Notre
travail à Sherbrooke porte en grande partie sur la description de ce français
québécois standard. Nous avons constitué une banque de données textuelles qui
comprend quelque 500 textes différents, plus de 5 millions de mots ; nous
avons un modèle de description prédictionnairique des mots attestés en français
québécois ; nous avons à l'heure actuelle plusieurs milliers de telles
fiches. La description du français québécois est ainsi bien amorcée à Sherbrooke. Son originalité : il ne s'agit pas d'adaptations de dictionnaires français
(Hachette, Robert, etc.), comme ce fut le cas jusqu'à présent.
De plus, ce dictionnaire du
français standard en usage au Québec a été entièrement rédigé au Québec. « C'est un nouveau dictionnaire, pas
l'adaptation d'un dictionnaire existant, dit Pierre Martel. Toutes les définitions et le
contenu sont de nous. On est parti de zéro. »
– Pierre
Vallée, « En réalisation à l’Université de Sherbrooke – Un dictionnaire québécois ‘standard’ aux 50 000 mots », Le Devoir, 29 mars 2008
Claude Poirier et Lionel Meney (cliquer ici
et ici) ont déjà montré que l’architecture des articles du dictionnaire Usito reprend souvent celle du Trésor de la langue française (TLF),
dictionnaire en 16 volumes (plus supplément) produit à Nancy et depuis
plusieurs années disponible gratuitement en ligne. Lionel Meney va même plus
loin lorsqu’il affirme :
Usito, prétendument
« dictionnaire général et complet » du français québécois, a en
réalité repris massivement les termes, les sens et les définitions du
dictionnaire du Centre national de la recherche scientifique de France le
Trésor de la langue française en 16 volumes. (« Le dictionnaire québécois Usito, Victor Hugo et la pieuvre »).
Contrairement à Claude Poirier et à Lionel
Meney qui ont effectué leurs analyses sur des entrées du dictionnaire Usito relativement longues, dans ce
billet je me contenterai de faire des comparaisons d’articles courts pour que
soit plus facilement perceptible la dette d’Usito,
« nouveau dictionnaire, pas l’adaptation d’un dictionnaire existant »,
envers le Trésor de la langue française.
Usito
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Trésor de la
langue française
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Pallium
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1 Antiq. Manteau des Grecs, adopté par les Romains,
formé d'un grand carré ou rectangle de laine, drapé de différentes façons.
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A. ANTIQ. Manteau des
Grecs, adopté par les Romains, formé d'un grand carré ou rectangle de laine,
qu'ils drapaient de différentes façons.
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2 catholicisme Bande de laine blanche, en forme de cercle
duquel pendent deux bandes verticales, ornée de six croix noires, que portent
par-dessus leurs habits pontificaux le Pape, les archevêques dont elle est
l'insigne distinctif, et certains évêques auxquels elle est accordée par
faveur particulière.
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B. LITURG. CATHOL. ROMAINE. Bande de laine blanche, en forme de
cercle duquel pendent deux bandes verticales, ornée de six croix noires, que
portent par-dessus leurs habits pontificaux le Pape, les archevêques dont
elle est l'insigne distinctif, et certains évêques auxquels elle est accordée
par faveur particulière.
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3 anat. Cortex cérébral.
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C. ANAT. Synon. de cortex* cérébral.
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L’exemple se passe de commentaire.
Usito
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Trésor de la
langue française
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Péplum
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1 Dans l'Antiquité, tunique sans manches, agrafée sur les
épaules.
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A. 1. ANTIQ. GR. ET ROMAINE. Vêtement féminin formé d'une grande
pièce d'étoffe rectangulaire, maintenue sur les épaules par deux agrafes,
avec un rabat retombant à l'extérieur.
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2 fam. Film à grand
déploiement dont l'action se déroule pendant l'Antiquité.
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B. CIN. Film ayant pour
sujet un épisode de l'Antiquité ou des aventures (réelles ou fictives) se
passant pendant l'Antiquité.
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Dans l'exemple ci-dessus, on notera que si Usito a reformulé la première
définition, il en a oublié un élément important : le péplum n’est pas n’importe
quel vêtement mais un vêtement féminin. Par ailleurs, on ne voit pas en quoi un
terme plutôt savant comme péplum, terme technique relevant de l’histoire, peut
être qualifié de familier.
Usito
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Trésor de la
langue française
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Boy
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A. Jeune garçon
anglais
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Jeune
indigène autrefois employé comme domestique dans les pays coloniaux.
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B. (Jeune)
domestique indigène au service d'un Européen dans les pays coloniaux ou
ex-coloniaux d'Afrique noire ou d'Asie
P. ext. Domestique
de couleur, serviteur
En partic. Palefrenier
des chevaux de course
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C. Soldat américain
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Des trois définitions du TLF, Usito n’en a retenu qu’une, qu’il a
légèrement reformulée.
Usito
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Trésor de la
langue française
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Dantesque
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1 Relatif à Dante ou à son œuvre.
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A. 1. Propre
à la poésie de Dante.
2. Qui a
pour objet l'étude de la poésie de Dante.
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2 Qui imite ou rappelle le caractère terrifiant et grandiose
de l'œuvre de Dante.
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B. Qui imite ou
rappelle le caractère (terrifiant, grandiose etc.) de la Divine Comédie de
Dante.
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Réécriture de la première définition, copie
presque textuelle de la seconde.
Usito
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Trésor de la
langue française
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Cran
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1 Entaille pratiquée dans un objet dur, pour y accrocher ou y
retenir qqch.
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A. Entaille
pratiquée dans un objet dur, pour y accrocher ou y retenir quelque chose
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2 Entaille pratiquée dans un objet pour servir de marque.
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Entaille pratiquée dans un objet pour servir de marque.
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3 Trou d’une
courroie servant d’arrêt.
Serrer,
desserrer sa ceinture d’un cran.
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Trou (d'une série) servant à fixer. Crans d'une ceinture.
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4 F/E Ondulation,
naturelle ou non, d’une chevelure.
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Usuel, MODES. Ondulation de la chevelure, pouvant être
naturelle ou due à l'action d'un peigne, d'un fer ou d'une mise en plis.
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(Sens absent)
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GÉOL. Roche stratifiée. Des
crans de tuf (BÉL. 1957).
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Pour ce dernier exemple, tant Usito que le TLF offrent
deux entrées (la seconde portant sur cran
au sens de « courage, audace »). Je n’ai retenu pour la comparaison
que la première entrée. La description donnée par le TLF est beaucoup plus détaillée,
je ne l’ai donc pas reproduite au complet.
Les deux premières définitions d’Usito sont mot pour mot celles du TLF.
Et Usito n’a pas repris le québécisme
cran (« roche stratifiée »).
Il est vrai que le TLF n’a pas ajouté qu’il s’agit d’un terme canadien ;
mais les rédacteurs d’Usito auraient dû être alertés par la référence du TLF au
Dictionnaire général de la langue
française au Canada d’Alexandre Bélisle (c’est le sens de l’abréviation
BÉL. 1957).
Alors, Usito est-il ou n’est-il pas l’adaptation
d’un dictionnaire français ? Usito a-t-il vraiment été rédigé entièrement
au Québec ?