Dans ses Polémiques, le professeur Guy Laflèche avait remis en cause l’appellation
de « rédaction épicène » pour désigner la forme d’écriture non
sexiste proposé par l’Office québécois de la langue française. Il préférait
parler d’écriture bigenre. Il a
repris son argumentaire dans L’Office
québécois de la langue française et ses travailleuses du genre (Les Editions du
Singulier, Laval, 2020). Dans son compte rendu de l’ouvrage, Lionel
Meney écrit :
Les promoteurs de la « rédaction
épicène » et de l’« écriture inclusive » sont des ignorants en
matière de langue, mus uniquement par des raisons idéologiques. S’ils
connaissaient le sens exact de l’adjectif épicène, ils ne prôneraient pas la rédaction « épicène »,
puisque cet adjectif qualifie un nom « qui
désigne aussi bien le mâle que la femelle d’une espèce. Nom épicène masculin
(ex. le rat). Nom épicène féminin (la souris) » (Le Petit Robert). On comprend que l’expression « style bigenre »
est plus adéquate.
Lionel Meney
poursuit :
[Les promoteurs de la rédaction épicène]
connaissent mal le fonctionnement réel du système du genre grammatical en
français. Critiquant le prétendu « sexisme » de la langue française,
ils ignorent le caractère véritablement féministe de ce système. En s’attaquant
à la langue, ils se trompent de cible. Certes, il est plus facile d’obtenir des
victoires sur papier, comme cette recommandation de l’OQLF, que de réelles
avancées touchant la condition féminine (égalité salariale, etc.).
Lionel Meney
résume ainsi la question du genre :
[…] le système du genre en français est un
système binaire dans lequel le féminin est le genre marqué et le masculin, le genre non-marqué. Il résume ainsi en trois règles sa position : Règle
n°1 : Les mots, les vocables ne sont pas marqués d’office en genre ; Règle
n°2 : Il n’existe qu’une seule et unique marque de genre en français, et
c’est le féminin ; Règle n°3 : La langue est un système très puissant qui
sait utiliser de deux manières ce code binaire.
C’est pour l’essentiel la position que j’ai
déjà présentée dans ce blog (« Le masculin continuera-t-il de l’emporter sur le féminin ? »).
Le terme de « rédaction épicène »,
utilisé par l’OQLF depuis au moins 2007, est impropre. Qu’à cela ne
tienne ! S’étant rendu compte du problème (quatorze ans plus tard, tout de
même), l’OQLF vient d’ajouter la fiche « rédaction épicène » dans son
Grand Dictionnaire terminologique. En 2011, le Manifeste des anciens
terminologues de l’Office reprochait au GDT d’enregistrer l’usage plutôt que de
l’orienter, conformément à son mandat. Et voilà que l’OQLF franchit un pas de
plus en enregistrant et normalisant son propre usage déviant !