mardi 25 mars 2025

La gestion des crosses de fougère

 

Chacun doit gérer sa propre fougère et trouver ses propres solutions, parce que ce n’est pas réaliste de penser qu’on peut transférer les déficits systématiquement au gouvernement.

Geneviève Guilbault, ministre des transports et de la Mobilité durable, citée par Radio-Canada, 25 avril 2024

 

Ce sera bientôt la saison des crosses de fougère. Le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) continue d’affirmer que « dans l'étiquetage de produits commerciaux, l'usage n'est pas encore fixé entre crosse de fougère et tête-de-violon. » S’il y a bien un domaine où on peut prescrire un usage, c’est celui de l’étiquetage des produits alimentaires tant pour des raisons de santé publique que de loyauté des ventes et de protection du consommateur.

Lire mes commentaires sur l’argumentaire de l’OQLF en cliquant ici.

 

lundi 24 mars 2025

Cinquantième anniversaire


C’est aujourd’hui le cinquantième anniversaire du déclenchement de la grève (illégale) des occasionnels[1] de la Régie de la langue française[2].

L’arrêt spontané de travail avait été provoqué par le renvoi de cinq représentants élus par les employés occasionnels du bureau de Québec. Le conflit me semble avoir été couvert principalement par le Journal de Québec dont les archives, apparemment, ne sont pas dans le site BAnQ. Je n'ai guère trouvé que cet article du Devoir du 27 mars 1975 :

Le problème est particulièrement aigu à la Régie de la langue française, qui a succédé au défunt Office de la langue française, où pas moins de 70% des employés sont des occasionnels même s’ils œuvrent au même emploi[3] depuis deux, trois, quatre et même cinq ans.

Une association vient d’être formée par les occasionnels de la Régie et la direction a rétorqué en signifiant le non-renouvellement de contrat des cinq leaders de cette association. [Partiellement FAUX : il y avait un sixième représentant travaillant sous Jean-Claude Corbeil et qui, lui, n’a pas été mis à la porte.]

Rappelons que lors de la création de la Régie les employés permanents avaient été désyndiqués au prétexte que la Régie relevait du Conseil exécutif. Ce qui explique que, pour eux, la solidarité était difficile. L'essayiste Gilles Leclerc et une bibliothécaire ont été les deux seuls employés permanents à refuser de franchir sous escorte policière la ligne de piquetage.

Un ancien collègue, Donald Belley, m'a envoyé copie d'un article du Journal de Québec de début avril 1975 qui montre que le climat a parfois été tendu sur la ligne de piquetage :

 

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

Pendant toute la durée de la grève il y a eu dans la rue près des bureaux de la Régie une voiture tellement sale qu’on n’avait pas besoin de voir les deux personnes dans l’habitacle pour savoir qu’il s’agissait d’une voiture banalisée. Il est vrai que le lieu de réunion des grévistes était le local du Parti communiste. Je me rappelle qu’on y voyait sur une étagère les œuvres complètes de Lénine.

Le directeur de l’époque, Jean-Claude Corbeil, a négocié la sortie de crise avec le ministre Oswald Parent (connu pour être intransigeant) et, seul, sans aucun accompagnateur, il est venu la présenter aux grévistes assemblés au Pavillon technique du cégep de Limoilou, boulevard Langelier. Je n’ai pas connu de patron plus courageux.

Après cette grève, le climat de travail a été pourri pendant des années au bureau de Québec. En 1980 j’ai été heureux de pouvoir m’en aller au Conseil de la langue française.



[1] Employés occasionnels = employés en c.d.d.

[2] La Loi sur la langue officielle (loi 22) avait ainsi nommé l’Office de la langue française. La Charte de la langue française a repris l’ancienne appellation.

[3] « Ils œuvrent au même emploi » : quel style !

vendredi 7 mars 2025

Dans le panneau

 

Le mot « STOP » sur un panneau d’arrêt, au Canada comme au Québec, est de l’anglais et contrevient à la Loi sur les langues officielles lorsqu’il est affiché sur les lieux des organismes fédéraux, comme les aéroports et les parcs nationaux. C’est ce que reconnaît un récent rapport du Commissariat aux langues officielles, qui s’oppose ainsi à la position de l’Office québécois de la langue française (OQLF).

Selon la Loi sur les langues officielles, « tous les panneaux et enseignes signalant les bureaux d’une institution fédérale doivent être dans les deux langues officielles, en conformité avec le principe d’égalité réelle », explique le Commissariat aux langues officielles dans une réponse écrite.

Le Devoir, 7 mars 2025

 

Je croyais que la polémique sur l’utilisation du mot « stop » sur un panneau de signalisation était terminée. Car, comme le rappelle Le Devoir, « le mot ‘ stop ‘ est accepté par les dictionnaires et par l’OQLF ».

L’ancienne Régie de la langue française avait adopté en avril 1976 une résolution normalisant le mot «stop» pour signifier «arrêt» (Le Devoir, 18 juillet 1978). La question s’est à nouveau posée lorsque, à la suite de l’adoption de la Charte de la langue française, un nouvel Office de la langue française (OLF) a remplacé l’éphémère Régie. Le docteur Jacques Boulay, qui en 1978 était membre du « collège » de l’OLF, avait déclaré que « le mot "stop” représente pour les Québécois, et ce depuis nombre d’années, le symbole de l’unilinguisme anglophone » (Le Devoir, 18 juillet 1978). Il introduisait ainsi dans le débat une dimension sociopolitique.

J’ai voulu vérifier la position du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Résultat de ma consultation : 1067 fiches ! Je me suis contenté de la fiche « panneau ARRÊT » qui est apparue dans la première page des résultats. On y trouve la note : « Depuis 1992 au Québec, l'arrêt obligatoire peut être signalé soit par la mention ARRÊT, soit par la mention STOP, mais il n'est plus permis d'afficher les deux inscriptions (ARRÊT STOP) sur un même panneau. » On ne nous dit pas si l’un ou l’autre de ces mots est conforme à la norme sociolinguistique du français en usage au Québec, formule dont le GDT a l’habitude. Pourtant le choix entre ces deux mots a fait polémique pendant des années. Si l’on faisait un sondage il est bien possible que plusieurs Québécois répondraient que le terme correct est ARRÊT mais qu’ils ont l’habitude de dire STOP. En fait, si je me fie à mon expérience, les Québécois disent plutôt « un ARRÊT STOP ». Le GDT n’a pas à entériner cet usage populaire mais il est quand même étonnant qu’il ne le mentionne pas. Il en va de même du dictionnaire en ligne Usito qui prétend pourtant décrire l’usage du français au Québec. Le Trésor de la langue française au Québec n’en offre que peu d’attestations, comme cette citation d’Yves Beauchemin : « Rue Sherbrooke Ouest, le vieux monsieur Scothfort, son panama rejeté en arrière, contemple, navré, un panneau de circulation. L'ARRÊT / STOP installé depuis toujours au coin de la rue vient de se métamorphoser lui aussi en simple ARRÊT ».