Hier,
au cours d’une recherche, j’ai abouti, de fil en aiguille, à la fiche « solastalgie » du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue
française. Le mot désigne la « détresse
ressentie par une personne devant les pertes ou les modifications touchant son
environnement immédiat en raison des changements climatiques. » Le GDT
ajoute que « la solastalgie ainsi que l'écoanxiété sont des concepts
récents qui ne font pas l'unanimité ; en outre, certains les considèrent
comme des synonymes. » Comment des concepts peuvent-ils être
des synonymes ? Ce sont les mots qui sont des synonymes.
D’où peut bien venir ce mot de solastalgie ? Selon le GDT, « Le
terme solastalgie est formé de solas-, du latin solacium, signifiant « réconfort », et du suffixe –algie [d’origine grecque], signifiant « douleur », sur le modèle
de nostalgie. » Petit
problème étymologique : d'où vient le t et comment se fait-il que le c du latin solacium
aboutisse à un s dans le mot
français ? Évidemment, si l’on prononce le latin à la française, le saut
de c à s ne paraît pas impossible. Mais au Québec, on a, depuis la réforme
de Pie X, prononcé le latin à
l’italienne, ce qui a donné la prononciation tch, plus exactement [tʃ], pour le c placé devant un i, un e ou les diphtongues ae, oe. Dans la prononciation dite reconstituée, qui a cours dans
les universités, le c latin se prononce
toujours [k]. Si, comme le prétend le GDT, le mot solastalgie provient vraiment du latin solacium, on s’explique mal
le s, on devrait écrire solactalgie (ou plutôt solacioalgie, sans t; on aurait peut-être pu
envisager un recours au verbe solor : soloralgie). Mais foin de
ces considérations oiseuses ! L’étymologie du mot n’est pas à chercher du
côté des langues anciennes. Comme on peut le déduire du site de la BBC, le GDT a tout
simplement procédé à une adaptation minimale d’un mot-valise anglais (ce qui explique le s et le t) :
'Solastalgia’ – a portmanteau of the
words ‘solace’ and ‘nostalgia’ – is used not just in academia but more widely,
in clinical psychology and health policy in Australia, as well as by US
researchers looking into the effects of wildfires in California.
It describes the feeling of distress
associated with environmental change close to your home, explains Albrecht.
Cet Albrecht est le philosophe australien Glenn Albrecht qui a
créé le mot en 2003. Dès 2015, solastalgia
apparaissait sous sa forme anglaise dans un article du Devoir.
La
fiche « solastalgie » du GDT est datée de 2019. La création néologique
dans le GDT, même quand elle ne fait qu’adapter orthographiquement des mots anglais,
est donc très en retard par rapport à l’apparition des néologismes anglais. Et je ne commenterai pas davantage la façon de faire de l'étymologie à l'OQLF, me contentant de noter que l'explication étymologique que les rédacteurs du GDT proposent n'explique ni le c ni le t du terme qu'ils proposent.
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