mercredi 25 septembre 2019

La néologie, parente pauvre du GDT/2


À plusieurs reprises (par exemple, ici), j’ai écrit dans ce blog que le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), qui prétend orienter l’usage, peine en fait à le suivre et à le décrire. J’en trouve un nouvel exemple dans cette vidéo de la France insoumise sur le lawfare (création à partir warfare) dont est victime son chef :



Le mot n’apparaît pas dans les dictionnaires courants de la langue anglaise que j’ai consultés (Oxford, Webster, Collins). On en trouve une définition dans Wikipédia : « Lawfare is a form of war consisting of the use of the legal system against an enemy, such as by damaging or delegitimizing them, tying up their time or winning a public relations victory. » Termium, dans une fiche du domaine de la stratégie militaire, le traduit par « guerre du droit ». Le terme est absent du GDT, qui s’en étonnera ?


Le terme anglais est maintenant utilisé en français et son acception s’élargit, comme l’indique cet extrait d’un article de Libération (« ‘Lawfare’ : pourquoi il faut prendre Jean-Luc Mélanchon au sérieux », 24 septembre 2019) :

Ce terme anglais est utilisé, au moins dès 1975, par John Carlson et Neville Yeomans pour mettre en avant le caractère utilitariste du droit occidental (par opposition notamment à la tradition juridique chinoise), le fait d’en user comme une arme plutôt que comme un moyen pour atteindre l’harmonie et l’équilibre. L’anthropologue John Comaroff (2001) l’emploie pour désigner l’usage du droit comme moyen de domination en contexte colonial et postcolonial. Le terme est ensuite popularisé par le général Charles Dunlop et les milieux néoconservateurs américains comme instrument mis ouvertement au service de la guerre. Comme tous les concepts, il évolue et fait l’objet de divers usages. Mais avant comme maintenant, il permet de mettre en exergue le caractère utilitariste du droit aux dépens justement de la justice.
La forme de lawfare telle que mentionnée dans l’appel «Stop lawfare» a ceci de spécifique qu’elle s’appuie également sur l’instrumentalisation des médias pour faciliter des condamnations, et ce même sans élément probant. L’affaire Lula en est un cas d’école depuis les révélations du site d’investigation The Intercept. Et c’est là un phénomène d’autant plus inquiétant. Car affirmons-le ici : nulle part sur Terre la justice n’est totalement indépendante des rapports de pouvoir et du contexte dans lequel elle opère. Or, en condamnant médiatiquement La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon, alors que sur le fond il n’y a même pas de mise en examen, une bonne partie des médias contribue depuis près d’un an à rendre le contexte défavorable à une justice sereine. Et, compte tenu de ces circonstances, on ne peut reprocher à Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise de faire valoir leurs droits mais aussi de tenter de rétablir leurs réputations en dénonçant une instrumentalisation de la justice à des fins politiques.


Le mot lawfare a même été utilisé par le pape François :



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