lundi 1 avril 2019

La néologie, parente pauvre du GDT



Pensez ici à ce que promeuvent les adeptes du refus de se faire vacciner ou de faire vacciner ses enfants ; aux promoteurs de l’idée que la terre est plate ; à ces personnes persuadées que des chemtrails existent ; et ainsi de suite. On a même créé un mot nouveau pour désigner ces gens : on les appelle des dénialistes.
Normand Baillargeon, « Précieuses connaissances inflexibles », Le Devoir, 30 mars 2019


Je dois dire que le titre de la dernière chronique de Normand Baillargeon me laisse perplexe. Je me demande si le terme de connaissances inflexibles n’est pas un calque de l’anglais. Une recherche rapide me montre qu’il s’agit d’un concept de la psychologie cognitiviste récupéré en sciences de l’éducation. Ce dernier fait n’a pas de quoi surprendre quand on connaît le jargonisme* qui sévit dans ce domaine. Le terme de connaissances inflexibles signifie simplement que ce que l’on apprend par cœur demeure le plus souvent superficiel, c’est un savoir qu’on n’est pas capable de transposer dans un domaine différent. C’est une évidence qui est connue depuis des siècles et cela démontre une fois de plus que les sciences de l’éducation sont les seules sciences où on n’a jamais fait aucune découverte**. À défaut, on jargonne. En tout état de cause, le terme connaissances inflexibles n’est pas traité dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF).


Quant à chemtrails, il s’agit d’un mot-valise anglais (chemical trails) entré dans cette langue dans les années 1990 (selon l’Oxford). Il n’est pas traité dans le GDT. Voici ce qu’en dit Wikipédia :

La théorie conspirationniste des chemtrails [kɛmtreɪls] avance que certaines traînées blanches créées par le passage des avions en vol sont composées de produits chimiques délibérément répandus en haute altitude par diverses agences gouvernementales pour des raisons dissimulées au grand public. Cette théorie est rejetée par la communauté scientifique qui indique qu'il s'agit de simples traînées de condensation.


Troisième néologisme relevé dans la chronique de Normand Baillargeon : dénialistes. On ne sera pas étonné d’apprendre que le GDT n’a pas de fiche dénialisme. Cherchons donc du côté de Wikipédia : « dans la psychologie comportementale, le dénialisme est le choix de nier la réalité. » Le terme est évidemment d’origine anglaise (denial). Si on veut penser en français, on recourra au mot négationnisme (absent lui aussi du GDT). Les mots dénialiste et dénialisme sont attestés en français, tant en France qu’au Québec, depuis plus d’une dizaine d’années mais ils n’ont pas attiré l’attention des terminologues de l’OQLF. On les trouve dans le magazine Québec Science en 2015. On pourrait penser que l’OQLF devrait au minimum répertorier en priorité les néologismes qui apparaissent dans cette revue.
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* Autre mot absent du GDT.
** Je ne suis pas l’inventeur de cette formule. Je l’ai lue dans Le Devoir il y a plusieurs années (c’était à l’époque où Lise Bissonnette était directrice) à l’occasion d’une polémique sur les sciences de l’éducation.


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