an avec sursis, depuis le 12 décembre, par la Fédération française de boxe pour trois défauts de localisation lors de contrôles anti-dopage, Tony Yoka va devoir s'expliquer devant l'AFLD (agence française de lutte contre le dopage). 


Le Larousse anglais-français peine à trouver un équivalent de no-show, aussi propose-t-il deux traductions qui sont plutôt des définitions et dont la seconde appartient à un domaine d’utilisation non mentionné par les banques de terminologie habituelles, le monde du spectacle :



Tous ces domaines d’utilisation de l’anglicisme no-show, hôpitaux, immigration, instruction militaire, informatique, lutte antidopage, monde du spectacle, d’autres sans doute, sont passés sous silence dans le GDT.


Dans son plan stratégique 2018-2023, l’OQLF s’est fixé l’objectif ambitieux (!?!) de traiter 100 nouveaux termes chaque année (il ne manque pas un zéro, il s’agit bien du nombre cent) :







Quand on sait que depuis des années une partie des ressources de l’OQLF est occupée à produire des dossiers de « désofficialisation » (c’est-à-dire dénormaliser des dizaines de termes déjà officialisés et publiés dans la Gazette officielle) – mais après tout, comme le savait Pénélope, faire et défaire c’est toujours travailler – on comprend que produire annuellement 100 nouvelles fiches terminologiques peut paraître audacieux, voire téméraire.


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