Avant aujourd’hui, j’avais entendu à
quelques reprises l’expression roman
graphique, en particulier à l’émission Plus
on est de fous, plus on lit, mais je n’y avais guère porté attention. Cette
fois-ci, j’ai pensé aller voir si le Grand dictionnaire terminologique (GDT) de
l’Office québécois de la langue française (OQLF) avait traité le terme. Eh
bien, figurez-vous que oui et dès 2006.
Mais voilà que, pour une fois, le GDT fait
montre d’une pudeur de gazelle devant un calque et le retoque : « le calque de l'anglais roman
graphique est déconseillé, puisqu'il ne s'agit en rien d'un roman soutenu
par un art graphique, mais bien d'un type de bande dessinée. »
Au début, en anglais, le terme
pouvait même être équivoque : comme l’écrit un chroniqueur du New York Times, « when I mentioned to a friend that I was
working on an article about graphic novels, he said, hopefully, ''You mean
porn?'' » Mais rien de tel en français.
Larousse accepte le terme, avec
la définition : « bande dessinée, généralement pour adultes, d'une
longueur comparable à celle d'un roman, caractérisée par la grande place
accordée au texte. (Les œuvres de Hugo Pratt, Robert Crumb et Art Spiegelman
sont particulièrement représentatives du genre.) »
Selon la dernière Politique de l’emprunt linguistique de l’OQLF, dans l’acceptation d’un
emprunt on doit tenir compte de qu’ils appellent son « statut temporel ».
J’ai fini par trouver ce qu’il faut entendre par statut temporel dans une
communication faite à un colloque par des terminologues de l’Office: « La détermination de l’implantation d’un emprunt est
habituellement liée à une présence stable et prolongée (au moins au-delà de
quinze ans) dans l’usage effectif des locuteurs d’une collectivité. » La
fiche condamnant roman graphique est datée de 2006. Compte tenu de la réactivité
des rédacteurs du GDT, on peut présumer que le terme était utilisé depuis déjà
quelques années. Comme de fait.
Je trouve ce renseignement sur Internet : « D'origine américaine, le genre est né
sous la plume de Will Eisner dans les années 1970, avec ses chroniques sur la
communauté juive new-yorkaise. […] En France, il faudra attendre le début des années 1990 pour que des auteurs se fédèrent
afin de publier leurs ouvrages, trop atypiques pour les grands éditeurs de
bandes dessinées, qui les refusaient. » Bref, en vertu de son « statut
temporel », roman graphique
aurait pu être accepté.
L’OQLF a-t-il réussi à
influencer l’usage ? Sa proposition a-t-elle reçu la faveur
populaire ? Rien de plus facile à vérifier, il suffit de regarder le
nombre de pages Internet où la proposition de l’Office, bande dessinée romanesque, ses synonymes acceptés BD romanesque et
BD roman et le terme condamné roman graphique sont employés. On ne sera pas
étonné de constater qu’une fois de plus le terme privilégié par le GDT, sans
doute parce qu’il est trop long, n’a pas réussi à s’implanter.
Termes
|
Nombre de
pages dans Internet
|
Pourcentage
|
Bande dessinée romanesque*
|
1 620
|
0,04
|
BD romanesque
|
21 400
|
0,56
|
BD roman
|
63 300
|
1,65
|
Roman graphique
|
3 760 000
|
97,76
|
________
* Le premier
résultat que donne Google est précisément la fiche du GDT.
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