Dans le billet précédent il était question
de la séquestration du jury dans
certains procès au Canada. Une simple vérification sur Google montre à quel
point l’expression est courante dans les médias du Québec. Le Grand
Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue français
considère que cette expression est un anglicisme (fiche de 2007). On trouve
dans les archives de l’Office cette capsule linguistique :
« ... les
jurés ne sont pas séquestrés. »
Dans certains
procès, le jury est isolé du monde extérieur le temps de délibérer pour en
arriver à un verdict. Cet isolement est souvent très strict, les jurés devant
être tenus éloignés de toute influence extérieure et surtout médiatique. C'est
d'ailleurs pourquoi ils sont en général surveillés de très près et confinés
dans des lieux (généralement un hôtel) où ils n'ont aucun contact avec
l’extérieur (ni radio, ni journaux, ni télé), ne peuvent parler à d'autres
personnes que les membres du jury, et ce, pendant toute la durée de leurs
délibérations qui peut aller de quelques heures à plusieurs jours.
L'anglais to
sequester et son dérivé sequestration ne doivent pas être rendus en
français par séquestrer et séquestration. Ces termes n'ont pas ce
sens en français, on emploiera plutôt isoler ou isolement, et
pour insister sur le caractère très strict de cet isolement, on pourra préciser
que le jury est coupé du monde extérieur, gardé sous surveillance policière,
tenu dans un lieu sans contact avec l’extérieur, etc., ou parler d’isolement
total, complet ou absolu.
Source : http://www.oqlf.gouv.qc.ca/actualites/capsules_hebdo/actualites_terminolinguistique/luetentendu_sequestre_20070712.html
Selon le Trésor de la langue française
informatisé, la séquestration est l’« action de priver une personne de sa
liberté en la maintenant enfermée, isolée du monde extérieur ». En droit
pénal, c’est l’« action de priver illégalement et arbitrairement quelqu'un
de sa liberté, ce qui constitue un délit ou un crime. Synon. détention*
arbitraire, internement arbitraire. » Même si la séquestration peut
aussi être, par analogie et au figuré, le « fait d'être isolé ou de
s'isoler, de se maintenir à l'écart de quelque chose », il me semble qu’il
serait abusif de se servir de séquestration
en parlant d’un jury maintenu incommunicado
puisque, dans le domaine du droit, le mot a déjà un tout autre sens.
La fiche du GDT entre en contradiction avec
le Dictionnaire de droit québécois et
canadien de Hubert Reid :
Le juge dit le droit. L’Office est censé dire la norme. Dans le cas de l’expression
séquestrer un jury, à qui se fier ?
On trouvera d’autres exemples de conflits
de normes dans les billets suivants :