mercredi 19 octobre 2016

Troisième lettre persane


Le chanoine T***, qui fut de nombreuses années archiviste du Petit Séminaire de Québec, m’a permis de recopier un texte apparemment de Pascal, puis m’a aussi communiqué deux ébauches que Montesquieu n’aurait pas retenues dans les Lettres persanes et qui m’ont paru, elles aussi, apocryphes. Je n’avais plus de ses nouvelles depuis plusieurs mois. Or voici que mon bon chanoine me fait tenir une nouvelle lettre persane qui ne semble pas plus authentique que les précédentes. On se perd en conjectures sur ce qui pouvait conduire à écrire ces parodies en Nouvelle-France : peut-être les longues nuits ennuyeuses de l’hiver y furent-elles pour quelque chose.


Rica à Usbek

Je t’ai déjà écrit qu’il existe dans le Nouveau Monde un Cabinet d’Endogénisation qui détermine les mots qui doivent être naturalisés en ce pays. Les dervis de ce Cabinet, dont les arrêts sont tout aussi inutiles que non respectés, pour asseoir leur autorité déclinante, ont convoqué ces jours derniers à Québec un conciliabule dont on a bien pris soin d’écarter les gêneurs. Les membres de cette confrérie n’ont jamais réussi à intéresser le monarque dans ces gamineries, aussi cherchent-ils l’appui de leurs congénères des marches du royaume à qui ils n’ont pas hésité à faire faire une aussi périlleuse traversée.

On dit que depuis longtemps les dervis de Québec veulent imposer une gabelle sur les mots venant des colonies anglaises. Les mots seront donc taillables à défaut d’être corvéables.


Il sera facile de se soustraire aux nouveaux fermiers de la gabelle, qui connaissent mal la langue anglaise. On connaîtra donc le faux saunage des mots, il suffira de donner aux mots anglais une apparence vaguement française.


Pour l’heure les Bostonnais regardent la situation avec amusement. Ils savent que le jour où ils voudront s’installer à Québec, ce ne sera pas sous le couvert des mots mais en habit rouge.

De Québec, le 22 de la lune de Chahban 1715




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