mardi 17 juillet 2012

Qu’il est difficile de faire avancer le schmilblick !


Il y a un mois (« Premières impressions »), je notais la présence d’un anglicisme dans une fiche que le Grand Dictionnaire terminologique venait de mettre en ligne :

« … le transport par navette peut s'effectuer selon des intervalles d'une journée, d'une semaine ou d'un mois, dépendant du rythme de rotation des équipes de travail ».


La phrase a depuis été corrigée :

« … le transport par navette peut s'effectuer selon des intervalles d'une journée, d'une semaine ou d'un mois, l'intervalle dépendant du rythme de rotation des équipes de travail. »


L’Office québécois de la langue française se décide enfin à réagir… un petit peu. Mais on n’a toujours pas corrigé un autre problème signalé dans le même billet, les fautes d’orthographe dans la définition anglaise de la fiche « house league » : « A leaque, in U.S. english, is an association of sports clubs or teams ». Et on n’a toujours pas non plus apporté de corrections à de nombreux autres problèmes que j’ai signalés depuis des mois.


lundi 16 juillet 2012

Seulement une bataille de chiffres, vraiment ?



Le 5 juillet dernier, le Conseil supérieur de la langue française (CSLF) émettait un communiqué sur les données statistiques sur la langue d’enseignement au cégep que lui avait fournies le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Le MELS avait en effet publié le 27 juin 2012 des indicateurs statistiques « dont certains diffèrent de ceux qui ont été fournis au CSLF » et que ce dernier avait cités dans son avis La langue d’enseignement au cégep rendu public en 2011. « Or, la publication des indicateurs linguistiques [du MELS], le 27 juin 2012, fait ressortir le fait que les chiffres employés dans les tableaux et graphiques 1 à 5 de l'avis du CSLF sont différents de ceux qui lui ont été envoyés en 2011. La plus grosse différence concerne le pourcentage d'allophones qui se sont inscrits pour une première fois dans des cégeps français en 2009 : 64,2 % selon les données obtenues en mars 2011, et 51,5 % selon les données qui viennent d'être rendues publiques. Le CSLF reconnaît que cet écart est important et il attend toujours des explications à ce propos de la part du MELS. »


Le communiqué du Conseil ajoute : « il convient de souligner que l'avis ne reposait pas sur ces seules données statistiques. Les principaux constats présentés dans l'avis du CSLF demeurent les mêmes, pour l'essentiel ». Le MELS a surévalué de plus d’une douzaine de points la présence des allophones dans les cégeps français et le Conseil nous dit tout uniment que son constat va rester le même. Il y a de quoi s’inquiéter.


Le CSLF écrit dans son communiqué qu’il « attend toujours des explications » de la part du MELS. Nous aussi.



Cette histoire m’a amené à vérifier si les données statistiques remontant au début des années 1980 et publiées dans les indicateurs du MELS en 2012 concordaient bien avec celles, fournies par lui, que l’Office québécois de la langue française avait utilisées dans son bilan de 2008. Une petite surprise m’attendait. Pour le tableau 3.9 du bilan de l’Office (Rapport sur l’évolution de la situation linguistique, p. 88), certaines données ne concordent pas même si les différences sont minimes.


Voici le tableau 3.9 du bilan de l’Office. J’ai ajouté en bleu des titres de colonnes car cela sera utile dans les explications qui vont suivre.



Dans sa publication du 27 juin 2012, le MELS nous avertit que « depuis 2007, la langue d'enseignement "Bilingue" n'existe plus au collégial. Le ministère a modifié sa collecte de données auprès des collèges qui ont désormais le choix entre le français et l'anglais. Les informations ont été corrigées en conséquence de façon rétrospective. » Vous avez bien lu : on corrige les statistiques de façon rétrospective. Comme dans le roman 1984 de George Orwell, c’est l’application du principe de la « mutabilité du passé ». La catégorie « bilingue » a disparu en 2007 et on l’a aussi fait disparaître des données statistiques antérieures. Curieuse façon de procéder.


Dans le tableau suivant, les données publiées par le MELS en 2012  concernant les élèves allophones qui étudient en français apparaissent en caractères rouges. On voit que ces données sont le résultat de l’addition des colonnes C et E qui apparaissent en vert. Toutes les données de l’ancienne catégorie « bilingue » ont été additionnées aux données du français plutôt que réparties à parts égales entre le français et l’anglais. Bien qu’il s’agisse de petits nombres, on peut quand même se demander pourquoi.




Pour terminer ce billet, un autre élément d’information concernant le MELS. Dans le dernier numéro des Échos, le bulletin de liaison de l’Association des démographes du Québec, on peut lire ceci (p. 7) :


Depuis quelques années, Robert Maheu tente en vain d'obtenir des statistiques sur le dossier linguistique de la part du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). D'autres chercheurs ont connu les mêmes mésaventures que lui: courriels laissés sans réponse, messages téléphoniques sans rappel, échéanciers non respectés (sans explications ni excuses) etc. Il s'est adressé à la responsable de l'accès à l'information du MELS qui lui a répondu qu'à partir de 2008-2009, les statistiques sur le dossier linguistique ne sont pas encore rendues publiques ou diffusées car elles sont à l'état d'ébauche ou de projet. Il pense que cela sent l'embargo politique à plein nez. Ayant maintenant la preuve que certaines des statistiques demandées ont bel et bien été produites dans une forme propice à leur diffusion, il a le sentiment amer d'avoir été dupé et trompé par le MELS, un ministère auquel il a consacré 25 années de sa vie. Il plaint ceux qui doivent gérer cet embargo.



mercredi 4 juillet 2012

L’Office et l’usage québécois : la géométrie variable à l’œuvre


Le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française a pris, depuis une dizaine d’années, un virage lexicographique : consignation des usages (attestés essentiellement à l’écrit) en les affublant d’une « marque », le plus souvent « langue courante ». On se contente donc d’enregistrer les usages plutôt que de déterminer quelle est la meilleure dénomination pour un objet ou un concept dans un domaine donné. C’est ce virage qu’ont dénoncé dix-neuf anciens terminologues de l’Office dans le manifeste Au-delà des mots, les termes.


Le GDT procède à la description des usages québécois au petit bonheur la chance. Certains mots échappent au révisionnisme lexicographique qui s’est emparé du GDT. Prenons un exemple, le mot vidéo. Il est donné comme étant de genre féminin. La fiche ne fait pas mention du fait que, dans l’usage québécois, le mot est très souvent (peut-être majoritairement ?) utilisé au masculin, même sur le site Internet de Radio-Canada :


Source : http://www.radio-canada.ca/emissions/une_heure_sur_terre/2011-2012/Chronique.asp?idDoc=201872


Extrait de la fiche du GDT :